Bourg-Guignon était un village particulièrement calme et paisible en comparaison à la capitale du district. Je n’étais qu’en première année à l’Académie Uxie, la première fois que j’y ai mis les pieds. Des événements particulièrement étranges s’y étaient déroulés, et il m’arrivait encore souvent d’y repenser.

[Début du flashback]

Comme l’année était terminée, j’avais proposé à Kleis et Naito de m’accompagner à Bourg-Guignon, un village de forêt qui était réputé pour ses fruits, légumes et champignons de forêt. J’y étais également pour observer les Pokémons fées qui y vivaient, mais passons…

Je n’avais pas beaucoup de Pokémons, pour le moment, bien que je possède déjà un Trousselin, une Kirlia et quelques autres qui étaient restés à la maison. J’avais envie d’étoffer mon équipe au maximum, sans doute pour impressionner mes parents et les rendre plus fiers que ce qu’ils ne sont déjà. J’avais définitivement un gros problème de confiance en moi, pour être aussi obsédé par l’excellence et leur reconnaissance. Pourtant, ils ne m’en demandaient pas tant. Ils auraient été tout aussi heureux si j’étais resté à Sunoh. Plus heureux, même, sans doute. Mais j’avais un libre-arbitre, tout de même. C’était pour ça que j’avais voulu partir. Pour devenir plus mature et débrouillard. Ils m’avaient peut-être trop couvé, avant cela.

En arrivant dans le village, je remarquai vite que les habitants étaient dans un état de panique générale. Des potagers entiers étaient détruits. Des fruits et légumes broyés, dévorés avec sauvagerie. Et un jeune garçon se tenant la tête en gémissant au sol, entouré de ses proches et d’un médecin qui ne savait pas ce qui avait pu se passer.

“On… l’a laissé seulement dix minutes. Y’devait ramasser les mauvaises herbes ! Quand on est rev’nus, il était dans ct’état.”, se justifia le père, cachant son inquiétude.

“Avant les potagers, maintenant nos enfants…! Roger, on est plus en sécurité, ici !”, renchéris la matriarche prête à assommer le coupable avec sa pelle.

“Votre fils semble en état de choc. Mais en même temps, il n’a aucune blessure physique, si on omet les genoux écorchés suite à la chute. Je dois poursuivre le diagnostic en attendant les secours. Je ne peux rien promettre. Son discours est incohérent, mais ça pourrait être tout aussi psychologique que physique.”, conclus le médecin.

J’observais les dégâts causés sur le sol et retrouvai à plusieurs endroits ce qui ressemblait à des cheveux roses et bleues. Vue la force avec laquelle ces légumes ont été explosé, il ne pouvait pas y avoir beaucoup de Pokémons capables d’une telle chose.

Je m’approchais lentement des Bourg-Guignonnais légèrement hésitant, mais prenant finalement la parole. Avec de la chance, le fait que je n’ai que 16 ans ne les rendra pas dubitatif.

“Je… pense savoir pourquoi votre fils est dans cet état.”

La mère du garçon se releva et prit mes mains avec force, les larmes aux yeux et la voix tremblante.

“Qui c’est qui a touché à mon fils, alors ?! Il faut le retrouver ! Pokémon, Humain, j’vais lui faire la peau !!”

“Alors en l'occurrence… C'est un Pokémon, je pense savoir de quelle espèce il s’agit. Calmez-vous, je vais vous expliquer !”, tentais-je timidement.

Je marquai une courte pause, essayant de me rappeler ce qu’on disait au sujet de la famille des Sorcilences.

“C’est un Pokémon très territorial, et c’est possible qu’il soit venu se venger car un villageois lui a causé du tort. Je ne veux accuser personne, bien sûr, mais… Les Sorcilences sont particulièrement belliqueuses, si on s’aventure sur leur territoire et qu’on ne tourne pas les talons malgré leurs menaces. Il est possible qu’elle soit venu d’abord se venger sur les plantations pour dissuader le malfaiteur. Puis qu’elle s’en soit pris à un villageois au hasard car rien n’a cessé.”

“Notre fils aurait donc possiblement attisé la colère d’un Pokémon dangereux ?!”

