Je ferme les yeux lorsque les premières gouttes d’eau ruissellent sur mon corps. Je sais que Mikhail ne tardera pas à venir me retrouver. Je lui ai laissé la porte grande ouverte, littéralement. Je me sens un peu mieux malgré tout. Mal de tête disparu, désagrément passé, rien de tel maintenant qu’une douche bien chaude, mais non pas brûlante pour autant.

Fort frémissement
L'eau chaude est la bienvenue
Contre ma peau nue

Ma peau frémit au contact de ce liquide clair qui glissent contre les traces de cette nuit d’action et d’abandon. Je ne peux qu’être trop alerte à ces marques qui parsèment mon corps ici et là. Elles sont sensibles par endroit. Je rouvre les yeux en entendant mon hôte grimper derrière moi et débuter mon nettoyage avec une certaine forme de délicatesse. Merci bien qu’il ne soit pas bourru et brute avec moi. Non, le connaissant depuis tout petit, je savais que Mikhail était quelqu’un de bien et d’attentionné.

J’avais bien vu la rougeur sur son visage et son état d’esprit, mais ce n’était pas à moi de débuter le dialogue à ce sujet. S’il avait quelque chose à me dire, il le ferait. Nous étions deux adultes qui prenions nos propres décisions après tout. Je n’étais pas contre garder des secrets pour moi et si les autres voulaient en faire de même, je n’avais rien à redire là-dessus.

Le silence fit office de compagne un bon moment avant que mon ami d’enfance ne se remette à me charrier et à me taquiner. Il eut pour toute réponse de ma part un grognement et un regard de travers. Je n’étais absolument pas mignon! C’était qu’il allait finir par réellement m’énerver cet Uchinien au regard vairon! Je me retournai vers lui pour lui faire face et je le fis reculer contre le mur de la douche en dehors du jet d’eau chaude. Je plaquai ma main sur son torse dénudé serti de gouttelettes transparentes.

- Ceux qui m’embêtent finissent rapidement par perdre le sourire.

Je glissai ma main libre à un endroit bien stratégique de sa personne. Mon regard cuivré était planté dans le sien.

- Je sais me défendre lorsqu’il le faut, punir et même récompenser. À toi de voir quelle est ta préférence, mon Nirondelle.

Ses derniers mots furent murmurés au creux de son oreille avant que je ne me recule et me détourne en le relâchant. Je retournai à ma toilette, cherchant une bouteille de shampoing pour les cheveux qui n’abîmerait pas mes racines et mes pointes. Je me mis à lire la liste des ingrédients de la première bouteille que je trouvai. Non. Pas celle-là. Trop chimique et pas assez naturel. J’en saisi une autre et la trouvant acceptable, je me mis à faire mousser dans ma tignasse blanche comme neige. Dommage que mes produits soient restés à la chambre d’hôtel. J’aurai pu avoir accès à des trucs appropriés pour mon type de cheveu. Tant pis.

Je ne peux pas m’empêcher de rouler des yeux en entendant Mikhail dire qu’il va tout garder pour lui comme s’il était un gamin de dix ans. Je sais qu’il risque de ne pas tenir sa parole là-dessus. Le connaissant de souvenir, il n’était pas du genre à se taire. En tant qu’adulte, cela devait être la même chose voir même plus flagrant encore. Je ne lui en tenais pas rigueur. Si j’avais été réellement fâché contre lui ou quoique ce soit qu’il aurait pu me dire ou insinuer, je serais parti. Là, j’étais encore dans la douche avec lui signe que malgré ses bêtises verbales, je ne lui en voulais pas vraiment.

Je ne répondis rien mais, je sursautai un peu quand il vint glisser ses doigts dans mes cheveux pour aider à les nettoyer et de bien les rincer sous le jet d’eau chaude de la douche. À peine avait-il demandé si j’avais besoin de quelque chose qu’il se retrouvait là, à me laver les cheveux. Je n’avais même pas eu le temps de dire quoique ce soit. Tss. Je fermai les yeux en laissant un soupire de bien-être échapper de la commissure de mes lèvres entrouvertes. Cela faisait un bien fou. C’était ce que je préférais lorsque j’allais faire des soins de beauté, un bon massage capillaire.

Je rouvris les yeux en entendant la demande très incertaine de Mikhail. Je clignai des yeux avant de tourner la tête vers lui, un peu curieux et sceptique. Était-il réellement en train de douter de lui? Je sentais un grave manque de confiance sur le coup et je secouai doucement de la tête avant de planter mon regard cuivré dans le sien vairon.

- Un peu quand même. Je te connais même si cela fait longtemps et je sais que tu ne pense jamais à mal. Je suis juste bourru et grincheux de nature, ne t’en fais pas pour cela.

Je lève une main vers son visage et je glisse mes doigts sur sa joue avant de la tapoter légèrement.

