Surya attendait dans le couloir de l’hôpital, un peu anxieux. Habituellement, les visites médicales ne l’inquiétait pas plus que ça – après tout, c’était un homme encore en très bonne santé et au mode de vie sain, si on oubliait son addiction à la nicotine. Pourtant, il avait un peu parler de … ce qu’il y avait derrière sa carapace, à demi-mots, citant de légères angoisses. Oui, on l’avait conseillé d’en parler avec un thérapeute, mais … il n’est pas encore prêt à franchir le pas, et il ne savait même pas s’il avait envie de le faire.

Il se massa les tempes. Peut-être que ça avait été une erreur, mais c’était un peu tard pour reculer, maintenant. Au pire, il n’allait pas pouvoir le forcer à parler. Dans un geste presque instinctif, il chercha son paquet dans sa poche ¬– non, ce n’était pas le moment.

Enfin, la porte du bureau s’ouvrit. Du point de vue du policier, ça faisait des heures qu’il attendait. Et c’était déjà à lui, visiblement. Gardant son air neutre et caractéristique, il s’avança dans le bureau. Il devait faire bonne figure devant ses collègues – de toute façon, il n’était pas connu comme étant très expressif.

D’un hochement de la tête, il salua l’homme, avant de s’installer. Il avait le regard un peu fuyant, symptôme probablement assez évident de stress du point de vue du médecin. Le regard du policier glissait un peu sur la feuille qu’il apercevait, un peu plus loin sur le bureau : sans doute le récapitulatif de ses dernières visites médicales et de ses antécédents (inexistant). Il se demandait jusqu’à quel point le dossier était fiable. Est-ce que les semaines qu’il avait passé, enfant, au centre hospitalier était mentionnées ?  C’était tout de même un élément assez sensible de sa vie, qu’il ne tenait pas à révéler à n’importe qui. Cette période lui semblait être un mauvais rêve, une porte l’empêchant d’accédant aux premières années de sa vie. Oui, son passé d’amnésique le suivait encore, et ça avait le don de le mettre mal à l’aise. Tout ce qu’il souhaitait, c’était d’être comme les autres.

Maintenant, il attendait que la visite commence bel et bien – et surtout, il souhaitait qu’elle se termine vite. Voulant éviter de regarder trop insistance le médecin, Surya finit par détailler son Pokémon : en fait, il était assez étonné d’en voir un, surtout à Uthyrgam. Beaucoup de gens ne voulait pas les voir, à Bedwyr. Néanmoins, c’était une petite créature, utile également pour calmer les autres. En bref, ça collait parfaitement à un médecin.

Le médecin avait le mérite d’être rassurant, tout du moins ça suffisait pour détendre un peu l’inspecteur de police. Il ne répondit que d’un petit « Enchanté. », de toute façon il n’était pas bon pour faire la conversation, ce n’était pas nouveau. Un hochement de tête ensuite pour confirmer qu’il l’écoutait bien. Il n’avait pas de question : c’était loin d’être sa première visite médicale. Et il était confiant, enfin, pour ce qui était de la santé physique …

Sans un mot de plus, il s’installa, peinant à mettre de côté sa gêne naturelle. Encore un hochement de tête, à croire que les mots, c’étaient trop compliqués. L’inspecteur se leva, s’installant sur la table d’examen et relevant sa manche. Rien de bien étonnant, ni même perturbant pour le moment. Il laissa son regard se balader sur les murs majoritairement blancs, puis sur le matériel médical. Contrairement à beaucoup, il ne craignait pas vraiment les soins médicaux, que ce soit vaccins, ou autre. Même si le Centre Hospitalier lui rappelait de mauvaises choses de son enfance. Des émotions qu’ils faisaient toujours de son mieux pour oublier.

Le doux bruit du Pokémon attira son attention – peut-être que ça suffisait à le détendre un peu. Sans surprise, le médecin commença son examen sans trop attendre, néanmoins, une question … un peu plus personnelle, qui étonna le policier. Cependant, il fit vite le lien avec ce qu’il avait dit, plus tôt dans la journée. Il avait la mauvaise impression que le soignant tenter de le piéger, de faire en sorte qu’il ne passe pas si simplement cette visite. Bien-sûr, ce n’était que la petite voix de sa paranoïa. Il se doutait bien que l’homme voulait simplement vérifier son état de santé, pas mettre sa carrière en jeu.

« Comme d’habitude, je suppose. » Il avait répondu avec un peu d’empressement – comme s’il voulait vite clore la conversation. Mais … est-ce que ça allait vraiment aller mieux, avec ça ? Plusieurs personnes l’avaient encouragées à consulter. Il n’aimait pas ça, bien-sûr, néanmoins … ce serait peut-être une bonne chose de s’ouvrir un peu, pour une fois. De toute façon, rien n’allait sortir de cette petite pièce aux murs incolores.


