J’avais décidé de prendre une semaine complète de vacances. Oui, moi, le professeur d’histoire qui travaillait même dans mes temps libres et les weekends, je prenais une pause. Ce n’était pas à proprement parlé le travail le problème. C’était plutôt…moi tout court. N’ayant jamais pris de vraies vacances depuis que j’avais obtenu mon poste d’enseignant au sein de l’académie Uxie, je me sentais un peu bizarre. Désemparé. Pourtant, j’en avais besoin. Ces derniers jours, je n’arrivais plus à me focaliser et à me concentrer. J’avais trop dans la tête. J’étais soucieux et je me prenais la tête avec ma propre conscience. Tout cela depuis…le parc d’attraction.

Je soupirai en arrivant à Uchinâ. C’était le soir et j’entendais déjà les feux d’artifices et les cris des fêtards au loin. Je me sentais lourd, mais surtout j’avais cette irrésistible envie de boire. Combien de verres? Autant qu’il m’en faudrait pour me saouler un bon coup et avoir la tête légère. Ce n’était pas dans mes habitudes, mais personne n’allait me critiquer. Pas ici en tout cas. J’eus une pensée pour ma famille que je n’avais pas revue depuis mes quinze ans. Pourtant, je ne me sentais pas l’âme d’aller les voir, pas maintenant, peut-être demain.

J’allai me prendre une chambre d’hôtel à bon prix, j’en avais les moyens. Pas la plus chère par contre. Ce n’était pas nécessaire. Je me rendis ensuite dans la zone commerciale, la connaissant plus agitée le soir que le jour. Les bars ouvraient leurs portes et les endroits plus festifs aussi. Je regardai l’heure sur ma montre. Il était à peine vingt-deux heure. C’était encore tôt pour un début de soirée. Je soupirai lourdement de nouveau et j’eus une pensée pour Nikolaï, mon ami. Je grognai en sentant la culpabilité me serrer la gorge et les tripes. Je ne me sentais pas moi-même et cela me frustrait au plus au point.

Mes pas m’amenèrent devant le Pinku Pinku, le café bistro de ma famille. Il était fermé à cette heure-là, une chance pour moi. Voir des visages familiers ne me tentait guère. Je finis par lever les yeux vers l’établissement à côté du commerce de mes parents. C’était nouveau et cela vendait de l’alcool. Parfait pour moi.

Je me dirigeai donc vers la porte du bar et y entrai sans hésitation, le pas un peu traînant cependant. La tête basse, je m’installai au comptoir directement et une voix mielleuse me sortit de mes pensées. Mon regard cuivré se releva et je croisai les jolis yeux du barman. Était-ce moi qu’il avait appelé Sweetheart? Je n’étais plus habitué à cette familiarité qui habitait les Uchiniens. Bedwyr était plus sobre et fade en comparaison, moins convivial.

- J’aimerais trois shooters de Tequila s’il vous plait.

Je portais encore mes habits de travail. Complet sobre dans les teintes de gris, cravate noire et une queue de cheval haute sertie d’un ruban dans les teintes de lilas. Ma chemise en-dessous était blanche et je portais comme simples ornements que ma montre et quelques anneaux au pourtour du pavillon de mes oreilles ici et là. Je ressemblais au moi d’y il a onze ans, mais adulte et en plus sophistiqué.

- Uchinâ ne semble pas avoir changé…

Je murmurai pour moi-même ses mots alors que de nouveaux cris de joie et des rires fusèrent au loin. Les gens faisaient la fête. Tant mieux pour eux.

