Journée d'automne
Vendanges et doux parfum
Sublime saison

Je sentais la douceur fraîche du vent balayer mes cheveux autour de mon visage alors que je m’approchais du village de Bourg-Guignon. Cet endroit avait beau se trouver en plein centre de la Sylve Brumeuse, la brise s’y rendait sans effort. Un léger sourire effleura mes lèvres alors que j’approchai des vignobles que les villageois cultivaient ici et là. C’était bien la saison des vendanges et j’avais décidé de me porter volontaire pour aider un peu. Les jeunes ne s’intéressaient pas à cette activité pourtant cruciale pour le district. C’était bien la première fois depuis mille ans que je n’y avais pas assisté et renouer avec mes racines dans une ambiance qui m’avait manqué me rendait à la fois nostalgique et impatient.

Il était tout de même tôt et je savais que la fête n’allait pas commencer avant le soleil couché. De toute façon, il aurait été contreproductif de s’occuper des vendanges en pleine nuit. Les champignons éclairant les lieux n’auraient certainement pas suffi à bien y voir.

Je m’approchai d’une femme qui semblait distribuer des seaux pour récolter le raisin prêt à la cueillette. Je lui fis un doux sourire avant de tendre la main pour prendre l’un des seaux vides. Elle me disait quelque chose, me faisait penser à quelqu’un, mais après treize années couper d’Agapé et des gens que j’aimais, je ne pouvais mettre le doigt dessus. Je sentis un bref instant d’anxiété m’assaillir et je me fis violence intérieurement pour tout réfréner. Mon sourire se fit plus crispé, mais je tins bon jusqu’à m’éloigner de la dame, seau en mains.

- Reprends-toi. Ce n’est rien. Tu vas finir par te souvenir d’elle. Allez Trix…sois fort.

Dans mes pensées, je ne regardais plus du tout où j’allais et je percutai quelqu’un dans ma foulée. Je chancelai vers l’arrière, échappant mon récipient vide au sol dans un bruit plat. Je me rattrapai au bras de la personne que j’avais percuté par inadvertance et nos regards se croisèrent. Gros malaise!

Le rouge me monta aux joues et aux oreilles, le cœur battant la chamade dans ma poitrine. Je m’exclamais sans attendre dans de sincères excuses.

- Pardon! Je suis sincèrement désolé!

Avec tout cela…je n’avais pas relâché son bras…oups.

J’étais confus. La situation était incompréhensible. Misunderstanding. Juste quand je voulus relâcher ma prise sur le bras de cet inconnu, il agrippa mon propre bras en me regardant. Je rougis de plus bel et détournai les yeux. Guilty, voilà comment je me sentais pour le coup et ses sourcils froncés…Il était fâché?

Je déglutis avant qu’il ne m’entraîne avec lui vers les vignes encore pleines de raisins. Bellisimo. Tout cela était trop beau à regarder. Je ne pouvais m’empêcher de trouver les vignes splendides en cette période de l’année. Ce n’était pas pour rien qu’il existait un festival pour cela. Je jetai un coup d’œil à mon compagnon de cueillette. Quoique je ne l’avais pas choisi et qu’il s’était imposé à moi. Destiny. Je finis par l’observer tout aussi silencieusement absorbé par son expression vide en émotion.

Great. Alors qu’il se présentait à moi, je me calmai un peu plus. La gêne fit place à la curiosité. Cet homme était un embaumeur? Quelque chose du genre. C’était intriguant, interesting. Je finis par tenter un maigre sourire timide et j’inspirai avant de prendre mon courage à deux mains et me présenter à lui aussi.

- Je m’appelle Trix Diabella, je suis biochimiste médical à l’hôpital général de Kalahari. C’est un plaisir de vous rencontrer.

Je me mis à jouer avec la poignée de mon seau encore vide du quelconque raisin. Bueno. J’avais une petite question en tête et je ne savais pas trop comment l’aborder avec cet inconnu qui devenait un peu plus et bien…connu. Je finis par me lancer tout de même.

- Alors…hm…vous aussi vous mettez vos mains dans les fluides corporels des gens? À moins que je ne me trompe totalement!

Mamamia! Ce que je pouvais avoir l’air complètement suspect en disant ce genre de choses! Je me mis à me mordiller la lèvre inférieure avant de détourner le visage. Pourquoi est-ce que j’avais de ces idées dans la tête! Stupido! J’allais passer pour une personne complètement déjantée!

- Oubliez ça…je dis n’importe quoi…

Je m’accroupis pour commencer à cueillir des raisins en essayant de faire partir la rougeur sur mes joues. Ce Jinguó pouvait tout simplement être le propriétaire de l’édifice et ne pas s’occuper des corps! Il pouvait aussi s’occuper que du cimetière. Mea Culpa, je pouvais totalement me tromper à son sujet, surtout que je ne le connaissais même pas!

- Les raisins m’ont l’air très juteux! Cela fera du bon vin!

Je me sentais vraiment mal à l’aise d’avoir posé une question comme celle-là. J’aurais dû y réfléchir à deux fois voire même trois fois avant de la mettre sur la table. Une reformulation plus adéquate aurait aussi dû être de mise. Je me sentais coupable de mes manières et de ma sociabilité limite. J’écoutais l’autre homme me parler, mais fut étonné qu’il ne se répugne pas ou même qu’il ne s’éloigne pas après ma bévue sociale. Je relevai mon regard améthyste vers lui et clignai des yeux. Il me faisait vraiment la conversation? Je ne m’y attendais pas!