“...Je ne sais pas. Peut-être que c’était quelqu’un d’autre. En attendant, restez ici et attendez les secours. Je vais…”

Ils plaçaient leurs espoirs en moi. Je me sentais incapable de faire face à un si gros Pokémon. Même si mes Pokémons tenaient la route, je ne pouvais pas être certain d’en sortir indemne.

“...vous aider. Mais je vais avoir besoin de l’aide d’autres dresseurs. Pacifiques, si possible ! Parce que ce Pokémon n’est pas cruel, il défend juste son territoire, et peut-être sa famille…”

Ils avaient acquiescé, avant de poser la question fatidique à laquelle je n’étais pas sûr de répondre :

“Et notre fils ? Il va s’en sortir ?”

“Je ne suis pas sûr… Mais comme il s’agit juste d’un avertissement, j’aimerais croire qu’il s’en remettra d’ici quelques heures après beaucoup de repos. Parlez-lui, je pense qu’il en a besoin.”

J’avais essayé de me montrer rassurant, mais les dégâts causés par les Pokémons pouvaient rendre amnésique, parfois. C’était ce que j’avais lu, en tout cas. Espérons qu’on n’en arrive pas là, quand même…

J’avais plus ou moins donné ma parole au couple qui comptait désormais sur moi, un adolescent de seize ans. Tu te surestimes, Niko, tu ne peux pas te frotter à un Pokémon sauvage aussi puissant et dangereux. Je faisais de mon mieux pour chasser les pensées négatives et invasives qui me paralysaient. Cette famille compte sur toi, tu ne peux plus reculer, tu le sais. Je me mettais beaucoup de pression, très incertain de ma réussite, la boule au ventre. Tu aurais dû te mêler de ce qui te regardait.

Je commençais à enquêter dans les champs afin de comprendre où aurait pu partir la sorcière de la forêt. Tu remarquas d’épaisses touffes de cheveux dudit Pokémon, comme si une lutte avait eu lieu un peu plus tôt.

“Je pense que… Le Pokémon a été attaqué, et qu’il s’est débattu sauvagement.”

Tu en étais certain, alors que tu étais très loin d’être un détective.

Je restai dans les champs, non loin de la forêt pour l’instant, en compagnie de Naito qui semblait prendre très au sérieux son rôle d’enquêteur du dimanche. Peut-être qu’il sera gravement blessé par ta faute, aujourd’hui…? Mes pensées commençaient à devenir particulièrement envahissantes. Tu as besoin de respirer. D’autres pensées étaient bien plus rationnelles, heureusement pour moi. Après avoir pris de grandes inspirations et expiré tout le négatif, tu t’engouffras dans la forêt, ignorant la boule que tu avais dans le ventre. J’espère que j’en reviendrai sain et sauf. Normalement, d’autres dresseurs devraient te rejoindre.

Pour récapituler. Les preuves que j’avais eu sous les yeux menaient vers la piste d’un Pokémon Fée répondant au nom de Sorcilence. Les traces de luttes, les touffes de cheveux bicolores qui étaient éparpillées dans les champs, ainsi que la blessure psychique du jeune homme… prouvaient que la Sorcilence s’était rendue au village. Ce qui était anormal, déjà. De plus, si la créature avait attaqué, c’était probablement car on l’avait provoquée en premier lieu. Et peut-être plusieurs fois. Les enfants faisaient parfois des choses stupides, mais je n’avais pas envie d’accuser le garçon qui était actuellement dans les pommes, ce ne serait pas correct.

J’étais en train de marcher dans la forêt avec appréhension, mes Pokémons sur les talons, prêt à riposter en cas d’attaque de la Sorcière de la forêt. j’allais essayer de lui parler et de lui prouver que je ne venais pas lui faire du mal. Je voulais simplement des explications concernant ses méfaits afin de trouver un accord entre elle et les villageois. C’était probablement suicidaire, du point de vue d’un Bedwyrois, mais je savais que c’était possible. Les Pokémons étaient intelligents et empathiques.