- Je préfère l’homme que tu es devenu à l’enfant pot de colle que tu as été. J’aime l’audace dont tu fais preuve, Mikhail.

Je souris légèrement avant de se retourner de nouveau pour terminer de me nettoyer et je sortis de la douche en prenant une serviette pour me sécher sommairement. Encore une fois, je n’avais aucune honte à être nu devant l’autre homme. Il pouvait regarder si cela l’arrangeait.

- Par contre, j’aimerais vraiment que tu ne dises pas à ma famille que je suis passé à Uchinâ. J’avais simplement envie de me changer les idées et des retrouvailles familiales, très peu pour moi. S’il te plait mon Nirondelle.

Autant que cela soit énoncé une énième fois juste pour être sûr. Je n’avais pas envie que ma famille débarque à ma chambre d’hôtel et accapare tout mon séjour ici. De plus, il risquait d’y avoir des questions gênantes et des sujets sensibles dont je préférais oublier l’existence pour le moment.

Je me mis à m’habiller tranquillement dans mon coin, mais laissai ma chevelure de neige sécher à l’air libre. Je grognai en voyant que mes vêtements étaient partiellement froissés. Normal avec la débauche de la nuit dernière. Tant pis. Je les ferai repasser une fois de retour à Bedwyr.

Une fois complètement habillé avec mes vêtements légèrement froissés, je me tournai vers Mikhail qui sortait de la douche pour se vêtir aussi. Je me mis à avoir des flash de la nuit dernière. Je secouai la tête pour chasser ses images de ma tête. Pas le temps de me remémorer ma débauche momentanée. C’était peut-être une excellente manière d’oublier mon comportement vis à vis de Niko, mais avec mon mal de tête à peine remis, je préférais avoir l’esprit vide.

Je me passai la main dans mes cheveux encore humide. J’allais avoir besoin d’une brosse à cheveux ou d’un peigne pour m’assurer de n’avoir aucun nœud. J’étais certain que mon partenaire d’une nuit aurait ce qu’il me fallait sous la main ou quelque part dans son appartement.

Lorsque je le vis se peigner les cheveux, je m’approchai de lui et lui empruntai son peigne.

- Je dois m’assurer de ne pas avoir de nœuds dans les cheveux. Je te l’emprunte.

J’aurais pu demander avec un s’il vous plait ou un merci, mais je ne me sentais pas de le faire sur le coup. Petit écart de politesse de ma part. Mikhail n’allait certainement pas s’en offenser. J’en profitai donc pour me peigner et défaire doucement les quelques nœuds présents.

Je relevai mes orbes cuivrés vers le plus grand quand il proposa de sortir ou encore de regarder un film. J’hochai de la tête à ses propos. Sortir pouvait faire en sorte de croiser ma famille, effectivement. Hors de question. Un film, cela pouvait être sympa.

- Allons-y pour un film. Peu m’importe le contenu ou le genre.

Je pouvais paraître difficile aux premiers abords, mais en réalité, je n’avais simplement aucune préférence. Les gens auraient pu croire que j’adorais les films dits historiques, mais connaissant les erreurs temporels et les anachronismes se trouvant dedans, j’étais très critique et je ne me plaisais pas vraiment à les regarder.

Je me dirigeai au salon et m’installai dans le canapé. Je me doutais bien que mon ami d’enfance viendrait s’installer à mes côtés. Aucun problème pour moi. Je lui laissais le champ libre. Sa présence n’était pas pour me déplaire, au contraire.

- Je ne me souviens pas la dernière fois où j’ai pu regarder un film avec quelqu’un sans que ce ne soit dans ma salle de classe.

Je lui fais un léger sourire en attendant qu’il choisisse le film et s’installe pour que nous le regardions ensemble. Mikhail m’avait manqué. Je devais le reconnaître. Uchinâ aussi d’ailleurs, mais je préférais ne pas m’étendre là-dessus. Je n’étais pas du genre sentimental.

- Les films en classe sont éducatifs, mais ils ne sont pas faits pour divertir en tant que tel. En tant que professeur, j’essaye de captiver mes étudiants à approfondir leurs connaissances historiques avec divers moyens. Cependant, il est très rare que j’utilise un téléviseur. Je préfère les livres et le papier.

Je me mis à réfléchir quelques instants, songeur.

- Je crois que depuis le début de l’année scolaire, je n’ai fait jouer qu’une seule vidéo à mes classes. Un documentaire historique à peine valable selon moi. Et puis, hors de question de laisser qui que ce soit dormir durant mes cours. Je surveille.