J’esquissai un petit sourire embarrassé alors qu’il m’expliquait son point de vue et son métier plus en détail. Au moins, il avait la gentillesse d’être clair dans ses propos. Je ne pouvais pas en dire autant des miens à vrai dire. Je baissai les yeux sur le raisin lorsque l’agent funéraire termina ses paroles en tentant de me rassurer ou pas. Ses derniers mots me rappelèrent ceux de mon ex. Combien de fois l’avais-je entendu me dire que j’étais inadapté pour la société et que seul lui pouvait réellement me comprendre et me supporter? Un beau mensonge…avec un peu de vérité quand même.

N'ayant côtoyé que des gens dans le métier dû temps que j’étais à Bedwyr, je n’avais pas eu beaucoup de conversations qui n’étaient pas sur des sujets médicaux. Mes collègues étant les seuls individus qui m’étaient autorisés à fréquenter car, sur le lieu de travail. J’avais manqué beaucoup d’expérience sociale pendant ces treize longues années. Pouvais-je me rattraper? Certainement. Mon psy y croyait et même le lieutenant Quartz aussi. Je devais simplement faire plus d’efforts que la majorité des gens.

J’inspirai longuement avant de reporter mon regard sur Jīnguó. Je tentai un petit sourire misérable, mais il allait faire l’affaire.

- Votre métier est très intéressant. Ça s’entend juste à vos mots que vous prenez soin des défunts qui vous sont amenés.

Petit commentaire gentil de ma part pour complimenter. Oui, complimenter les gens c’était la base d’une vie sociale normale, non? J’allais devoir trouver des livres sur le sujet ou bien faire des essais et erreurs par moi-même. Je grimaçai en y pensant. Les erreurs me coûtaient souvent chers…non m’avaient coûté chers. Maintenant, j’étais libre d’en faire sans répercussion. Personne ne m’attendait au tournant.

Je tentai un deuxième sourire un peu mieux que le dernier. Je reportai mon attention sur le raisin, en cueillant pour en mettre dans mon seau.

- Je ne connais pas grand-chose au vin. Par contre, je sais que Bourg-Gignon est réputé pour son raisin et son vin savoureux et charnu. On ne retrouve que l’excellence dans les petites entreprises et des villages comme celui-ci. Les gens aiment leurs cultures et ils y mettent tout leur cœur.

Mon sourire se fit plus naturel, plus doux en pensant à Agapé, mon district natal qui m’avait tant manqué.

- Il y a une soirée organisée pour déguster du vin. Vous pourrez en goûter toute la saveur…

Qu’est-ce que Meteor avait dit déjà? Ah oui…de se lancer sans réfléchir et en mode automatique!

- …avec moi?

- En tant que biochimiste médical, il m’arrive parfois de devoir aider les techniciens de laboratoire dans les examens à analyser. Habituellement, mon travail consiste à analyser les résultats obtenus et à en faire une lecture complète et concise.

Trix observe avec intérêt l’agent funéraire. Pas qu’il soit intéressé par sa personne, il était trop tôt pour cela, mais le lilas trouvait que son métier était des plus intéressants au fur et à mesure qu’il en apprenait davantage sur lui. Son regard améthyste se fit interrogateur lorsque l’homme à la chevelure ténébreuse lui demanda si l’Agapéen savait ce qu’était un Kamidama. Le médecin secoua la tête, ne sachant pas ce que cela était. Maintenant, il était bien curieux de savoir ce que cela était.

- Aucune idée. Qu’est-ce qu’un Kamidama?

L’homme trouvait cela très gentil et bienveillant de la part du Uchinien d’offrir des ateliers aux adolescents de son district ou d’autres districts. Le lilas termina de remplir son seau de bons raisins bien savoureux pour la préparation du vin. Il souleva celui-ci pour voir si cela était lourd ou plutôt léger. Un peu entre les deux dans les faits. Son regard améthyste tomba sur la main de l’agent lorsqu’elle se posa sur la sienne. Il cligna des yeux et rougit un peu, mal à l’aise.

- Hm…Content que vous acceptez ma proposition. Nous trouverons bien des saveurs qui nous plaisent tous les deux. Tout cela en apprenant à nous connaître, oui.

Trix se redresse en tirant sur la poignée de son seau. Il le tient à deux mains pour répartir le poids et ne pas se blesser. Il sourit légèrement à l’Uchinien et il lui fait signe de le suivre s’il a lui aussi terminé de remplir son récipient.

- Allons porter nos contenants et ensuite, recommençons le processus une ou deux fois. Après, ce sera bon et nous pourrons aller nous reposer un peu. Il ne faudrait pas s’épuiser avant ce soir. Ce serait malheureux.

- Non…hm…Je suis originaire d’Agapé…mais ce que vous me dites est très intéressant. Je ne savais pas que cela existait comme coutume.

Kamidama. Ce sanctuaire miniature comme l’expliquait l’Uchinien me faisait penser à une sorte de souvenir perpétuel pour les défunts. Une sorte de commémoration à domicile qui permettait de toujours avoir une pensée ou une offrande pour eux. Il y avait bien des gens qui gardaient les cendres des personnes chères à leur cœur dans leur salon, j’imaginais bien un petit sanctuaire aussi. Il existait beaucoup de mœurs et coutumes pour ce qui concernait l’au-delà et la mort. C’était évident que chaque district avait ses commodités et ses propres croyances.