Je ne fis pas trop attention au barman même s’il était très attractif physiquement. J’avais beaucoup trop en tête pour réellement apprécier la vue et son approche mielleuse à mon égard. C’était son job. Néanmoins, lorsque sa voix porta à mes oreilles la sonorité de mon propre prénom, je relevai mes orbes de cuivre sur lui, exprimant une certaine surprise. Après tout, combien de chance y avait-il pour que quelqu’un me reconnaisse après tout ce temps? Sur le coup, je ne dis rien, détournant simplement le regard en soupirant, glissant plutôt sur la vision des trois shooters sur le comptoir. J’en agrippai un entre mes doigts avant de le porter à mes lèvres et de le prendre cul sec. Je déposai la verrerie sur le bois dur et laqué du comptoir avant de reporter mes yeux sur l’homme face à moi. Il était à présent accoudé sur la structure, mes poings lui servant d’appui pour son menton. Je soupirai de nouveau avant de prendre la peine de l’observer plus attentivement. Vraiment…il ne me disait rien.

- On se connait?

J’imaginais bien que quelque part dans mon passé nous avions dû nous croiser, mais il ne me revenait pas du tout, ce barman. Ce n’était pas tout le monde qui décidait de partir tout comme de rester. Je finis par comprendre qu’il connaissait mes parents, normal puisque son bar se trouvait à côté du bistro café. Je me passai la main dans les cheveux tout en dévisageant le barman en face de moi. De nouveaux cris de joie et des rires se firent entendre à l’extérieur, au loin. C’était bruyant, normal pour l’endroit. Uchinâ était l’endroit rêver pour les fêtes et les couche-tard.

Je me mis à chercher quand même un peu pour tenter de trouver qui se trouvait devant moi. Je me sentais un peu dépassé et sincèrement, je n’avais pas trop envie de discuter de ma vie avec un mec que je ne souvenais pas. Est-ce qu’on avait couché ensemble? C’était plausible, mais je prenais toujours la peine de ne pas picoler comme un trou dans ces cas-là. Puis, je n’avais pas fait ce genre de chose ici, à Uchinâ puisque je n’y avais pas remis les pieds depuis mes 15 ans.

- Trop de questions personnelles pour une première rencontre. T’es qui au juste parce que sincèrement, je ne te replace pas du tout.

Direct, comme à mon habitude. Mes derniers mots furent rapidement noyés dans un shooter salvateur que je pris d’un trait avant de prendre le troisième quelques secondes derrière. Je me mis à jouer avec le dernier verre, le faisant tourner devant moi, entre mes doigts. Mon regard ne quittait pas mon vis-à-vis. Il avait vraiment un visage attrayant et ses cheveux étaient pas mal. Peut-être un peu déshydraté, mais bon, ce n’était pas tout le monde qui pouvait se payer des produits de qualité pour la peau et les cheveux.

- J’aimerais trois autres shooters, même chose, s’il te plait. Je suis ici pour picoler et ce n’est pas en discutant que cela risque d’arriver.

Oui, bon au moins, il avait une réponse à l’une de ses questions, le barman. Peut-être que comme cela, il me considèrerait plus comme un client à servir qu’une adolescente qui va lui livrer ses derniers états d’âme et ses derniers potins. Tant que je ne savais pas qui se trouvait en face de moi, je restais sur mes gardes. Être distant et sur la défensive c’était une manière de se protéger après tout et comme je prenais de mauvaises décisions ses derniers temps, autant rester prudent. J’allais rapidement en savoir plus sur cet homme bavard et à la voix aussi sucrée que le miel.

- …Mikhail Reid…hm…pot de colle et coupe au carré. Putain. Tu n’as plus rien à voir avec le gosse qui me suivait partout.

Définitivement pas un homme avec qui j’ai déjà couché. Pas qu’il n’était pas séduisant, au contraire, mais je me serais rappelé avoir eu des rapports intimes avec lui si cela avait été le cas. Je me décidai à le détailler plus activement du regard, ne me gênant pas pour le faire. J’essayais simplement de trouver un repère visuel qui aurait pu me faire deviner que Mikhail se trouvait devant moi. Plus je cherchais et moins je pouvais percevoir le gamin de mon enfance. Comme quoi, on pouvait changer du tout au tout en quelques années à peine. La puberté hein. Évidemment, là, comme cela, je ne montrais pas mes vraies couleurs. J’étais propre, classieux même. Loin de mes vêtements habituels de punk rebelle.

