Depuis que j’avais rendu ma thèse, j’étais libre comme l’air. Je me sentais enfin en vacances. Alors que j’avais toujours des cours à donner et une arène à gérer, certes. Mais ne pas avoir à passer ses nuits sur une thèse était libérateur. Je retrouvais mes soirées à être une simple loque sans activités neuronales autre que jouer à la console, regarder des animes et lire. La vie de rêve, finalement. J’avais même repris la confection de peluches, puisque j’adorais coudre et tricoter… Je retrouvais enfin le moi d’avant.

Comme cela arrivait certains soirs, je me promenais à la recherche d’une activité à faire. J’avais bien envie de boire une bière, même si boire seul était moins fun… Au pire, je trouverai peut-être des personnes à qui parler, histoire de travailler sur ma timidité… De toute façon, la bière me montait vite au cerveau, donc je devrais vite me décoincer.

J’avais laissé la majorité de mes Pokémons à la maison. Le seul qui m’accompagnait était Mochi, l’Evoli rose que j’avais capturé le mois dernier à Heian. Il était… bordélique. Et ne voulant pas me retrouver avec un salon saccagé parce que Monsieur ne supportait pas que je parte sans lui, je n’avais d’autres choix que de le garder proche de moi. Dans sa Pokéball, certes, mais sous surveillance, au moins.

Après avoir jeté mon dévolu sur ce bar en particulier, je m’installai non loin du bar et remarquai que le barman était occupé avec une jeune femme rousse d’environ mon âge. J’avais entendu toute la conversation, et je dois dire que je me sentais très mal pour elle. Je n'avais jamais perdu de proches, et rien que de me l’imaginer me donnait mal au ventre. Je décidai de ne pas me mêler de tout ça, pensant que cette jeune femme aurait besoin d’un peu de pudeur, puisqu’elle avait envoyé paître le barman qui vint à ma rencontre juste ensuite.

“Un Jack Rose, s’il vous plaît.”

Ma boisson arrivant plutôt rapidement, j’avais eu tout de même le temps de détailler les décorations du bar ainsi que ses clients. Aucun mec n’était à mon goût. Et cette pensée me rendit triste. Je n’étais pas à courir après l’amour, loin de là… Mais le célibat, ce n’était pas toujours drôle. Quoique c’était toujours mieux que les relations toxiques que j’avais eues… Mais l’heure n’était pas aux pensées noires.

La rousse de tout à l’heure avait reprit la parole - toute seule, visiblement, cette fois - pour s’exprimer aux sujets des mythes fondateurs. Evidemment, en grand fanatique de la mythologie ancienne, je me levai d’un coup, une certaine lueur ravageuse dans les yeux avant de marcher droit vers elle.

“Vous lisez un livre de mythologie ? Qui est l’auteur ???”

Pitié, que ce ne soit pas celui que Luka Neos (mon père) a écrit. Parce que dans ce cas-là, il allait falloir que je défende corps et âmes ses travaux dans un débat musclé (ou pas).

En tout cas, je devais avoir l’air d’un weirdo, à ne pas dire bonsoir ni même me présenter.

J’avais peut-être un peu trop haussé le ton. Je regrettais un peu de m’être autant emporté, mais il s’agissait de mythologie ou d’histoire ancienne, le démon qui sommeillait en moi était inarrêtable. C’était flippant à voir. Et c’était la même chose quand on parlait de Giratina.

Je finis par détendre mes nerfs quand j’entendis le nom qui n’avait aucune ressemblance phonétique avec celui de mon père. Mes épaules raidies se rabaissèrent. Je ressemblais tout de suite moins à un maniaque, et plus à un type normal venu là simplement pour boire un verre et se faire quelques connaissances.

“Je te conseille de lire d’autres auteurs, elle est un peu trop royaliste à mon goût, cette historienne… Enfin, disons que la mythologie, ce n’est pas sa spécialité, alors elle n’est pas la mieux placée pour en parler, sans vouloir critiquer gratuitement, ahah…”

Je détournai le regard, un peu gêné par mon comportement précédent. Ah, oui. Dire bonsoir, c’était ce à quoi je pensais.

“Désolé… Euh… On va oublier tout ce qui vient de se passer et commencer à se dire bonsoir maintenant, d’accord ?”

Je repartis un instant chercher mon verre, respirant un grand coup, et me sentant très honteux.

“Bonsoir, du coup… Je m’appelle Niko. Je… suis pas du tout historien, mais j’aime bien la mythologie.”