Sur ses réflexions que je me gardais pour moi-même, je posai mon regard sur les tatouages de l’autre homme. Des dragons? Je penchai un peu la tête sur le côté pour mieux les regarder. Ils étaient jolis. Est-ce que ce Jīnguó était un amateur de pokémons dragons? Peut-être bien. Je n’osais pas trop m’aventurer dans ce genre de sujet alors, je préférais m’abstenir et suivre des propos plus généraux. Parler du beau temps et du mauvais temps ou autre chose banale. Enfin…sauf lorsque je gardais le silence et lui aussi.

Les seaux n’allaient pas se remplir tout seul alors, je faisais de mon mieux pour me concentrer sur le raisin et non pas les tatouages qui me perturbaient un peu. Déjà que mon partenaire de cueillette était très tactile, il n’avait pas l’air non plus d’être du genre à se gêner. Avec ce qu’il arborait sur ses bras, je me mis à lui imaginer une double vie. Agent funéraire le jour, mafieux la nuit. Quelque chose comme cela. Je ne pus m’empêcher de rougir un peu en imaginant la scène dans ma tête. J’étais certain que cela aurait pu faire une bonne série télévisée tout du moins!

Je relevai mes améthystes sur le visage de l’Uchinien lorsqu’il ma parla de ses goûts. Donc, tout ce qui était trop sucré ne passait pas. Noté. J’avais une petite idée de vins qui pourraient être dans ses cordes. Corsé, frais et peut-être plus acide. Loin des spiritueux et des vins à dessert. Je n’étais pas un fin connaisseur, mais je savais au moins faire la différence entre certaines sortes de vins et pas que par la couleur. C’était la base et en vrai, cela me suffisait amplement.

- Je ne m’y connais pas beaucoup comme je l’ai déjà dit, mais peut-être qu’un vin à la fois corsé et acidulé pourrait vous intéresser. Moi…tant qu’il est écrit vin sur la bouteille…

Je tentais un peu d’humour même si je ne me savais pas rigolo. J’eus un rire un brin nerveux alors que nous terminions de transporter nos seaux pleins de raisins à l’endroit prévue à cet effet pour une énième fois. À force, j’allais certainement me faire des muscles aux bras! Je devais tout de même faire attention puisque j’avais été blessé à plusieurs reprises aux deux bras. Je ne devais rien faire de trop forçant ou bien j’allais encore me retrouver dans une fâcheuse et douloureuse situation. Non merci!

Dès que l’interrogatoire de Jīnguó commença, mes mouvements se firent plus raides et désorganisés. J’échappai même du raisin au sol et m’accroupis pour le ramasser. Je sentais mon cœur commencer à accélérer dans ma poitrine. Je me fis violence mentalement pour tenter de me calmer. C’était NORMAL d’être curieux. De plus, nous apprenions à nous connaître et malgré ses airs de mafieux avec tous ses tatouages, il ne semblait pas me vouloir le moindre mal.

- Hm…J’ai quelques pokémons depuis peu…Disons que…qu’ils m’aident dans mon travail et mes recherches.

Formulé comme cela, l’agent funéraire allait certainement croire que je disséquais des pokémons ou autres trucs horribles du genre! Je me redressai vivement en agitant les mains pour tenter de désamorcer le futur malentendu, renversant dans le processus le seau à mes pieds. Des tas de raisins se mirent à rouler ici et là devant moi. Je me mis à rougir de honte.

- Ce n’est pas ce que vous pouvez croire! Ce sont mes assistants et ils m’aident à chercher des antidotes au poison qu’ils sécrètent ou encore à chercher des composants…Ahhhh noooon! Pas les raisins!

Oui. J’étais un peu beaucoup (trop) maladroit quand je paniquais. Pas que je c’étais monnaie courante (si, si), mais j’avais envie de me terrer six pieds sous terre, là, tout de suite et maintenant.

- Je…désolé…! Si maladroit et même pas encore une seule goutte d’alcool…ah…ah…

Je m’accroupis de nouveau pour ramasser ceux près de moi, n’osant plus regarder l’Uchinien. Je devais être rouge tomate maintenant!

- Et euh…vous aimez les pokémons? Votre établissement n’est pas hanté j’espère…ce serait dommage que des pokémons spectres s’amusent au dépend des défunts…

Changer de sujet pour aller vers quelque chose qui ne me concernait pas. Mettre l’attention ailleurs que sur moi et tenter de réparer ma gaffe en ramassant le raisin éparpillé autour de moi. La galère. Je devais avoir l’air complètement ridicule.

Je me sentais terriblement embarrassé par ma maladresse et mon manque de self control. L’Uchinien ne semblait pas être embêté par cela, mais je l’étais pour lui à vrai dire. J’avais donc tôt fait de changer de sujet pour me focaliser sur lui plutôt que moi. Il se voulait tout de même réconfortant dans un sens. Il arrivait à calmer ma nervosité avec ses propos. S’il disait vrai alors, je pouvais au moins m’apaiser l’esprit et la conscience. Je devais arrêter de croire que tout le monde appartenait à Trismegis ou y était affilié.

Je souris légèrement, crispé tout de même. Je baissai mes améthystes sur les raisins qui traînaient ici et là sur le sol. J’avais ramassé ceux qui se trouvaient au plus près de moi. Je ne savais pas trop quoi dire, quoi répondre alors, je me mordillai la lèvre inférieure, gêné. J’avais envie de jouer avec les manches de mon haut, mais je me fis violence pour ne pas le faire. Assez de ses tics et de ses tocs qui prouvaient ma nervosité. Je devais m’en défaire. Je le savais pourtant si bien. Je finis par relever mes yeux de pierres précieuses violacées sur Jīnguó et je rougis un peu. Il avait l’air si sûr de lui à comparer à moi.