Lorsque l’homme de l’autre côté du bar se mit à m’expliquer que de un, il avait assez de talent pour me servir des verres et discuter et que de deux, je pouvais faire de même avec mes consommations, je grognai. Pourquoi avait-il besoin de faire la conversation? Je râlais intérieurement et je me fis violence pour ne pas rouler des yeux. Je me contentai de prendre l’un des nouveaux verres de tequila et me le fis cul sec. Je le redéposai devant moi et plongeai mes orbes cuivrés dans le regard hypnotique et sublime du barman.

- Tu as perdu ta timidité à ce que je vois. La puberté semble aussi avoir eu un effet monstre sur toi. Bel homme et beau parleur. Vraiment.

Même si je n’avais pas envie de discuter, je savais que Mikhail n’allait pas lâcher le morceau. Je n’étais pas un ange et j’étais plutôt bourru depuis que j’avais mis les pieds dans l’établissement. Autant accepter un minimum de blabla. Juste un tout petit peu. Rien de trop passionné ni de trop personnel. De mon côté tout du moins. De toute façon, je n’allais pas rester ici bien longtemps. Quelques jours tout ou plus. Je finis par passer ma main dans mes cheveux et j’allai tirer sur mon ruban pour les détacher. Ma chevelure blanche comme neige se mis à cascader sur mes épaules en une masse de mèches rebelles. Je détachai le col de ma chemise et me mis plus à l’aise.

- L’effet Uchinâ.

Oui, un district comme celui-ci faisait naître beaucoup de personnes très extraverties et dotées d’un don d’orateur. Charme et magie festive étaient ce qui coulait dans les veines d’une bonne partie de la populace. Évidemment, il y avait des exceptions comme moi. Je ne possédais pas le charisme de Mikhail. Même pas un dixième de ce qu’il dégageait. Je n’étais pas un laideron non plus, mais j’étais plus austère, plus neutre. Les gens ne me côtoyaient pas par plaisir. Nous étions opposés.

- Tu n’as donc pas quitté Uchinâ. Hm. Tu vois parfois Hernando et Heramina? Je n’ai pas vraiment de leurs nouvelles, ni de nos parents d’ailleurs. Le travail.

Peut-être que l’homme à la chevelure excentrique passait du temps avec mon frère et ma sœur? Aucune idée. Je n’avais pas eu de leurs nouvelles depuis quelques mois déjà. Le travail ne me permettait pas de leur envoyer du courrier. Pas que je n’avais pas le droit. Juste…le temps me manquait. Mon Tylton ne pouvait pas faire Bedwyr – Uchinâ trop fréquemment. Il s’épuiserait à la tâche et je ne le voulais pas non plus. En plus, Pinku détestait être loin de moi trop longtemps. Je ne voulais pas l’embêter avec cela.

Maintenant que j’étais sur place et que je me sentais un chouia mieux, peut-être que j’allais faire acte de présence. Aucune idée si c’était par envie ou sous l’effet de l’alcool que je buvais, mais je me sentais moins…rigide. Au moins si cela m’empêchait de me sentir misérable, c’était déjà cela, non?

Je pris un deuxième shooter et l’ingurgitai avec rapidité, soupirant d’aise. J’adorais cela. Vivement l’ivresse et basta.

- Je ne le nie pas. C’est une façon de fidéliser sa clientèle.

Oui. Un barman bête et avec la tête dans le cul ne faisait pas vendre beaucoup d’alcool non plus. J’en étais persuadé. Aussi, être charmant aidait à se que les clients s’ouvrent et achètent plus, restent plus longtemps. Ce genre de choses. C’était positif, même si j’imaginais bien que Mikhail devait aussi passer son temps à se faire draguer et même, se faire payer des verres, boulot ou pas. Tout job avait ses bonus et ses inconvénients. Le mien aussi en avait. Du genre, les cancres qui ne retenaient jamais rien et les tricheurs. Ceux qui se croyaient drôles et qui manquaient de discipline. J’avais aussi des étudiants sérieux et studieux, mais juste un ou deux par classe. La grande moyenne était stable, mais pas passionnée.