Aimer bien, c’était faible, par rapport à la réalité. J’en mangeais depuis l’enfance, et avec ma sœur aînée, on avait toujours voué un culte à Giratina. Pas sérieusement. Enfin si. Mais bref, on était pas des fanatiques, non plus, c’était plus… Un délire d’enfants/adolescents qui était resté. Une passion dévorante, quoi. Quoiqu’elle était devenue moine, elle…

Maintenant que le garçon ravagé que j’étais s’était rendormi, je pouvais à nouveau avoir l’air ordinaire et converser comme un humain normalement constitué dans sa tête. Je fus quand même embarrassé lorsque la jeune femme me reconnut. Je n’étais champion que depuis un an, alors on pensait encore que c’était mon père (l’autre, donc pas l’historien) qui était encore en place.

“Ah, euh, si… Mais ce n’est pas important, ça, ahah…!”

J’étais trop humble, par rapport à ça. J’avais aussi un sacré syndrome de l’imposteur et avais encore du mal à croire que je tenais une arène. En même temps, peu étaient les challengers… Ce qui m’arrangeait, comme j’avais une double vie à Bedwyr.

Je finis par m’asseoir à côté d’elle. Boire debout n’était pas si compliqué, quand on était sans arrêt en déplacement partout, mais il était vrai que dans un bar, autant se poser un peu.

“Plutôt rassurant que tu ne m’aies pas pris pour un fanatique d’histoire complètement dérangé, en tout cas…”

Je trempe mes lèvres dans ma boisson, la dégustant lentement. Je connaissais ma résistance négative à l’alcool, et je n’avais pas envie d’une fois de plus insulter la communauté scientifique de Bedwyr à plein poumon. Je préférais éviter les problèmes.

“Je ne suis pas du tout historien, en fait, je suis biologiste. Enseignant et peut-être bientôt chercheur ! Rien à voir, du coup. L’un de mes pères est historien, c’est pour ça que je t’ai bondi dessus, j’étais curieux. Et toi, tu travailles dans quoi ?”

Puis cette passion dévorante pour Giratina. Surtout ça, en fait. Je devais le défendre bec et ongles, c’était plus fort que moi.

“Et du coup, tu t’intéresses à la mythologie, ou c’est juste un livre pour passer le temps ?”

Je posais beaucoup de questions. C’était impressionnant comme ma timidité s’estompait, depuis que j’étais devenu prof.

“Trop bien”. Je l’aurais aussi sans doute pensé si c’était quelqu’un d’autre qui était champion d’arène. Je n’étais pas à la tête de l’arène la plus prestigieuse, non plus, alors j’avais tendance à minimiser cet exploit… D’autant plus que pour l’obtenir, j’avais dû battre mon père, et c’était pas gagné. J’avais eu de la chance, en plus d’avoir l'avantage du type, car il était costaud.

“On ne laisserait quand même pas la tête d’une arène à un dégénéré… En tout cas, je l’espère.”

Elle était fan de contes de fée ?! Mais moi aussi ! Bon, c’était moins assumable quand on était né garçon, mais c’était le cadet de mes soucis, toutes ces histoires de genre. J’aimais ce que je voulais, et personne n’avait le droit de remettre en cause mes goûts.

“Ah, ça tombe bien, c'est le thème de mon arène, ça. Puis... Enfantin, je dirais… pas toujours. Quand on grandit, on comprend bien plus les sous-textes et ça peut être vraiment perturbant. Surtout quand on remarque que les auteurs font une fixette sur la virginité des jeunes filles… Mais je suis d’accord ! S’évader, c’est quelque chose de précieux, par moment.”

S’évader de la pensée des examens qui arrivent, ou du harcèlement scolaire, par exemple. J’avais dû beaucoup m’évader dans l’adolescence, pour survivre et ne pas péter un câble.

“La mythologie se base sur la théorie de la création de l’univers, donc c’est encore assez différent des contes, étant donné que ça peut parler aux croyants. On ne peut pas être sûr de la véracité des faits, comme toutes ces histoires se sont transmises d’abord à l’oral…”

C’est moi, ou elle s’était auto-censurée en parlant d’évasion ? J’avais quelques inquiétudes, là… C’était le cas de tout le monde, pourtant. Nous n’en avions pas tous besoin, mais comme j’avais connu des périodes assez démoralisantes, bien que pas forcément à plaindre, j’étais assez sensible à ce sujet. Mais je n’allais pas m’immiscer dans sa vie. J’en avais déjà beaucoup entendu, un peu plus tôt. Elle avait perdu son ami… et ça me compressait le cœur de l’apprendre.