« En fait … » Il prit quelques instants supplémentaires, pour mettre en ordre ses pensées. Il était mal à l’aise, se forçant un peu la main pour continuer à parler. Il n’était pas du genre à dévoiler toute sa vie à un inconnu. Tout l’inverse, même – profondément secret, c’était un effort surhumain de ne pas dissimuler la désagréable réalité.

« Je suis … un peu plus stressé. Je crois. Fatigué. Et irritable. Je crois que je fume beaucoup plus qu’avant. » C’était bien la seule chose qui pourrissait sa santé – il avait un mode de vie sain, mais il était complétement addict à la nicotine. Sans doute pour ses effets anxiolytiques. Bien-sûr, il passa quelques éléments peu reluisants : ce sentiment de vide, cette tristesse de plus en plus présentes, cette impression de ne plus avoir de but … ça, le médecin n’avait pas besoin de le savoir.

Surya s’attendait à des remontrances – ce qui était normal, après tout, c’était un médecin qu’il avait  face à lui. Bien-sûr qu’il n’allait pas l’encourager à se détruire les poumons. Un frisson lui échappa, suite au contact de l’appareil froid contre sa peau.
Néanmoins, à la différence de bon nombre de médecins, Sen ne critiquait pas vraiment ses choix de  vie, l’encourageait simplement à essayer de faire autrement. Il était d’une douceur rare, et c’est  peut-être ça qui permit à Surya de se sentir un peu plus à l’aise. Il savait qu’il y avait des dispositifs pour ça, mais … en l’état actuel des choses, arrêter lui semblait impossible.

« Je vais essayer d’y faire un peu plus attention. » Un demi-mensonge, car il n’avait pas envie de dire à ce médecin bienveillant qu’il se sentait totalement incapable d’arrêter. En y repensant, il ne savait plus trop bien comment il avait commencé. C’était au début de ses études –sûrement une soirée, ou une envie de tester, dans une situation sociale. Puis il commença à fumer seul, et avec les années, la cigarette était devenue sa compagne de tous les jours.

Il avait pourtant un mode de vie sain, hormis ça. Sportif, mangeant correctement, mais … il ne pouvait juste pas se contrôler. C’était plus fort que lui.

Surya se sentait bien plus à l’aise dans le silence, dans le bruit des machines et autres équipements qui remplissaient leur rôle. Rien d’anormal, comme l’avait indiqué le médecin. Le policier ne s’inquiétait de toute façon pas trop pour sa santé. Il n’avait jamais eu de vrais problèmes, même si forcément, il n’avait pas connaissance de son historique familial, ni même s’il était à risque sur certaines maladies. Mais il ne s’en souciait pas.

Puis, son appréhension recommença à monter. L’examen physique étant quasiment fini … vint l’heure de l’examen psychologique. Ce que Surya détestait par-dessus-tout. Un corps était facile à soigner, un maux physique à identifier, il n’en était pas de même pour ce qu’il se passait dans une boîte crânienne.
Sur les indications du médecin, il se tint droit comme un piquet, se concentrant sur la sensation quelque peu désagréable du stéthoscope sur son torse.

Et enfin, une question bien plus personnelle. Bien plus compliquée à répondre que des questions sur de simple antécédent médicaux. Non, malgré la confidentialité de ces quatre mur blanc immaculé, Surya ne se sentait pas à l’aise. Sans doute qu’il ne se sentirais de toute façon jamais à l’aise pour parler de ses troubles, de ses angoisses.

Son cœur s’accélérant un peu, il marqua une pause, réfléchissant à ses mots, le poids de ces derniers.
« Non, pas vraiment. Je n’arrive pas trop à le discerner. » Encore quelques instants de silences, avant qu’il ne reprenne. « J’ai l’impression que mon travaille ne mène à rien. Que je suis surchargé en permanence. Je peine à … trouver un sens à tout ça. »

Car ce qu’il avait toujours poursuivi, c’était un but d’égalité entre Pokémons et humains : un objectif sans doute étonnant pour quelqu’un de l’organisation. Il voulait trouver un point d’entente ; changer la société de l’intérieur. Faire d’Ahovu un endroit plus agréable à vivre pour tout le monde. Peut-être sauver son district d’origine, aussi … même s’il avait souvent les remords de l’avoir quitté, presque fuit.

Ces derniers temps, il avait dû mal à saisir ce qu’il voulait faire, ce qu’il voulait devenir ; à comment poursuivre ses objectifs, que sa mère avait déjà poursuit bien avant lui. Il était tout simplement …
« Je crois que je suis un peu perdu. C’est stupide. J’ai tout donné pour cette carrière. » Il était brillant, pourtant. Mais à Bedwyr, il avait souvent l’impression de ne pas avoir sa place

Surya n'aimait pas beaucoup le bruit de sa voix résonnant dans la pièce. De ses battements de cœur bruyant. Du calme du médecin. En bref, il ne sentait pas du tout dans son environ naturel, ce qui était normal. Il n'était à l'aise qu'à son bureau, ou en mission. Une fois son rôle d'inspecteur quitté, il n'avait l'impression de plus être grand-chose, de ne plus avoir de raison d'exister.