J’écoutai à peine le plus jeune me répondre, prenant le fixe un instant alors que mes oreilles se perdaient dans le brouhaha des environs. L’alcool commençait à taper sur mon système, apparemment. Je grognai et relevai les yeux sur Mikhail quand il s’excusa. Je me mordis la lèvre en observant son joli derrière. Ce pantalon lui allait trop bien. Putain, je le relookais comme un animal et je m’en foutais. L’inhibition prenait peu à peu le large et je ne relevai les yeux que lorsqu’il se retourna vers moi. Okay, son visage…oui. Hm.

- Je…hm…peut-être…Je ne sais pas encore combien de temps je vais rester ici…

Mon regard chercha le sien alors que je jouais des doigts sur le bois du bar. Je les faisais cliqueter comme si j’attendais quelque chose, mais en fait, non. Pas du tout. Il me restait un shooter de tequila devant moi. J’avais envie de le boire, mais en même temps, je voulais attendre. Gros dilemme.

- Il faudrait me convaincre…de rester plus longtemps…je crois.

Sous-entendu ou pas, en vérité, je n’avais pas d’objectifs précis en ce qui concernait Uchinâ. Si je restais quelques jours, je n’étais pas certain d’avoir la force d’affronter une réunion familiale. Je ne voulais pas me faire charrier et devoir rattraper le temps perdu. Cela risquait d’être lourd, surtout que je n’avais pas la tête à cela.

Ah et puis, zut! Je pris mon dernier verre à shooter et l’engloutit comme si de rien était, le redéposant sur le comptoir assez brutalement. L’un de ses confrères vides s’en retrouva renversé et je grognai en secouant la tête. Motricité, dextérité et délicatesse n’étaient pas compatible avec la boisson alcoolisée. Dans mon cas. Je laissai mon menton tomber dans le creux de ma paume accoudé sur le rebord du bar et je penchai la tête en regardant mon ami d’enfance. Des mèches de cheveux blancs glissèrent devant mes yeux et je soufflai dessus pour les repousser en vain.

- Je n’avais jamais remarqué la profondeur de ton regard…Ces yeux doivent en charmer plus d’un…ou d’une.

Moi compris avec quelques verres dans le nez. Sans…peut-être bien aussi. Mikhail serait le genre d’homme que j’aurais pu fréquenter dans une autre vie. Si je n’avais pas quitté Uchinâ aussi tôt, au début de mon adolescence. Je me demandais ce qui aurait pu arriver si j’étais resté. Aurais-je été un autre moi? M’aurait-on apprécié plus que maintenant? Aurais-je eu un tas de contacts et de connaissances? Un copain ou une copine? Je n’en savais strictement rien.

- Je ne sais même pas si je suis encore un enfant de Uchinâ…Je suis trop sérieux et sévère…les gens ne m’aiment pas vraiment…hm…

Peu à peu et sans m’en rendre compte, je m’ouvrais. Stupéfiant ce que pouvait faire l’alcool et un beau mec. Je finis par soupirer et faire la moue. Je ne faisais JAMAIS la moue, mais là, c’était plus fort que moi. Mon visage était moins rigide aux expressions et aux émotions que je ressentais. Pitoyable, non? Je perdais le contrôle pour un peu de tequila. Je ne voulais qu’oublier avec l’ivresse…pas devenir l’un de ses hommes qui délivre leur vie comme un livre ouvert. Pas moi…nope.

- J’aimerais le même truc coloré que t’as fait à ton client là-bas. S’il te plait…et la minuscule ombrelle en papier. Merci…Oh! Tu peux t’en prendre un aussi, je te le paye.