J’haussai les épaules et jetai un coup d’œil au film choisi par Mikhail. C’était un film d’horreur. Je ne le montrai pas, mais ce genre de film pouvait me rendre mal à l’aise et me faire frissonner. Pas que j’avais peur ou quoique ce soit, mais l’ambiance, la musique et l’usage d’une violence brutale exagérée pouvait me donner envie de ne pas regarder. C’était le genre de long métrage qui pouvait aussi me faire facilement sursauter puisque je sortais totalement de ma zone de confort. C’était bien pour cela que j’évitais de perdre mon temps avec ce choix de films assez débiles et irréalistes.

Je ne détestais pas, mais je n’aimais pas non plus. C’était la même chose avec des films drôles ou encore des romances.

- Le film me convient, ne t’inquiètes pas.

Dès que le film débuta, je me mis à regarder l’écran du téléviseur. J’étais assez aux côtés de mon ami d’enfance et nos épaules pouvaient presque se frôler. Je regardais le générique avec attention, décelant bien que le film ne datait pas d’hier juste à observer ce qui passait à l’écran.

Néanmoins, lorsque l’Uchinien à mes côtés me posa une question sur le ton de la confidence, je ne pus m’empêcher de lever mes orbes cuivrés vers le beau visage de mon hôte. Je l’observais, neutre, attentif à ce qu’il voulait me dire ou m’annoncer.

- Qu’y-a-t-il, Mikhail?

Je n’avais aucune idée de ce qu’il voulait me confier, mais cela piquait légèrement ma curiosité. Aucune idée non plus à savoir si cela me concernait ou non. Tant que l’autre homme ne parlait pas, je ne pouvais rien savoir, rien apprendre de ses confidences.

Je vis du coin de l’œil les personnages du film arriver les uns après les autres et mes oreilles captèrent un début de dialogues entre eux. Pourtant, je restais focalisé sur le barman et sa confidence à venir.

- Je t’écoute.

Les aveux de Mikhail ne me prirent pas réellement par surprise. Je m’en doutais depuis longtemps à vrai dire. J’étais observateur et je l’avais toujours été, mais malgré tout, cela me flattait et me faisait plaisir qu’il me le dise en face. Je n’avais jamais eu ce genre de sentiments pour lui, mais mon affection pour le jeune homme avait toujours été sincère néanmoins. Cela avait dû lui demander un sacré courage pour tout m’avouer comme cela et son embarras se lisait bien sur ses rouges colorées.

Je ne détachai pas mes orbes de cuivre de son visage malgré tout. Je le fixai et pris quelques secondes avant de lui répondre. Je cherchais mes mots. Je ne voulais pas être trop directe, mais rester franc tout de même. Le barman avait le droit de savoir ce que je pensais après tout. Et puis, il me disait être passé à autre chose. Le passé était derrière lui ni plus ni moins.

- Merci pour tes aveux. Je m’en doutais depuis longtemps, mais comme tu as certainement dû t’en douter et malgré tout, je n’ai jamais développé ce genre de sentiments à ton égard. Je suis tout de même honoré d’avoir été ton premier amour même s’il était à sens unique.

C’était pas mal, non? Je crois ne pas avoir été trop blessant dans mes propos. Ma main glisse légèrement contre la sienne et je la serre un peu entre mes doigts. Je sais bien que Mikhail ne me regarde pas et qu’il doit certainement tenter de cacher sa gêne et son embarras face à sa propre audace, mais bon…cela ne me gêne pas, moi.

- Le plaisir est réciproque tout comme l’importance que tu as pour moi, mon Nirondelle. J’avais oublié que parfois retourner à ses racines pouvait apporter tellement de bien.

Et là, il s’enfonce davantage dans ses propos et cela me fait sourire. Je le bouscule un peu avec mon épaule avant d’appuyer ma tête contre le haut de son bras. Mon sourire reste là, figé sur mes lèvres et je ferme les yeux, apaisé. Je me remémore notre nuit, nos retrouvailles et toute ma mélancolie envolée. Comme quoi il n’y avait rien de mieux que le réconfort d’un ami pour aller mieux. La méthode pouvant changée, bien évidemment. Ce n’était pas tout le monde qui oserait coucher avec son ami juste pour une nuit de folie. Moi, cela ne me dérangeait pas, ni de recommencer d’ailleurs.

- Cela ne me dérange pas de coucher avec toi, Mikhail. Si c’est l’un des aspects que tu attends de notre amitié sache que je n’ai aucun problème avec cela. Tant que nous sommes tous les deux consentants.

Autant le dire au cas où. Enfin, cela m’aiderait peut-être à me sortir de la tête mes agissements envers Nikolaï. Je n’étais en couple avec personne et de ce que je comprenais, Mikhail non plus. Seul la distance poserait problème, mais cela pouvait se gérer. Des amis avec avantages, c’était une proposition raisonnable et sans attente de surcroit.