Arrivant désormais dans une clairière un peu sinistre, bien que teintée d’une ambiance féérique et mystérieuse, je balayais le paysage sylvestre du regard, toujours à la recherche d’indices. Ce que je vis en premier troubla un instant ma vue.

Du sang.

D’un seul coup, mon sang commença à se glacer. Je sentais une présence peu rassurante. Ne réfléchissant pas plus longtemps, je me retournai et m’écriai :  

“Naito, attention !!!”

Le Kirlia, à mon cri, lança des capacités psychiques et féériques au hasard contre l’assaillant, ayant des réflexes de plus en plus aiguisés depuis son entraînement intensif aux côtés de la Mysdibule de mon père. Et…

C’était simplement un Chapignon qui voulait en découdre. Mon cœur avait battu à toute allure l’espace d’un instant. J’avais pris du temps à me calmer. Je ne voulais pas finir dans le même état que le garçon de tout à l’heure alors que je venais pacifiquement.

Un peu sonné, le Pokémon Plante rebroussa chemin, ayant compris que je ne faisais que me défendre et que je ne lui ferai aucun mal. Je pris un moment avant de reprendre complètement mon souffle. Je ne devais pas abandonner maintenant…! On comptait sur moi. Moi, un simple adolescent de quinze ans.

J’avais envie de pleurer et d’appeler mes parents pour qu’ils me sortent de là. Mais en faisant ça, ils allaient prendre peur et vouloir que je rentre à la maison immédiatement. Ce qui n’était juste pas possible. Je devais faire mes preuves et…

Mes jambes tremblaient. Pourtant, je continuais à chercher partout. La vue du sang par endroit me donnait des frissons. Mais j’avais une piste… C’était peut-être le sang de la Sorcilence. Je devais l’aider et la soigner. Et ensuite peut-être pouvoir la soigner avec mes maigres connaissances.

Rien, toujours rien. Aucune trace de la Sorcilence. Elle devait être bien plus profondément dans la forêt, si elle cachait réellement des blessures douloureuses. Je ne pouvais plus rester dans cette clairière à tourner en rond éternellement. Naito me montrait le chemin, plutôt nerveusement. Il était nerveux car je l’étais, c’était certain. Les Kirlias savaient lire dans le cœur de leurs dresseurs. Je devais me ressaisir pour son propre bien. Être dans cet état ne pouvait que lui faire du mal…

“Désolé, Naito ! Ne t’inquiète pas pour moi, d’accord ? Je vais… Je vais réussir cette mission, même si j’en suis peut-être pas capable et…”

Le Kirlia venait de me mettre une sacrée claque. Méritée, la claque, je dis pas, mais ça faisait sacrément mal.

“J’en suis capable. Et tu vas m’aider à apaiser la Sorcilence ! Il faudra que tu lui fasses comprendre que je veux la soigner et l’interroger sur ce garçon. Non pas pour la réprimander, juste pour comprendre son comportement. On fait comme ça ?”

Retrouvant le sourire, Naito me sourit et se dirigea vers un chemin en particulier, tandis que je commençais à tracer notre chemin dans le but d’éviter de nous perdre. Si je n’allais pas mourir étripé par un Sorcilence, ça n’était pas non plus pour mourir de faim et de soif parce que j’allais me perdre en forêt.

15 Octobre 2314
Bourg-Guignon et Sylve Brumeuse

Cher journal,

Je n’ai pas l’habitude d’écrire dans un journal intime en temps normal, ayant largement passé l’âge pour ça, je crois. Pas que je juge ceux qui le font encore. Puis, d’une certaine manière, poster sur les réseaux sociaux, c’est presque comme écrire dans un journal intime, mais sans le côté intime, bien que l’anonymat soit parfois préservé, selon la bonne volonté de celui qui écrit.

Aujourd’hui, j’ai peur. Alors bien déterminé à accomplir ma mission, je suis effrayé. J’ai promis à un couple de régler son compte à une dangereuse créature de la Sylve Brumeuse. Une envoûtante sorcière reposait au fond de la forêt, dans les ténèbres de cette dernière. Son crime avait été de s’en prendre à un enfant. Selon mes recherches, la sorcière de la forêt s’était certainement défendu suite à une agression. Ou alors elle s’était vengée sur cet enfant après avoir été agressée plus tôt par une tierce personne.  Plusieurs scénarios étaient possibles.