- J’aurais pu parler d’une autre partie de ton corps qui me plait bien, mais cela aurait été indécent…

Mikhail était devenu un très bel homme très séduisant et bien fait. Mon regard ne s’était pas attardé sur son fessier pour rien. Il y avait de quoi avoir envie. Moi, je ne me retenais plus vraiment dans mes propos. Je n’allais pas droit au but non plus, je ne voulais pas me faire jeter dehors alors, je me permettais de flirter un peu. L’alcool aidait beaucoup à mon manque d’inhibition.

Je laissai le barman replacer une mèche de mes cheveux de neige derrière mon oreille. J’en frissonnai un peu avant de laisser une jolie teinte rose colorer mes joues. Mikhail était si gentil, si doux et bienveillant. Tout le monde devait lui courir après ici, à Uchinâ. Et puis, il tentait de me remonter le moral et je lui en étais fort reconnaissant quand même. Je n’étais pas facile à vivre. Lui, il ne me jugeait pas, au contraire. Il m’acceptait.

Je soupirai doucement sans détacher mes yeux de son physique d’Apollon. Je me redressai et tentai de reprendre convenance. Dur quand même parce que la Tequila avait descendu vite dans mon système. Je faisais de mon mieux. Puis, lentement j’allai capturer son regard du mien, m’y replongeant une énième fois. Ses yeux vairons, il happait toute ma concentration. Et là, je captais qu’il me trouvait joli. Vraiment? Je me trouvais assez ordinaire pourtant…Hm…J’étais peut-être de son goût…ou Mikhail voulait simplement être gentil.

- Je suis joli? Vraiment? Je te plais?

Autant poser la question alors qu’il me servait son fameux cocktail. Pas son meilleur? Hm, j’avais le temps pour goûter à plus. Je comptais rester lonnnngtemps…ouais…enfin dans le bar, pas à Uchinâ…Mouais.

Je laissai un sourire léger fleurir sur mes lèvres alors que je le remerciais pour la boisson alcoolisée. Le barman laissa en suspend un semblant de mystère à ses derniers mots et moi, je sautai dedans à pieds joints.

- Je suis prêt à tout essayer, si cela vient de toi, Mikhail. J’ai beaucoup à rattraper et…J’ai envie de savoir ce que tu as à m’apporter. Hm…cocktail…ou autre…

Je me mis à rigoler avant de tourner la tête vers le dancefloor. Les gens commençaient à affluer l’intérieur. Des jeunes, surtout. Quoique, j’étais encore jeune à vingt-six ans hein. Je laissai mon sourire s’élargir sur mes lèvres. Mon ami d’enfance avait su me remonter assez le moral pour que je ne me sente plus trop démoralisé.

Je décidai sous une impulsion soudaine que je devais me reprendre et donc, je pris sans aucun remord et sans aucune réflexion, mon breuvage alcoolisé, puis je le bus jusqu’à la moitié d’un trait. Houla! Il tapait fort quand même! Je pouffai de rire et reporta mon attention sur Mikhail, tout sourire et le regard brillant. Je me sentais de plus en plus jovial et sans crainte.

- Je vais danser un coup et après je reviens…donc…hm…tu restes derrière ce bar…!

Me relever fut assez facile, mais me tenir droit alors…beaucoup moins. Je me retins au bar avant de grogner et de fixer mon regard sur un mec qui dansait sur la piste de danse. Il était parfait. Parfait pour me faire oublier que je n’avais pas mis les pieds sur un dancefloor depuis des années et que là, c’était le grand retour.

Je me lançai donc vers la zone de danse et je me faufilai entre les danseurs et les danseuses pour trouver ma cible. Si j’étais aussi joli que Mikhail le prétendait alors, cet homme n’aurait aucune chance de refuser de danser avec moi, hein?

- Bonsoir! On danse?

Le mec se retourna vers moi et me détailla trente secondes avant d’hocher de la tête en me souriant, charmeur.

- Avec plaisir beauté!