- Hm…J’en ai peut-être un peu fait trop…Je suis content de savoir que je ne suis pas le seul être humain à apprécier l’aide de ses pokémons dans son travail. Ils sont tellement intelligents et dévoués…et on ne les paye même pas en plus…

Moi aussi j’essayais de faire un peu d’humour même si ce n’était pas encore cela. Je replaçai une mèche de cheveux derrière mon oreille et posai mon regard sur sa main tendue une fois les raisins ramassés. Je glissai doucement mes doigts dans cette main accueillante, puis je les resserrai avec légèreté pour me relever ensuite de son aide. Mon seau était de nouveau plein de son contenu et je le remerciai avec gratitude pour tout.

- Merci. Hm, je ne sais pas trop si perd ma maladresse avec quelques gouttes d’alcool dans le sang, mais je ne suis pas certain non plus d’être le genre de personne à pouvoir jongler avec des épées en feu.

Après quelques secondes, je relâchai sa main et ramassai mon seau. Il était temps de tout transporter à bon port.

- Le pokémon de type dragon sont majestueux et intimidants aussi. Jamais je n’oserais en posséder un. Je ne crois pas avoir le talent pour être un assez bon dresseur pour cela. J’aurais peur de le rendre malheureux.

Je me posai à une petite table, sur une chaise libre et je laissai échapper un soupir de soulagement. Nous avions très bien travaillé et les gens de Bourg-Guignon étaient satisfaits et heureux de nos efforts pour la récolte. Je laissais flotter un doux sourire sur mes lèvres en regardant des enfants tenter de soulever un grand seau rempli de raisins jusqu’au rebord. Il devait être beaucoup trop lourd pour eux, mais c’était mignon de les voir y mettre tous les efforts.

- Vous devez avoir des employés en or pour qu’ils sachent s’occuper de ces pokémons opportunistes. Chacun ses expériences et ses compétences comme on dit si bien…

Je tournai la tête vers l’agent funéraire avant de continuer sur un tout autre sujet.

- Vous êtes une personne plutôt spontanée ou réfléchie? J’ai l’impression de vous voir un peu entre les deux. À moins que…vous ne soyez qu’une personne tactile de prime abord. Vos mains sont votre outil premier, tout comme les miennes dans un sens.

Et me revoilà avec des sujets plutôt louches et bizarres. J’allais passer pour un fétichiste des mains si cela continuait. Comme si je faisais une fixette sur les doigts et les avant-bras. Je me mis à rougir un peu de mon audace avant de prendre un verre de vin qu’une native de Bourg-Guignon vint nous offrir comme apéritif. J’en profitai pour tremper mes lèvres dans le liquide carmin, me faisant ainsi taire.

- Oh…Je vois…

Je baissai les yeux et me tus, le laissant parler et ne voulant pas l’interrompre. Si j’en faisais trop, cela pouvait très bien déranger, ce que je ne voulais pas faire. Je me disais donc que dorénavant, j’allais tenter de rester sage et passif pour ne pas embêter qui que ce soit. De toute façon, le travail était terminé et nous étions dorénavant attablés. Je me permettais simplement un hochement de tête ici et là pour acquiescer à ses dires. L’Uchinien semblait tellement instruit sur divers sujets. Il avait des passions contrairement à moi. Enfin…je n’avais que mes recherches sur les poisons comme seul passe-temps et encore…c’était du travail en réalité.

Je ne me voyais pas du tout posséder un pokémon de type dragon. Je commençais à peine à en avoir en ma possession, des pokémons et j’avais encore des craintes de ne pas savoir bien m’en occuper. Je faisais tout mon possible pour qu’ils soient heureux cela dit. Le fait qu’ils soient tous de type poison me rendait un peu plus confortable, les ayant étudié pour mes recherches. Je devais simplement mettre la théorie en pratique. Je me mis à réfléchir concernant les Kravarech et leur possibilité d’innovation vis-à-vis de mes recherches sur les poisons. Je ne me sentais pas à l’aise de posséder un tel pokémon, tout du moins, pas tout de suite et peut-être même jamais. Je me permis de revenir sur le sujet des pokémons de type dragon et remerciai l’Uchinien.

- Merci pour toutes ses informations si précieuses. Je comprends un peu mieux votre passion pour l’espèce des dragons. Je ne pense pas avoir l’audace d’un jour posséder un Kravarech, mais je sais que mon avenir n’est pas encore tout tracé alors…qui sait?

Je souris avec douceur et je pris une gorgée de mon verre de vin avant de voir Jinguo boire d’un trait le sien. Je ne dis rien, ne voulant pas le mettre mal à l’aise quoique je ne croyais pas cela possible, le concernant.

- Travailler de manière aussi manuelle en plein extérieur peut effectivement assoiffer. Ne vous gênez pas pour en redemander d’autres, c’est gratuit.

Moi-même après quelques gorgées, je me permis de reprendre un autre verre de vin que j’entamai tout doucement.

- Cela faisait un moment que je n’avais pas profité d’une belle journée et d’une belle soirée comme celle-ci sans me casser la tête. Je suis content et vous êtes une personne très intéressante, monsieur Lóng.