“Ça doit être bien, de pouvoir être autant entouré de Pokémons.” Je repris en parlant moins fort. “Ici, si je me baladais avec tous mes Pokémons, on me regarderait avec dédain ou demanderait de les ranger dans leur Pokéball.”

Car ils mettent des poils, plumes ou écailles partout… Car ils peuvent être dangereux. D’ailleurs, sans que je ne le vois venir, mon Evoli sortit de sa Pokéball, s’ennuyant visiblement beaucoup trop, dans la petite sphère bicolore. Intrigué, il piailla sur Mariana en remuant la queue, espérant recevoir un peu plus d’attention.

“Euh… Je te présente Mochi. C’est encore un jeune Pokémon et… Il est rose. C’est naturel, je te jure. On croit que je l’ai teint dès qu’il sort de sa Pokéball, et c’est affreusement gênant de passer pour un tortionnaire…”

J’étais content de pouvoir discuter de tous les débats autour des contes de fées, sans me soucier des potentielles remarques qu’on pourrait faire. Après tout, le public visé était plutôt enfantin… Ou féminin. Chose à laquelle je ne prêtais plus trop attention avec le temps. Il n’empêche que mes centres d’intérêts étaient vivement critiqués, quelques années auparavant, lorsque j’étais encore un jeune élève de l’Académie Uxie. Enfin, je n’avais pas à y repenser. C’était loin derrière moi, tout ça.

“Et ne parlons pas des princes qui ne servent à rien, mais qui ont tous les mérites, à chaque fois… Enfin, dans la majorité des contes, en tout cas !”

…Une aura sombre m’entoura d’un coup. Giratina… n’apporte pas de ligne de conduite pour le croyant ? C’était vrai. Terriblement vrai. Alors qu’Arceus, lui, avait eu plusieurs cultes depuis les premières civilisations. C’était injuste. Injuste ! Mais je devais rester calme et normal. Mon identité de fan de Giratina ne devait pas être révélée au grand jour !

“Ahahah… Euh… Plus à notre époque, parce que depuis le Grand Désastre, on a perdu foi en ces grandes figures divines. Mais il y avait beaucoup de pratiques plusieurs siècles avant. Pour Arceus en tout cas.”, finis-je par déclarer avec une pointe d’amertume dans la voix. “Il a tout créé. Mais il est aussi capable de destruction.”

Changeant de sujet, puisque tout ça avait tendance à me donner des coups de blues, nous partîmes pour un sujet… Encore moins drôle. Les relations Pokémon-Humain à Bedwyr. Mais heureusement, Mochi avait sauvé les meubles, et sa frimousse devint le centre de l’attention.

“Oui, vas-y ! C’est une catastrophe ambulante, par moment, mais il n’est pas du tout agressif. Sauf pour les pieds, à minuit, selon la légende.”

Le nombre de fois où il m’avait mordillé ou griffé par surprise pour que je m’intéresse à lui ! Une plaie, ce Pokémon. J’avais hâte qu’il grandisse et prenne en maturité.

“Sinon, qu’est-ce que tu viens faire à Uthyrgham ? C’est très différent de Véronèse.”

Je n’étais pas encore ivre. Pas assez pour être complètement décomplexé. Ou pas assez pour me mettre à pleurer sur le sol de la façon la plus médiocre possible. Je devais toujours contrôler ma consommation, comme je tenais très mal la boisson. Je regardais le fond de mon verre pendant que la jeune femme réfléchissait. Chose compliquée avec quelques verres dans l’estomac…

Son meilleur ami… Celui dont elle parlait au barman juste tout à l’heure ? Celui qui était décédé, donc… C’était assez impressionnant et triste que je rencontre autant de personnes ayant perdu leurs proches. Sûrya avait perdu sa mère… Stitch son meilleur ami… Quelque chose clochait, sans que je sache quoi. Nous vivions dans un monde dangereux et loin d’être fun. Mais je me sentais très mal à l’aise, d’un coup. Je n’avais perdu personne. Enfin… Indirectement, si. Il y avait la mère de ma demi-sœur qui avait disparu. Je ne l’avais jamais connue, mais cela avait profondément marqué mon père. Et au fond de moi, j’avais l’impression que toutes ces morts… n’étaient pas anodines. Pourquoi j’avais des frissons, tout d’un coup ? L’alcool devait me monter à la tête, rien de plus… Ahah…

“Euh… D-désolé pour tout ça. Mes condoléances. J’espère que tu tiens bon, au quotidien… Je… désolé, je sais pas trop quoi dire.”