Je laissai mon corps agir en mode autopilote et par automatisme. Je laissai la musique m’envahir et prendre possession de moi. J’avais la tête enfin vide de ce qui me tracassait et me rendait morose. Je me sentais redevenir un enfant d’Uchinâ ou plutôt, un homme d’Uchinâ. Je m’éclatais avec le premier venu et je m’en foutais royalement. C’était trop bien!

Je ne revins au bar qu’une vingtaine de minutes plus tard, haletant et souriant. Sur ma main, mon partenaire de danse avait écrit au stylo bleu son numéro de téléphone. Je me laissai tomber sur mon banc et cherchai Mikhail du regard. Comme c’était beaucoup plus achalandé avec les heures qui passaient, il devait bosser dur. Je préférais ne pas le déranger et je me remis à siroter mon cocktail. Évidemment, je jetai un coup d’œil au sien pour voir s’il en avait consommé ou non. S’il n’était pas fini, je risquais de lui piquer…

- Il fait trop chaud là…

Je retirai mon veston, détachai ma cravate et déboutonnai tous les boutons de ma chemise blanche. La chaleur montait dans le bar avec toute cette énergie explosive. Je sentais la sueur coller sur le dos de ma chemise et je voulais la retirer au plus vite. Je me faisais violence pour ne pas le faire tout de suite. Patience…plus tard…si cela me dérangeait trop…j’allais le faire.

Les pans de ma chemise étaient à présent grands ouverts et mon torse était presque intégralement mis à nu. Chacun des moindres muscles du haut de mon corps se trouvait à présent à l’air libre, vision de beauté pour certains et pour d’autres, un objet de désir. Je lâchai ma paille alors que je voyais Mikhail revenir vers moi et me taquiner. À moins que ce ne soit de la drague pure et dure. Dure à dire et interpréter dans mon état. Effectivement, je devais me calmer pour ne pas me vautrer alors que la soirée n’était pas encore à son summum.

- Si seulement ce n’était que pour toi. Malheureusement, je ne suis pas du genre très…hm…exclusif. Oui…

Je lui fis un sourire avant de ricaner, clignant des yeux, hébété lorsque le barman siffla et laissa courir ses doigts sur mon poignet, frôlant le numéro de téléphone écrit à l’encre bleue sur ma peau. Je me mordillai la lèvre inférieure avant de sourire un peu plus. Oh Mikhail…si tu savais ce que j’ai en tête en ce moment même, tu en rougirais certainement! Je pouffai avant de lui agripper la main et de la tirer pour que sa paume se plaque contre mon torse nu. Je me redressai pour susurrer à son oreille.

- Il y a encore beaucoup de peau sur mon corps qui n’a pas encore été marqué par quoique ce soit…ce soir…

Je le relâchai et pouffai de rire avant de me rasseoir avec plus ou moins de prudence. Je ne voulais pas perdre l’équilibre et bêtement tomber de mon siège. Ce serait vraiment embarrassant…Enfin, j’imagine que si cela arrivait, des gens viendraient m’aider à me relever et en profiterait pour me draguer. Hm…cela pouvait se tenter…ou pas.

- Je vais ralentir l’alcool, mais simplement parce que…je le veux. Et puis, je suis certain que si je devais me ramasser par terre, tu serais le premier à venir me ramasser, hm?

Une bouffée de chaleur m’envahit alors que je sentais toujours l’alcool embrouiller mes pensées, exhiber mes gestes et mes mots sans aucun filtre. Une épaule de ma chemise glissa doucement, révélant la peau mise à nue. Je frissonnai et reportai mon attention sur mon breuvage alcoolisé. Il était quasiment vide. Au moins, je me sentais mieux, beaucoup mieux. Vivant. Pourquoi n’avais-je pas eu l’idée de revenir à mes racines bien avant? J’étais un crétin, un abruti de crétin à la con!

- Mikhaiiiil….minaudais-je avec un sourire légèrement mesquin. Je voulais l’embêter un peu quitte à désaouler et recouvrer mes esprits. Un verre d’eau s’il te plait.