Je souris toujours, heureux et beaucoup moins nerveux. L’alcool y est peut-être pour quelque chose, je n’en sais rien. Je profite simplement du moment présent en bonne compagnie. Il a bien beau être différent de moi, l’agent funéraire n’en reste pas moins intriguant, mystérieux et facile à parler. Enfin, je trouve.

- Hm…

Je ne savais pas quoi dire ou quoi poser comme question et je faisais tout pour réfléchir à quelque chose de bien. Je finis par me remettre à jouer avec les manches de mon habit, concentré. Je relevai les yeux vers le regard de Jīnguó et clignai des paupières en me rendant compte du silence inconfortable que j’avais entraîné entre nous deux.

- Oh, désolé…hm…Comment voyez vous ce monde d’ici dix ans? Enfin…je veux dire…y a-t-il moyen de l’améliorer? Croyez-vous…qu’on puisse arriver à vivre en paix, humains et pokémons? J’aimerais…que ce soit le cas…cette planète appartient à tout le monde…ce serait dommage de jouer les méchants vis-à-vis d’espèces qui ne font que vivre leur propre vie…

De retour un peu dans mes pensées que je disais à haute voix en murmurant alors que je repensais à ses propos concernant les pokémons. Ils n’étaient pas des machines, mais bel et bien des créatures vivantes. L’espèce humaine pouvait être fourbe et vile, surtout avec ce qu’elle ne connaissait pas et même ce qu’elle connaissait que trop bien. N’ayant pas Trismegis dans mon cœur, ni leur manière de faire, ni quoique ce soit qui s’y rapporte dans les faits, je comprenais cette aversion à ce courant de pensée.

- Je n’aime pas Bedwyr…ni Trismegis d’ailleurs…

Je parlais peut-être un peu trop franchement maintenant, mais qui cela pouvait-il bien offenser? Je ne parlais pas assez fort pour que qui que ce soit d’autres que mon interlocuteur ne m’entende. Et puis, de toute façon, mon point de vue ne valait pas grand-chose et j’en étais plus que conscient.

Je l’écoute parler. Je ne veux pas l’interrompre alors que ses mots ont tellement de sens à mes oreilles. Vivre le jour le jour…je rêvais de pouvoir faire la même chose sans tracas, sans mauvais souvenir et sans arrière-pensée. Je n’en étais pas encore rendu-là malheureusement. Pourtant, avec les paroles de Jīnguó, je pouvais me conforter en me disant qu’un de ses jours, j’aurais ce que je mérite, ce qui m’est dû dans la vie. La paix et la sérénité était à portée de main, il fallait simplement que je fasse foi d’un peu de patience.

- Oui, vous avez raison.

Sortir plus souvent voulait aussi dire sortir de ma zone de confort et tenter de calme mon anxiété maladive et ma paranoïa. Je travaillais là-dessus avec ma psy et je faisais beaucoup d’efforts, mais ce n’était pas encore cela. L’alcool devait m’aider à me faire sentir plus à l’aise tout comme la petite fête d’ailleurs. Je ne pensais plus à rien, tout du moins, pas en cet instant.

Je me risquai à poser ma main sur celle de l’agent funéraire lorsqu’il sembla tomber dans la lune. Je n’osais pas trop le forcer à revenir dans la réalité, mais son regard fixe au loin et cette impression de le voir retourner dans ses propres souvenirs m’inquiétaient un peu. Je serrai donc mes doigts contre les siens, doucement et l’interpellai juste au moment où il revenait à lui et serrait son poing en respirant fort. Je sursautai et retirai vivement ma propre main de la sienne, me croyant fautif de quelque chose. Je déviai les yeux de sur sa personne et les baissai sur mes mains que j’avais cachées sous la table à présent.

- Je…hm…désolé…Je n’aurais pas dû…vous sembliez parti vraiment loin…et je m’inquiétais…

Mon état d’âme encore et toujours qui me torturait. Chaque initiative que je prenais me pesait comme une enclume que l’on m’attachait à la poitrine. Oppressante, lourde…comme rattacher à mon anxiété et à la peur de subir des représailles.

Par chance, mes propos concernant Bedwyr et Trismegis avait ravivé un sourire sur les lèvres de mon vis-à-vis. Je clignai des yeux en l’entendant vouloir trinquer à un ennemi commun. Quoique ennemi, je ne savais pas encore si toute l’organisation l’était pour moi. Peut-être que cela était encore trop tôt pour le dire, mais ma haine à l’égard de Terry était réelle. L’homme face à moi semblait empreint d’une passion alors qu’il faisait son éloge à un monde nouveau à venir. Je buvais ses paroles avec précaution, mais attention. J’hochai de la tête voyant aussi une vision comme celle-là, mais beaucoup moins détaillée que la sienne.

Je frissonnai en l’entendant dire qu’il fallait faire tomber la tête de la cheffe Alba Tross. Je ne l’avais jamais rencontré personnellement, mais ce n’était pas une personne que l’on aimait. Pas de son plein gré et encore moins avec lucidité. Beaucoup de gens voulaient la voir tomber, morte, un cadavre inerte qui ne pourrait plus gouverner quoique ce soit. Je comprenais la motivation, mais je ne savais pas encore si j’étais capable de me rendre jusqu’à cela.