Le champion se laissait faire sans soucis - c'était une visite comme les autres. Enfin, presque. Il sentait une angoisse montée en lui qu'il, habituellement, étouffé en tuant un peu plus ses poumons. Sans surprise, sa santé physique était intacte. Autant dire qu'il avait de la chance, à ce niveau. Aucune envie d'être écarté de sa carrière a cause d'un corps en déclin.
Puis, Sen entra un peu plus dans le vif du sujet. Forcément. Presque comme un enfant puni, le policier baissa les yeux sur ses mains, ne se sentant pas prêt à affronter le regard du médecin.

« Je ne sais pas vraiment. J'en prends une partie. Je suppose. » Il ne savait pas vraiment, vu que de toute façon, même en congés il arrivait à travailler. C'était presque maladif.

Du surmenage ? Il n’arrivait pas à se l'avouer - non, ce travail, c'était toute sa vie. En tout cas, c'était ce qu'il s'était inscrit dans le crâne. Comme si sa seule valeur, c'était dans sa carrière professionnelle. Il fallait bien avouer qu'en dehors du travail et de son arène, Surya manquait beaucoup de confiance en lui. Confiance qu'il n'avait jamais eu l'occasion de construire dans sa vie. Ses troubles identitaires l'en empêchait totalement.

Il n'avait pas la force de nier ce que le médecin avait dit, mais c'était tout de même trop dur a avouer, alors, il se contenta d'un hochement de tête pas bien convaincu.
Pour ce qui était de l'arrêt… « Je…ne préfère pas. Je me contenterai de quelques jours de congés. » Et c'était déjà beaucoup, pour lui. Peut-être qu'il pourrait aller de ressourcer quelques jours à la maison familiale, à Oma-Oma… cette pensée avait au moins le mérite de le détendre un peu.

Il hocha la tête de nouveau, avant de s'installer pour sa prise de mesure. Sans surprise, sa taille n'avait pas changé - un très correct mètre 82. Mais pour le poids… il lui semblait bien qu'il avait perdu quelques kilos, mais ça ne l'inquiétait pas plus que ça.

Une nouvelle question. Il eût bien du mal à répondre, sentant sa gorge se serrait. Encore une fois, il était un peu honteux, bien qu'il fît de son mieux pour le cacher. « Non. Pas vraiment. » Est-ce qu'encore une fois, on allait lui conseiller de suivre une thérapie ? Il ne pouvait pas s'empêcher de voir ça comme une perte de temps.

Ne sachant pas trop où se placer, le policier se contentait de suivre les indications du médecin. De toute façon, il n’était clairement pas dans son environnement naturel. Il s’installa de nouveau face aux blond, toujours presque incapable de soutenir son regard. Il fallait croire que c’était plus simple, de son point de vue, de fuir les problèmes que de les affronter. Car si sa santé physique restait satisfaisante, il n’en était pas de même pour sa santé mentale, qu’il avait négligé au fil des années. Il préférais largement détailler du regard le petit Pokémon jaune qui semblait jouer à l’assistant, avant de laisser résonner un son cristallin. Quelques instants, le policier se concentra sur le bruit, avant d’être ramené à la réalité par la voix du médecin.

Se reposer – il peinait presque à comprendre cette notion, et c’était un peu triste d’ailleurs. Mais il n’avait pas d’autre choix que d’accepter. Ou au moins, faire semblant d’accepter. Il ne tenais pas à être déclaré inapte dans une visite future.
Et puis, parler à une personne de confiance.
« Je vais y réfléchir. Merci. » Son ton était neutre, ne montrant en rien tout le travail de réflexion qu’il faisait. Il ne savait pas s’il avait envie de voir quelqu’un – et dans le fond, peut-être que le changement, ça lui faisait un peu peur. Remettre sa vie, ses valeurs, sa façon d’être en question, c’était un peu désagréable.

Il resta silencieux jusqu’à l’annonce de la délivrance – il n’avait pas de soucis de santé, bien heureusement. Pris de mimétisme, l’inspecteur ne pu s’empêcher de rendre au médecin un semblant de sourire, sans doute trop forcé ou peu naturel. Un autre sujet ? Surya fit un simple non de la tête, sans doute comme un automatisme. « Je vais y réfléchir. » Il se répétait, sans même s’en rendre compte.

Il se releva, mais pourtant, il eu quelques instants de réflexion – une lutte dans son propre esprit. Demande de l’aide, ou alors stagner. Continuer à se noyer, ou essayer de remonter à la surface.
Il baissa la tête, comme si c’était impossible à avouer. « En fait … Je pensais peut-être envisager un suivi psychiatrique. Je ne sais pas trop, pour le moment. » Sa gorge était sèche, c’était presque douloureux. Mais peut-être que la confidentialité de ces murs sans couleurs l’aidaient à s’ouvrir un peu plus.