Elle essayait de changer de sujet, avec Mochi. Je hochais la tête en souriant brièvement, avant de terminer mon verre et d’en recommander un. Quelque chose de plus léger, histoire de ne pas aggraver mon cas.

“Il ne faut pas se mentir à soi-même, quand on va mal. …Attends, euh… j’espère que ce n’est pas moi qui te fait pleurer…!”

Je n’aimais pas forcément les femmes d’un point de vue romantique, mais de là à les faire pleurer, quand même… Je sortis un mouchoir de ma sacoche et le lui tendis.

“Tu devrais ralentir sur la boisson et manger quelque chose. Je peux t'inviter, si tu manques de budget, j’y tiens. J’ai dû remuer de mauvais souvenirs, je suis nul.”, soupirais-je en baissant les yeux.

Mariana n’avait pas l’air de s’être rendue compte qu’elle pleurait. Chose qui pouvait arriver, avec de l’alcool dans le sang, d’après mon expérience. Je ne buvais pas si souvent, loin de là ! Justement, j’y étais encore plus sensible qu’un habitué.

Elle accepta le mouchoir tendu. Je n’étais pas le mieux placé pour remonter le moral, surtout quand on voit ce que ça a pu donner avec mon collègue Champion de Bedwyr. Pourtant, j’avais l’impression que ce geste avait un peu d’importance. Assez pour calmer le torrent de larmes qui aurait pu en découler - sans mauvais jeu de mots.

Oups. J’avais en effet entendu sa conversation avec le barman, mais elle n’était pas censée être au courant. Je passais pour qui, maintenant ? Un type qui écoutait les conversations des femmes dans des états de fragilité psychique longuement avant de les prendre pour proie ? Aïe… Je ne pourrais jamais être dans cette catégorie. Déjà parce que… pour le moment, jamais je n’avais été attiré par les femmes. Je n’y étais pas fermé, juste… Je n’avais jamais eu d’attirance particulière. J'en avais donc rapidement conclu que j'étais gay. Ou un truc comme ça.

“Désolé, je ne t'espionnais pas, vraiment ! J’étais là depuis un moment et j’ai juste entendu des bribes de conversation sans le vouloir. Vraiment, tu peux me croire.” Et à cela, j’ajoutais : “Et je suis venu te parler pour le livre que tu lisais, pas pour… ce que font la plupart des hommes hétéros.”

J’étais gêné. Mais à trop me justifier, elle allait trouver ça trop bizarre. De toute façon, j’avais l’habitude de faire des gaffes débiles, ces dernières semaines. Je n’étais plus à ça près.

Mauvais en drague… super. Elle n'avait pas spécialement tort. En fait, c'était plutôt les autres qui venaient me draguer, quand je sortais. Les premiers pas étaient difficiles à faire, en même temps. J'avais tendance à juste regarder la personne qui me plaisait de loin en soupirant d'être aussi poltron.

"Un peu des deux, hein… mais c'est pas le sujet.", déclarais-je pour la faire rire un minimum de ma médiocrité sur le plan du flirt.

Elle s'excusait, ce qui n'était vraiment pas nécessaire. Je fis simplement non de la tête en laissant mon regard plonger dans ma boisson. J'avais envie de lui faire penser à autre chose. Encore ce syndrome de l'infirmière qui faisait surface. Défaut qu'on me reprochait beaucoup ces temps-ci. Pourtant, je faisais ça de bon cœur.

"Alors, non. En tout cas, pour cette rencontre tu n'as rien ruiné du tout. Je t'avoue que je suis assez mal à l'aise d'avoir entendu ta vie privée, mais… ce n'est pas ça qui va me faire fuir."

Vu le nombre de gens endeuillés que je fréquentais, en même temps… C'était loin d'être joyeux, mais ça ne se choisissait pas tellement. J'étais chanceux à ce sujet. Pas de pertes à signaler. Et j'espérais que ça reste ainsi.

"Ne minimise pas… Un craquage c'est important à prendre en compte. Surtout dans les cas de deuil. Ce qu'il faut, c'est te changer les idées et extérioriser tout ce que tu as en toi."