- Comment voulez-vous qu’une telle chose arrive? Cette personne est hors d’atteinte tout comme Trismegis en général. L’organisation ferme les yeux sur bien des choses et protège les propos arriérés de leur dirigeant. Protection équivaut à régime de terreur. Je le sais…je…j’ai dû travailler pour eux lorsque je travaillais à Bedwyr…Nous, les médecins, peu importe notre spécialisation, nous devions obligatoirement être membre de cette organisation pour exercer là-bas…C’est oppressant…et lorsque l’on part…on a l’impression d’être un fugitif…

Je frisonne de nouveau. Non, en fait, je tremble. Je tente de me calmer et prend une grande inspiration. Tout va bien aller. Je suis à Agapé avec une personne qui ne fait pas partie de Trismegis. Je suis loin de mon ex, loin de l’organisation et personne ne viendra me chercher pour me ramener. N’est-ce pas…? N’est-ce pas ??

- Pourquoi des gens doivent-ils obligatoirement asseoir leur force de frappe et leur pouvoir sur ceux qui n’en ont pas? Je déteste ça…

Je soupire en buvant mon verre de vin, en reprenant un autre dès qu’il est vide et l’entame aussitôt. Boire allait calmer ma nervosité. Boire allait m’arrêter dans mes pensées malsaines et mes souvenirs sombres.

Malgré mes racines Agapéennes, l’alcool commençait à faire son petit bout de chemin dans mes veines et mon sang, à mon cœur et mon cerveau. Mes pensées claires devenaient confuses et brumeuses. Mes actions plus précipitées, moins réfléchies quoique parfois avec une certaine lenteur. Mes joues prenaient une couleur légèrement rosée, démontrant une certaine chaleur à cet endroit de mon anatomie. Parce que oui, même en plein automne et là et maintenant, j’avais chaud. Une forte consommation pouvait mener à l’ivresse et à divers symptômes comme ceux-ci. Je n’y étais pas étranger, mais pas non plus des plus familiers.

Mes améthystes se posèrent sur la main de l’agent funéraire qui caressait la mienne. Je ne m’en soustrayais pas, le laissant faire. Je ne ressentais aucunement d’animosité de sa part et…je n’avais pas envie de retirer ma main de cette présence chaleureuse. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas eu de gestes d’affection à mon égard. Venant d’un inconnu en tout cas. J’aimais que nous parlions de tout et de rien, que nos conversations soient franches et sans demi-mesure. Je me sentais bien et à ma place. Puis, la nervosité qui m’habitait s’estompa peu à peu pour se faire oublier l’instant d’une soirée.

J’écoutais, mais ne répondais rien. Je n’avais plus trop l’envie de répondre non plus. Pas que cela me rendait mal à l’aise, mais je préférais prendre ces propos comme des confidences, un discours qui ne se répondait pas, mais se buvait comme un bon vin. Jin semblait savoir de quoi il parlait, il avait cette confiance que je ne possédais pas, mais que j’enviais. Lui, il savait qui il était, moi pas encore. J’y travaillais, certes, mais cela prenait du temps. Beaucoup trop de temps.

Je fermai les yeux pour absorber ses mots, hochant parfois de la tête en signe d’affirmation. Si seulement les pourris de ce monde pouvaient tous crever. Terry en particulier. Lui, un jour, j’allais lui faire la peau quoiqu’en dise Meteor. Enfin…peut-être…un jour.

Je rouvris les yeux et observai Jin avant de boire mon dernier verre d’un trait. Mon regard intensément violacé et lumineux se posa dans son regard ambré. Je pinçai les lèvres, me retenant de dire quoique ce soit, puis me relevai d’un bond avant d’agripper sa main et de l’attirer avec moi plus loin. C’était à moi de l’entraîner à faire quelque chose et sans lui demander son avis, je le traînais vers la petite piste de danse improvisée. Une musique festive s’entendait autour de nous. Assez de discussion. Assez de mots et d’écoute.

On m’avait dit de suivre mes envies et mes désirs. De m’écouter, moi. Et là, je voulais danser, me vider la tête. Dictature ou démocratie déguisée, planification de meurtre ou simple imagination, tout cela n’avait plus d’importance. En plus, je connaissais cette musique et cette danse traditionnelle agapéenne. Si Jin ne dansait pas, au moins, il pourrait apprendre quelques pas avec moi. Enfin…je tenais encore debout quoi!

Un fin sourire s’afficha sur mes lèvres et je me laissai enivrer par les pas de danse, les mouvements que je percevais fluides, mais étaient plus désordonnés par l’ivresse. Je m’amusais bien. Je devais m’amuser. Peut-être même que j’allais réussir à rire un peu. Enfin, j’étais plus serein et influençable aussi, mais cela, je le tassai loin dans ma tête.

Ma main avait relâché celle de l’Uchinien sans m’en rendre compte au cours de la danse. Une autre main saisie la mienne et je tournai la tête pour voir un rouquin qui me souriait. Je lui souris en retour, ne cherchant même pas à savoir si c’était un ami ou un ennemi. Qu’importe? L’amusement n’avait pas de préjugé hein? Le plaisir non plus d’ailleurs. Une pensée pour Jīnguó traversa mon esprit embrumé et je le cherche des yeux quelques secondes. Était-il proche de moi ou loin? Les distances étaient floues, inexistantes en fait. Enfin…c’était pour cela que le rouquin me collait non? Un autre Uchinien très tactile peut-être…? Réfléchir dans mon état n’était pas efficace, loin de là. Tant pis.