Je finis par rouvrir les yeux en entendant un cri d’effroi venir du film que nous visionnons. Je vois du sang et des tripes et je me renfrogne un peu. Ergh…Je me collai davantage contre l’autre homme. Je n’aimais vraiment pas la violence…hm. Je détournai les yeux pour regarder Mikhail de nouveau. Mieux que des tripes à l’air.

- Je me suis un peu retrouvé grâce à toi. Ne perdons plus contact, d’accord?

C’était un peu comme une promesse sans en être une totalement. J’avais retrouvé un ami de longue date, un ami d’enfance qui ne m’avait pas oublié et qui m’acceptait malgré mon emploi et mon lieu de résidence. J’étais content de le revoir et de passer du temps avec lui. Tout du moins, tant qu’il ne révélait pas à ma famille mon passage en ville. L’horreur si cela se savait!

Je restais tout contre lui, ne m’attardant même pas à regarder le film au final. La trame musicale, les cris d’effroi, les hurlements d’agonie et tous les bruits dégoutants me suffisaient amplement. Soit, je gardais les yeux fermés, soit, je les posais sur mon ami d’enfance. Je n’en avais que faire de ce qui se jouait à la télévision. Le plus important était le moment présent, voilà tout. Le reste n’était que superflu comme ce film par exemple.

J’étais content de le retrouver, de pouvoir l’avoir de nouveau dans ma vie même si nous étions bien différents de nos nous adolescents. Mikhail n’était pas une mauvaise personne, au contraire. C’était un être génial et apprécié de la communauté, du peuple d’Uchinâ. Peut-être avait-il des ennemis, mais sur ce point, je ne les connaissais certainement pas. J’avais été absent beaucoup trop longtemps. Je n’étais plus l’enfant d’Uchinâ que j’avais été autrefois. Enfin, je soupirai contre le barman et je finis par m’étirer pour mieux me réinstaller contre lui.

- Lorsque tu dis que nous nous verrons plus souvent, j’imagine que tu insinues que je vienne à Uchinâ plus d’une fois par onze ans, n’est-ce pas? Je pense que cela pourrait être possible…une ou deux fois par an, peut-être.

Me reconnecter avec mes racines n’allait pas se faire à distance et sachant que Mikhail tenait un bar, il ne serait pas aussi disposé que moi à quitter Uchinâ pour Bedwyr même l’instant d’un weekend. C’était donc à moi de faire les efforts. Je n’en voyais pas d’inconvénients. Tout du moins, pas tant que ma famille n’était pas au courant de ma venue dans le district. Cela me donnait des frissons dans le dos simplement à l’imaginer.

Une fois le film terminé, à mon plus grand bonheur, je me relevai et m’étirai une deuxième fois en gémissant d’aise. Je jetai un coup d’œil vers l’autre homme dans la pièce et esquissa un sourire léger.

- Merci pour tout, mon Nirondelle. Je crois cependant, qu’il est l’heure pour moi d’y aller. Je dois retourner à ma chambre d’hôtel pour ainsi dire que je ne l’ai pas payé pour rien.

Avant de le quitter, je lui laissai sur un morceau de papier mon adresse à Bedwyr s’il avait envie de m’envoyer des lettres, mais aussi mon numéro de téléphone s’il voulait m’appeler. Évidemment, je ne pensais pas du tout aux messages écrits par portable ou quoique ce soit du genre. Ce n’était pas une application que j’utilisais sur mon cellulaire. De toute façon, je ne l’utilisais que pour des appels urgents habituellement. Mikhail fera bien ce qu’il veut des informations que je venais de lui donner. Cela ne me regardait plus.

- Tout est sur ce papier alors, écris-moi ou appel-moi s’il y a quoique ce soit. Le courrier par pokémon est assez rapide même si pour la plupart des gens cela est rendu désuet. Disons que je suis une vieille âme qui n’arrive pas à s’accoutumer avec toute cette technologie.

Je serrai la main de mon ami d’enfance avant de lui faire une accolade, puis je me dirigeai vers la sortie de son appartement. Je ne me retournai pas, ayant pris soin de ramasser tout ce qui m’appartenait avant de quitter. Une fois dans la rue, je me dirigeai vers l’adresse de mon hôtel, me disant qu’un peu de repos de nouveau ne me ferait pas de mal. Mon mal de tête était passé. Une ou deux heures de sommeil en plus n’allait  certainement pas me faire le moindre mal. Après cela, j’allais quitter Uchinâ pour rentrer à Bedwyr et peaufiner mes cours à venir comme je le faisais habituellement. C’était un bon plan, facile et simple à suivre. Rien de complexe.

Et puis, tout cela se passa comme je l’avais prévu. Sieste, retour à la maison et puis, travail. Mon escapade dans mon district natal m’avait ouvert les yeux sur ma nature d’Uchinien. Comme quoi malgré les apparences, moi, Hermes Umalei, je pouvais toujours me qualifier de fils d’Uchinâ.