J'étais un pro-gamer du burn-out, je savais de quoi je parlais. Il fallait expulser tout ce négatif aliénant. Je n'étais pas forcément un exemple là-dessus. Des fois, il m'arrivait d'aller boire avec des amis et… finir complètement bourré. Des fois, je finissais par ramener quelqu'un à la maison. C'était toujours de passage mais… c'était horriblement gênant quand je reprenais mes esprits et ma pudeur habituelle.

"Tu as des plans pour ce soir ? Il y a beaucoup de choses à voir à Uthyrgham, pour penser à autre chose !"

Je n'étais pas spécialement fêtard, et je ne sortais pas très souvent. Pour autant, j'avais envie de profiter de mes vacances et d'apprendre à la connaître. J'avais un bon feeling avec Mariana.

“Vraiment, arrête de me remercier, je suis juste… humain.”, réussis-je à dire, même si je ne savais pas comment me décrire. Gentil ? Sensible ? Empathique ? J’avais été élevé dans l’optique d’écouter autant les autres que moi-même. Parfois, je pensais même plus aux autres qu’à moi, ce qui posait problème, lorsque je tombais sur des personnes malveillantes.

La voilà maintenant en train de faire des papouilles au jeune Evoli. Adorant être au centre de l’attention, comme tous les jeunes Pokémons, en fait. Le jeune Pokémon, qui, au passage, avait autant de concentration qu’une moule, finit par être attiré par autre chose que son doigt. La lumière qui clignotait au loin eut raison de son regard…

Une idée qui risque de ne pas me plaire ? Je laissais échapper : “Tant que tu ne me traîne pas à la piscine ou dans un club naturiste, je suis prêt à tout…”, quand même avant qu’elle ne me fasse part de son idée de karaoké. J’adorais chanter. Seul dans ma cuisine, surtout, mais… Je savais bien chanter. J’avais pris quelques cours.

“Si on est que tous les deux, d’accord !” Oulah, c’était suspect. “Parce que je suis… assez pudique.”, finis-je par ajouter rapidement.

Je terminais donc ma boisson, la tête tournant un peu, et laissai de quoi régler notre facture à tous les deux sur le comptoir.

“Il y en a un pas trop loin, il suffit de traverser la rue et on y sera en cinq minutes, maximum.”

Je récupérai Mochi sous mon bras et sortis du bar, tenant la porte à Mariana, par politesse, et non par galanterie, parce que… C'est un concept sexiste.

Rare ? Apprendre ça me rendait un peu triste. Tout le monde méritait un peu de gentillesse et d'attention. j’étais peut-être… trop gentil, par moment. Du genre à me laisser marcher dessus, bien que je progresse là-dessus ces derniers temps.

Mochi appréciait beaucoup toute cette attention. Normal pour un jeune Pokémon. Je lui gratouillais derrière les oreilles également. J’avais parfois du mal à montrer toute cette affection en public. Après tout… C’était si mal vu. Encore, un Evoli, ça allait. Mais lorsque c’était mon Gardevoir, par exemple, j’étais toujours dévisagé. C’était dangereux, il paraît.

“Euh, oui… Puis mes Pokémons, aussi, mais ils vont rester sages, normalement. Quoique certains vont peut-être vouloir se mettre à chanter, on sait jamais !”

Gentleman…? On n’était plus au dix-neuvième siècle, alors ça m'embarrassait un peu. C’était toujours les pires, ceux qui se faisaient passer pour des gentlemen… Si j’avais pu trouver certains types gentils avec moi, ces dernières années, c’était presque toujours intéressé. Sauf… Quelques exceptions. Il y avait Hermes qui n’avait jamais profité de ma gentillesse. Mes joues avaient pris quelques couleurs, sans que je comprenne pourquoi. Je devais être embarrassé d’avoir un si bon ami, on va dire.

“J’écoute un peu de tout, mais… On va dire de la pop ? Dans toutes ses  variantes, d’ailleurs. Puis des… opening d’anime, des musiques de jeux vidéo. Moins assumable, ouais, ahah…”

Je n’étais pas tant un weeab que ça, mais j'appréciais beaucoup la pop-culture, tout de même ! Avec un peu de chance, c’était également son cas.

Marchant quelques minutes dans la rue, nous finîmes par entrer dans le karaoké. Je payais la réservation de la salle et… nous voilà entrés. N’ayant pas soif, pour le moment, je décidai de commander des boissons plus tard. Il y avait aussi à manger… Cet endroit était génial. Je devais y emmener Hermes, un de ces jours ! …Je ne savais même pas ce qu’il écoutait ou s’il savait chanter. Je l’apprendrais sur le tas.