Je me sens bien, vraiment bien. Je ne suis pas encore hors limite, ni en pleine ivresse, mais dans cet état d’esprit qui me rend léger et qui ne me prend pas la tête. Je reconnais les pas et même si Jin ne les connait pas, je tente de les lui montrer en souriant avec légèreté et douceur. J’ai chaud sur mes joues et dans mon corps, mais ce n’est pas désagréable. Au moins, je me sens libre de faire tout et n’importe quoi sans m’attarder sur ce qui m’entoure. C’est la boisson dans mes veines qui me rend plus calme, plus doux et beaucoup moins perturbé et nerveux. C’est une bonne chose, mais en même temps, je ne dois pas y prendre goût. Je le sais. Je connais les ravages de l’abus d’alcool. Je ne veux pas en refaire les frais, pas que cela soit de ma propre consommation mais de celle d’un tiers individu.

Je me retrouve loin de l’homme à la chevelure sombre pour me retrouver contre un autre à la chevelure flamboyante. Je lui souris non sans rougir un peu, plus trop habitué à ces contacts rapprochés entre deux être humains. Nous dansons ensemble, juste un peu et sa présence se fait de plus en plus intime, mon corps contre le sien ou plutôt l’inverse. Je ne le repousse pas, je n’y pense même pas. C’est juste de la danse, pas vrai? Pas du tout les mêmes mouvements que je connaissais, mais cela devait être une variante, pas vrai?

Son corps se fait plus insistant sur le mien et mon sourire doux se fane un peu. Je me sens dépassé parce que je n’ai plus le moindre repère. Et puis, je vois Jin. Il m’agrippe et m’attire à lui. J’ai le souffle court, hébété par cette possessivité que je ressens en provenance de l’Uchinien sur le coup. Je tourne la tête vers le rouquin qui déverse son venin contre ma personne. Je l’observe quelques secondes et je détourne les yeux. Qu’avait-il voulu dire au juste? Avais-je fait quelque chose de mal encore une fois? L’ivresse du moment s’estompe comme une gifle au visage. L’euphorie devient malaise et dépit. Une boule se forme dans ma gorge et je n’arrive pas à répondre quoique ce soit. De toute façon, je n’en ai même pas le temps que l’agent funéraire me prend la main et me guide plus loin. En retrait, loin du bruit, loin du roux et de sa langue de Séviper.

L’air frais emplit mes poumons alors que je ferme les yeux. Mes doigts s’entrelacent à ceux de l’autre homme qui m’a sorti d’un pétrin inconnu, mais certain. Ma poigne se fait plus forte et je rouvre les paupières pour poser mes améthystes dans la clarté des yeux ambrés de mon vis-à-vis. Je lui fais un maigre sourire, désolé de lui pourrir la soirée. Tout du moins, c’est comme cela que je le voyais. Je faisais encore des conneries. Je voyais l’interrogation dans ses prunelles de miel, mais les miennes ne brillaient plus aussi fort que quelques instants plus tôt. Je serrai sa main plus fort dans la mienne, encore plus fort.

Je voulais dire quelque chose. Lui prouver qu’il n’avait pas à s’inquiéter pour moi, mais…cette boule au fond de ma gorge ne me le permettait pas. N’arrivant à rien, je finis par m’avancer d’un pas que je crus ferme, mais qui ne l’était pas. Je perdis pied et tombai vers l’avant, sur lui, sur Jin. C’est à cet instant que je relâchai sa main pour essayer de me retenir, mais je ne pus que me rattraper à lui, nous faisant toucher le sol à tous les deux.

Nos visages se rapprochèrent avec rapidité et nos lèvres se heurtèrent l’une à l’autre, ne pouvant aller plus loin. Je me figeai l’espace de quelques micro secondes, puis je fermai les yeux et l’embrassai avec présence et douceur. C’était ma manière de lui dire, je vais bien. L’acte pour dire, je ne veux pas être seul. Ma manière de m’émanciper de ma douleur et de mes tourments. Un baiser accidentel devenu ma bouée…mon attache.

Mes doigts se glissèrent dans sa chevelure sombre et s’agrippèrent au tissu de son haut. Nous étions parterre, mais je m’en moquais. Je venais à ce moment-là de comprendre le sens du mot libéré.

Ma douceur contrastait avec la passion dévorante de Jin. Je ne l’aurais jamais cru aussi passionné, mais il avait déjà fait preuve de possession à mon égard quelques minutes plus tôt. Je gémis légèrement contre ses lèvres avant de reculer la tête, le souffle court. Mes améthystes se posèrent sur son visage alors que mes propres joues devaient être rouge à la fois de gêne et d’ivresse. Je reprenais doucement mon souffle, résultat de la chute accidentelle et du baiser que nous venions d’échanger. J’espérais que l’agent funéraire ait compris mon message, mes intentions.

Mes yeux dévièrent vers sa main lorsqu’il se releva en me la tendant. J’avais entendu les mots sortir de sa bouche, mais je ne les avais pas vraiment écoutés. Je relevai ensuite mon regard de nouveau sur son beau visage et je relevai la main pour glisser mes doigts entre les siens, m’aidant de son appui pour me relever à mon tour. Je me mordillai la lèvre inférieure, encore embarrassé, mais je ne relâchai pas la main de l’autre homme. Je ne voulais plus la lâcher et que tout parte en vrille une fois de plus.

- Je te fais confiance...

Avec docilité, je le suivis jusqu’à un hôtel local tout près de Bourg-Guignon. Je relevai mes orbes améthyste vers le panneau de l’établissement. Les néons réfléchissaient leur lumière blanche et verte sur nos visages et nos habits. Je tournai la tête vers Jīnguó et j’entrai dans le bâtiment avec lui. Je n’allais pas résister de toute façon. Je préférais suivre et ne pas causer le moindre tort à qui que ce soit.