Cher journal, que dois-je faire ? Je ne suis qu’un adolescent de seize ans aux idées idéalistes voire utopistes. Je voudrais tout arranger entre cette sorcière facétieuse et le village. Je ne veux pas faire plus de victimes que cela. Je désire seulement rétablir la paix. Pourtant, le village semble prêt à éliminer cette muse sylvestre. Je me devais d’empêcher une future chasse et d’établir un dialogue avec celle-ci.

Accompagné de mon fidèle compagnon, nous étions en route vers notre quête, et résignés à essayer de préserver la paix sur les terres forestières. Et à n’importe quel prix. La fin de l’enchanteresse reine des bois ne mènerait jamais à la paix. Son héritière prendrait le relais et perpétuerait une vengeance. C’est toujours ainsi que les conflits faisaient gangréner une potentielle paix.

Cher journal, je vais m’arrêter d’écrire pour l’instant. Par tous les dieux, que cet écrit ne soit pas le dernier de ma plume.

Plus je m’engouffrais dans les profondeurs de la forêt, et plus la faune semblait indisciplinée. Sauvage, agressive, inhospitalière… Comme si la sylve abritait réellement une sorcière sanguinaire. Puis, ces traces de sang sur le sol, ça faisait film d’épouvante. Comme je n’avais pas spécialement de dégoûts pour les fluides corporelles (sauf quelques exceptions logiques, bien sûr), je ne tournais de l'œil à aucun moment. J’avais seulement mal au ventre. La Sorcilence devait être faible.

Ou morte.

Mais je chassais cette idée de mon esprit. Les traces étaient relativement fraîches. En tout cas, aussi pour voir une odeur caractéristique, et surtout métallique.

Marchant en écrasant une brindille par inadvertance, ce qui était normal dans une forêt, j’entendis un râle sourd provenant de plus loin. Je crois que la Sorcilence m’avait repéré. Pourtant, rien ne se passa. Elle ne vint pas m’agresser pour défendre son territoire. Peut-être était-elle incapable de bouger, ce qui serait parfaitement logique… Il y en avait du sang, là. Pas des mares, non plus, mais on était à bien plus que quelques gouttes anecdotiques.

Je décidai de libérer Kleis. Deux Pokémons, ça ne serait pas de trop en cas d’offensive violente. Je n’avais plus qu’à avoir l’air le plus pacifiste possible. Pas très compliqué, je flippais…

Voilà maintenant que j’entrais dans la clairière où se trouvait supposément la sorcière de la forêt, restant sur mes gardes.

Une véritable vision d’horreur se tenait devant moi.

Trop horrible pour un adolescent de quinze ans. J’avais très envie de vomir. Plus que d’habitude, je veux dire.

Il s’agissait d’un Moumouton dont le ventre était parsemé de fleurs écarlates indisciplinées, sauvages. Sans vous faire de dessin, l’immaculé était dans un triste état, même pas consommé jusqu’au bout. Prenant mon courage à deux mains, j’observais les traces. Et c’est de la fourrure brune que je retrouvai parmi les fleurs rouges.

Un Ursaring. Pas la Sorcilence.

Le sang que je pistais depuis tout à l’heure était bel et bien celui de la fée. Le liquide vital de l’immaculé désormais maculé de pourpre était seulement à un seul et même endroit. L’Ursaring n’avait pas fait trop de traces, ce qui me permit de distinguer les deux types de traces.

Je continuais donc à suivre la piste initiale, le cœur lourd et l’estomac encore plus dérangé qu’à l’accoutumé.

Je jetais un œil à Naito qui était livide. Je tentais de le rassurer comme je le pouvais, en lui expliquant que malheureusement, c’était naturel, même si un pokémon domestique ne devrait normalement pas être aussi profondément enfoui dans la forêt, en temps normal. Et il était encore moins rassuré, bizarrement. Il s’estima tout de même heureux de ne pas vivre dans la forêt de tous les dangers.