“Bon, je te laisse choisir la première, pour découvrir tes goûts !”

La chanson qu’elle avait choisie n’était pas anodine. Les thèmes étaient sombres, et lorsqu’elle s’était mise à chanter, surtout lors des refrains, on pouvait ressentir une mélancolique assourdissante dans sa voix. Elle chantait bien. J’avais des frissons tout le long du corps. Elle résonnait complètement avec ce titre. Particulièrement sensible aux émotions, je pense que j’aurais pu pleurer. Ce genre de chanson me faisait pleurer de manière générale, quand je les écoutais, habituellement. Alors avec une telle reprise… non. Une telle incarnation. Il était difficile de ne pas sentir son cœur se serrer.

“Je… Wow. C’était incroyable ! Amy Whinehouse elle-même aurait impressionnée par ton interprétation !”, déclarais-je avec entrain, malgré toutes ces émotions ressenties pendant la chanson. “Tu voudrais pas qu’on choisisse une chanson à chanter ensemble pour après ?” Mais avant je devais choisir une chanson à chanter tout seul devant elle, ce qui m’intimidait quand même pas mal, honnêtement. Je soupirais, sentant l’appréhension monter, malgré l’alcool que j’avais dans le sang.

“Je suis un peu timide et… euh… j’ai du mal à me décider sur ce que je voudrais chanter, en fait, ahah…”

Une excuse pour me défiler ? Peut-être… Mais je finis par trouver LA chanson que j’allais interpréter. Je commandai une boisson à la borne pour après, histoire d’augmenter mon taux d’éthanol et de faire diminuer ma timidité, au passage.

“Hum-hum… Bon, c’est parti…!”

Les premières notes étaient lancées et… j’avais choisi “Bubblegum Bitch” de MARINA. C’était complètement un hasard, que ça ressemble à son prénom, promis… Mais j’adorais cette chanson. J’espérais que ça mette un peu de bonne humeur à la soirée.

Si j’avais l’air hésitant avant de monter sur scène, je m’en étais finalement bien sorti. Je chantais bien. Peut-être même très bien. Je faisais des karaoké avec ma sœur assez régulièrement, depuis qu’on était petits… Et je m’entraînais pas mal tout seul, aussi. Je n’avais sans doute pas la voix d’un professionnel, mais ça passait, je crois.

Une fois que ce fut terminé, mes joues redevinrent rouges, et j'attrapais mon verre de cidre qui avait été servi pendant que je chantais, ne sachant pas trop quoi dire.

La difficulté, maintenant, c’était de devoir trouver une chanson à faire à deux. Chanter l’un après l’autre, même un peu ivre, c’était gênant… Même si apparemment, je savais chanter, je n’aimais pas trop me mettre en avant. Ce qui était cocasse, en sachant que j’étais champion d’arène depuis un an, mais on m’y a un petit peu poussé… J'aurais très bien pu ne jamais le devenir, j’en aurais été heureux aussi… Mais apparemment, mon père avait décidé que ça me ferait du bien, de reprendre le flambeau. Ne voulant pas le décevoir et appréciant les combats, j’avais finalement accepté. C’était toujours assez difficile de se sentir accepté et reconnu par la population Tôkanoise, lorsqu’on est à moitié Bedwyrois, mais je comptais bien leur prouver que je pouvais avoir un pied partout sans faire du tort au district glacé.

“Ah… euh… Merci, mais… C’est surtout de l’entraînement, je crois ?”

En réalité, je ne m’entraînais surtout tout seul, même si j’avais pris quelques cours rapides, dans mon adolescence. Puis, on allait de temps en temps au karaoké avec ma sœur, quand on ne transformait pas nos chambres en salles de concert improvisées…

“Pas beaucoup, en vrai… Mais ça aide à avoir des bases ! C’est sûrement indispensable quand on veut commencer une carrière, mais de mon côté, je chante juste comme ça, sans raison particulière ! Et toi, il y a des raisons pour lesquelles tu chantes ?”

Que ce soit pour se défouler ou juste par plaisir, le principal, c’était de s’amuser.

Bon, maintenant… Il fallait trouver une chanson à deux. Je parcourais le répertoire et choisis un peu au hasard “Friend Like Me” d’Aladdin, le fameux Disney. Assez dynamique, mais un classique que tout le monde connaît - en tout cas je l’espère.

“Maintenant, on chante à deux ! J’ai pas trop osé choisir A Whole New World, c’est peut-être un peu trop cringe !”, plaisantais-je.