Une fois dans la chambre, je pris conscience de ce qui risquait de se produire. Enfin…un risque parmi tant d’autres. Je relâchai la main de Jin. Je m’approchai du lit et laissai glisser mes doigts sur la couverture colorée le recouvrant jusqu’à remonter jusqu’aux oreillers. Je reportai mon attention vers l’autre homme cherchant la moindre malhonnêteté dans son regard. J’avais confiance, certes, mais j’avais des appréhensions aussi. Je réfléchissais mal. Je n’étais pas concentré. Je lui fis signe de réduire la distance entre nous jusqu’à ce que nous soyons l’un en face de l’autre.

-------------------------------

1-5 : - Je ne crois pas être prêt...Je...Je suis désolé... Je baisse les yeux et détourne la tête alors que je me sens misérable après tout ce chemin parcouru avec l'autre homme. Malheureusement, malgré ce baiser échangé entre nous, mes appréhensions à aller plus loin avec un autre homme que Terry m'empêchent de me libérer complètement.

6-15 : - Je...ça fait longtemps que je n'ai pas...avec...quelqu'un...sois gentil s'il te plait...Je suis gêné, terriblement mal à l'aise en disant cela, mais je ne veux pas lui mentir. Je n'ai connu que Terry. Je n'ai jamais pu fréquenter quelqu'un d'autre aussi intimement que lui. Cela fait des mois que je n'ai pas connu la chaleur d'un autre être humain. J'espère que Jin le comprendra.

16-20 : - Je n'aurai aucun regret à passer cette nuit avec toi...Jin...J'ai envie de m'abandonner dans tes bras... Je m'approche de lui et je vais l'embrasser avec envie, me cramponnant à ses vêtements. Je me libère complètement du passé pour me laisser aller dans les bras de cet homme que je connais à peine, mais qui m'inspire grandement confiance et bienveillance. Je suis sien jusqu'au petit matin.

TW : Mentions de sexualité et d'érotisme

Il soupire. Il…Il a soupiré…! Je…ai-je dis ou fais quelque chose de mal? Je ne sais pas, mais son regard est triste tout d’un coup. Je déglutis alors que l’agent funéraire s’éloigne de moi et j’ai peur d’avoir été égoïste en dévoilant ce que je désirais, cette petite vérité que je ne pensais pas peser aussi lourd. Jin va s’allonger sur le lit, sur le dos et il plonge son regard dans le mien. J’exprime de l’incompréhension et de la crainte. Je secoue la tête en l’agrippant de mes deux mains, baissant le regard. J’ai honte. Terriblement honte. Je le regarde de nouveau dans les yeux et il me parle.

J’arrête de respirer quelques secondes et ses mots me parviennent aux oreilles. Je cligne des yeux avant de faire taire ses pensées dans ma tête. J’hésite. J’ai l’impression de rêver. Je dois oublier le passé, non, je dois simplement le laisser derrière moi.

J’avance doucement vers le bout du lit et je grimpe dessus de mon corps élancé. Je vais me placer au-dessus de Jin et je plonge de nouveau mes orbes améthystes dans l’or de ses yeux. Je me penche et mon souffle va caresser ses lèvres. Je comble la distance d’un baiser, léger, doux et absent de toute hésitation. L’une de mes mains va parcourir son corps par-dessus le tissu de ses vêtements. Je n’ose pas en passer la barrière.

Je sens la chaleur assaillir mon propre corps de nouveau et je souffle contre ses lèvres avant de m’en séparer. Je me redresse et malgré la gêne, je me dévêtis et je le laisse me regarder. Je ne le fais pas pour cet homme que je connais à peine. Je le fais pour moi et mon désir de ce contact peau contre peau qui m’a manqué depuis presque une année déjà. Je ressens ce besoin d’intimité et de me libérer de tout.

Je prends confiance en moi à mesure que le tissu glisse et tombe de sur ma peau claire. Je retourne l’embrasser lorsqu’il n’y a plus rien à retirer, initiant ce que je m’étais empêché de faire quelques instants plus tôt. Et puis, rapidement nous nous retrouvâmes tous les deux aussi nus que le jour de notre naissance.

Ma douceur et ma délicatesse firent place à d’autres sentiments et d’autres émotions. Je menai cette danse de nos deux corps enlacés, n’oubliant pas de nous protéger du mal et de souffrances futures. Je me sentais libre d’être ma propre personne, d’explorer ma propre sexualité sans avoir peur de mal agir. Je respectais mon partenaire, je communiquais avec Jin physiquement et au travers de mes gémissements. À mon rythme et jusqu’à ce que j’ai assez confiance pour le laisser me guider à son tour avec plus de passion et de vigueur.

Sans que je n’y prenne garde, la nuit se passa en très bonne compagnie, enlacé dans des bras que je ne reverrais certainement plus jamais. Je n’avais aucun regret. Mon cœur n’avait plus de place pour cela. L’agent funéraire avait su m’amener à me libérer de certaines peurs et de certaines craintes…quoique l’alcool ait eu son rôle à jouer là aussi.

Je somnolais doucement dans les bras de mon amant d’une nuit, reprenant lentement mon souffle et un rythme cardiaque normal. Elle resterait mémorable et un agréable souvenir, cette nuit où je m’émancipai de tout.

- Jin…? Est-ce que tu dors…? Je…merci pour cette nuit…et pour tout…en fait. Hm…

Je me tus quelques secondes avant de murmurer avec douceur.

- Dors-bien.