Je vivais à Bedwyr depuis un moment, mais je ne connaissais presque pas le district. La ville, c’était bien beau, mais parfois, il fallait voir d’autres paysages. Tiens, par exemple. Aujourd’hui j’étais parti visiter Excalibourg. Non pas de mon propre chef, malheureusement, mais pour une énorme commande de fleurs. Paraissait-il qu’ils préparaient une fête médiévale, ou un truc du genre, pour l’été qui arrivait. J’avais dû aider à tout décharger, puisque forcément, ma cheffe n’allait pas pouvoir tout faire toute seule. Le trajet avait déjà été particulièrement long, bien que je l’ai passé à dormir comme un Dodoala.

Lorsqu’on arriva à destination et qu’on eut fini de livrer toutes ces plantes, ma cheffe me permit de me balader un peu, le temps qu’elle ait terminé de facturer le tout et surtout d’aller manger des spécialités locales. Plutôt ravi d’avoir un peu de temps libre, je déambulais dans les rues, croisant à Terhal dans un coin et ne réagissant pas plus que ça. J’en avais pour être honnête rien à foutre des Pokémons de type Acier. Surtout ceux qui n’avaient pas l’air très vivants.

Continuant ma route à la recherche d’un endroit où manger, je remarquai deux femmes en train de discuter. Quoique l’une d’entre elle avait une voix qu’on qualifierait de masculine, mais on pouvait s’attendre à tout. Parlons simplement d'une "personne", pour le moment.

Un Terhal ? Je pourrais lui dire que je l’avais croisé. Je pourrais. Mais le tas de ferraille avait dû partir encore plus loin encore. La piste allait être dure à suivre, et j’avais trop la dalle pour perdre mon temps à aider des gens. Quand bien même… Si je perdais Dryade, je serais dans un état de dévastation le plus total. Alors…

“Moi, je l’ai vu. Rue du Lac, juste perpendiculaire à celle-ci. Pas dit qu’il y soit encore, par contre. Mais vaudrait mieux le retrouver, il a pas l’air malin, tout seul.”

Je m’allumais une cigarette, détournant le regard, en pensant qu’on ne m’en demanderait pas plus. Mais j'allais probablement finir par rejoindre leur groupe sans qu’on me laisse le choix, c’était très probable.

Un léger rictus apparut sur mon visage. Il (à sa voix, je supposai que c’était un il, finalement) proposait de payer en chewing-gum. Je n’étais pas difficile, alors j’acceptais. C'était toujours plus nourrissant qu’une carte graphique… Quoique.

“En soit, une carte graphique, si on la revend, ça a plus de valeur… donc je pourrais m'acheter un vrai repas. Donc. Je veux bien vous aider, mais si un stand de bouffe se tient sur notre chemin, vous allez vite me perdre~”

Un trou paumé, oui, c’était bien ça. Au moins, à Bedwyr, la bouffe était à chaque coin de rue, ce qui était plus pratique.

“Ah, ouais. Non. Une truffe, ça marche que sur des odeurs connues et plutôt biologiques, et c’est pas tous les chiens qui en sont capables. A moins que tu sois flic, à la limite, mais ça serait un drôle de hasard.”

Je croisais des flics partout, si c’était le cas. Dans la rue, dans mes soirées, dans mon lit… et même quand j’étais dans la campagne. Ça faisait beaucoup, là, non ?

“Ah bah tiens, quand on parle du loup. Enfin, du truc en métal. Sérieusement, c’est censé ressembler à quoi, ça ?”

Un beau ténébreux aux yeux clairs était apparu comme une fleur avec l’objet de nos recherches. Merde. J’avais dit “nos” alors que je souhaitais complètement me désolidariser de ce groupe. J’allais pas avoir de chewing-gum, donc autant ne pas rester avec eux. J’étais en pause, moi. J’avais un travail. …Un apprentissage, plutôt.

D’où on venait ? Sérieusement, j’étais pas venu ici pour me faire des amis. Mais pourquoi pas. Tant qu’il me restait du temps pour bouffer.

“Normalement, on se demande nos prénoms en premier, mais peu importe~ Je viens de Kalahari, Lapis-Cité, bien que ça fasse une paire d’années que je n’y ai pas mis les pieds. Je vis à Uthyrgham, maintenant. Je suis là pour une livraison de fleurs pour une fête médiévale. Et mon but, dans le futur proche, c’est de me remplir le ventre, donc si vous voulez bien m’excusez~”

J’étais sur le point de tourner les talons, pensant aux spécialités locales avec appétit.

Pfff… Le détective ou flic numéro 2 voulait des preuves, pour le Terhal. En vrai, je comprenais, mais ça se sentait, que le petit mentait pas. Je savais quand les gens mentaient, quand j’étais lucide. Je me sentais d’ailleurs particulièrement con, à m’être présenté. J’étais le seul à l’avoir fait. Les deux flics n’étaient pas très commodes. Puis, ce garçon, quant à lui, ne faisait pas grand chose pour arranger son cas, entre le fameux "sale rat" et son caractère de merde. Je ne haussais que vaguement les épaules et un sourcil, concernant sa remarque à mon égard. J’avais encore une heure à tuer. Au pire, je gratterais de la bouffe à ma cheffe.

“Y’a pas l’once d’un sourire heureux, sur ton Terhal, mais moi, je te crois. Le délit de faciès, ça me connaît, je peux que te soutenir. Même si je suis un surmulot, j'ai un petit cœur qui bat dans ma poitrine.”

Riant de mon côté, bien que très sérieux à ce sujet, je fis semblant d’écouter ce que la policière racontait. L’odorat de son chien, on s'en foutait un peu. Je me sentirais concerné uniquement s’il était capable de déceler ce que j’avais fumé le weekend dernier, mais je doute qu’il en soit capable. Par pitié.

Ah, et franchement, si le Caninos venait me renifler les fesses, j’aurais envoyé paître la bestiole en lui lançant un bâton. Le consentement, c’était bien, mais la police connaissait pas trop ce concept, des fois.

Mais je devais arrêter de cracher sur cette merveilleuse institution pénale. J’avais une liaison avec un de leur collègue, et je savais que tous les policiers n’étaient pas à cancel. Juste une majorité.

“Idéalement, j’aimerais être relâché pour 14h, si vous avez l’idée de me retenir pour avoir défendu ce pauvre innocent qui souhaitait juste retrouver son meilleur ami de métal.”, lançais-je dramatiquement aux forces de l’ordre. “Bon, alors, le chien, il avait ce diagnostic ?”

Diagnostic qui, franchement, m’étonnerait s’il en venait à des conclusions. Le métal, c’est pas comme le tissu qui absorbe toutes les odeurs.

Et au pire, je m’en fous. Techniquement, je peux repartir comme je veux. J’ai pas commis de délit (pour le moment), et je n’avais pas envie que la cheffe vienne me chercher en garde-à-vue telle une daronne en colère. Non merci.