Dès que je reçus le verre d’eau, je me mis à le boire. J’avais soif, bien plus soif que je ne le pensais et cela m’aidait avec la chaleur. C’était rafraichissant! Je soupirai d’aise et jetai un coup d’œil à la piste de danse. C’était qu’elle était encore plus bondée que tout à l’heure!

J’eus une pensée pour Niko, me disant qu’il aurait peut-être aimé cela, cette ambiance, danser, tout cela. Je grimaçai avant de me prendre la tête entre les mains. PUTAIN! Je n’avais pas envie de me casser la tête avec tout cela une nouvelle fois!

- Tu as un remède contre les pensées envahissantes? J’en ai marre!

Je grognai en gigotant sur ma chaise, le dernier pan de tissu sur mon autre épaule encore couverte, glissant pour laisser mon dos à nu. J’avais envie de me frapper la tête contre le comptoir. Cela pouvait m’achever, hein?

Mikhail est trop gentil. Même après des années à ne pas lui donner de nouvelles, il se soucie de moi. Enfin, plutôt de ne pas me laisser traîner sur le plancher de son établissement. Je me sens stupide de ne pas avoir donné signe de vie depuis tout ce temps. Maintenant, je me rattrape en quelque sorte. Même si ma visite à Uchinâ n’est que de très courte durée, je suis tout de même content d’avoir pu le revoir.

Puis, il finit par s’éloigner pour s’occuper de d’autres clients. Normal, il doit travailler. Mikhail est à la fois le proprio et le barman, c’est ce que j’en ai conclu. L’homme à tout faire du bar et tout un homme tant qu’à moi. Mon regard ne peut pas s’empêcher de le suivre, de le détailler et mon esprit imagine ce qui se trouve sous ses vêtements. Je grogne avant de détourner la tête. Il fait trop chaud…et mon esprit s’éparpille. Je dois tenter de me concentrer sur autre chose, mais quoi au juste? Je ne veux pas réfléchir…je ne veux pas me souvenir de la personne idiote que je suis. Je grogne de nouveau, puis je soupire.

Je me casse la tête et c’est à ce moment que Mikhail revient vers moi. Je lève les yeux vers lui alors qu’il me fait signe qu’il connait un remède contre les pensées envahissantes. Bien, trop bien! J’attends qu’il ouvre la bouche pour le dire, mais au lieu de cela, il s’étale sur le comptoir et va capturer mes lèvres dans un baiser ardent. Je bug complètement. Je finis par gémir contre ses lèvres alors que ma langue va frôler la sienne, répondant au baiser enflammé. Je me fous des gens autour et des sifflements. Ce contact me fait oublier et c’est exactement ce que je veux.

J’imagine la suite, j’ai envie de la suite, mais je sais que malgré toute ma volonté et mon désir, ce ne sera pas dans l’immédiat. Puis, le barman se décolle et je grogne. Je le regarde se lécher les lèvres et j’ai envie de grimper sur ce foutu comptoir pour en reprendre, en redemander.

- Je ne te laisserai pas t’en tirer comme cela, Mikhail…ce que tu as commencé, il va falloir que le finisse.

Mon regard se planta dans le sien. Je me sentais plus près de la raison que de la boisson pour le coup. Ce baiser ardent avait réveillé en moi une flamme brûlante et des désirs que je ne pouvais ignorer. S’il voulait jouer avec moi, nous serions deux dans ce cas. Quoique j’avais été le premier à lancer les hostilités, je plaide coupable.

Par contre, j’avais toujours aussi chaud…c’était désagréable.

- Dommage que tu n’ais personne pour te remplacer…j’étais partant pour un Sex on the Beach…

Et s’il lisait entre les lignes, je ne parlais pas du tout du cocktail. Je lui fis un sourire charmeur avant de pouffer de rire et ainsi me mettre à jouer avec mon verre d’eau vide. Je voulais recouvrer mes esprits pour pouvoir mieux savourer la soirée, la nuit. Finalement, je me rendais compte que de me saouler n’était pas la meilleure solution. Le bel homme face à moi était la solution. L’alcool me permettait cependant de couper nette toutes mes inhibitions et me rendait un brin plus social et extraverti, plus Uchinien que Bedwyrois.

- J’imagine que je vais devoir me contenter d’aller voir ailleurs…

Je fis faussement la moue. Je voulais le narguer un peu, l’obliger à rester si peu professionnel à mon égard. Je me doutais qu’il ne devait pas être indifférent à mon égard…surtout si je lui plaisais comme il me l’avait si bien mentionné plus tôt dans la soirée.

- Hm…que faire…?

J’étais assez au bar en train de siroter une bière assez tiède parce qu’elle était là depuis un petit bout de temps. De la transpiration s’était accumulé autour de ma moustache signe qu’il faisait assez chaud dans l’établissement. C’était certain qu’avec l’attroupement sur la piste de danse et sur cet air entraînant de swing, la chaleur montait drastiquement. Moi, j’observais tout simplement un homme un peu plus loin. Cheveux blancs, longs et qui venait de retirer complètement sa chemise, draguant ouvertement le barman.

Il en avait de la chance. Niveau apparence, j’avais tout à lui envier. J’étais grassouillet et il y avait cette drôle de substance sur ma chemise…sûrement de la mayonnaise du sandwich que j’avais mangé ce midi. Thon et mayo avec un peu de persil. C’était du genre huileux et tenter de l’essuyer aurait tôt fait de l’étaler un peu plus.

Je soupirai en prenant une gorgée de ma bouteille d’alcool. C’était un endroit de rêve ici et pourtant, la compagnie d’affaires pour laquelle je travaille m’empêchait de réellement pouvoir m’amuser. J’avais l’impression d’avoir subi une lobotomie, de ne plus être l’homme que j’étais autrefois. Je n’avais plus le goût à la vie d’avant. Je soupirai de nouveau. Et il y avait l’autre là-bas qui semblait rire et s’amuser avec un peu d’alcool dans le sang. Il avait l’air d’adorer ça, de vivre à cent pour cent. Je voulais être comme lui. Fait chier…

Je me frottai le visage dans les mains et j’eus une bouffée de l’odeur de ma propre haleine. Bière et thon…c’était pestilentiel…une horreur. Je me mis à chercher dans les poches de mon pantalon pour de la gomme à mâcher. Je savais que j’en avais sur moi en bon fumeur que j’étais. Ah, trouvé. J’en pris une et la mâchai prestement. Ça allait masquer l’odeur, un peu.

De ce que je pouvais voir et entendre de ma place au bar, les deux hommes semblaient se connaître. Des amis de longue date très certainement. Ils en avaient de la chance. J’avais perdu de vue tous les miens, trop occupé à bosser pour cette société subversive et qui concordait parfaitement au modèle d’entreprise exploitatrice de sa main-d’œuvre. J’avais envie de tout quitter et ainsi d’arrêter de me sentir pris au piège, goudronné à mon poste et mes devoirs envers mon employeur.

Cette drague ouverte et visible à tour me rend assez jaloux de la situation. L’homme aux cheveux blancs réplique au barman qu’il va être patient et l’attendre pour ne pas l’empêcher de perdre de son professionnalisme. La plupart des gens dans le bar sont trop occupés à boire ou à danser pour s’en soucier tant qu’à moi. L’autre le dévore des yeux alors que le patron va servir d’autres clients. Il le mate sans aucune gêne à présent que ça en devient presque ridicule. Ils allaient se sauter dessus dès la fin de son service, c’était écrit dans les étoiles du ciel d’Uchinâ. Classique ici, j’imagine.

Je finis par terminer mon breuvage me relevai de mon banc après avoir déposé l’argent sur le comptoir. Un hurluberlu me percuta en tanguant dangereusement sur ses pieds, complètement ivre. Je soupirai et replaçai ma chemise en place. Je devais y aller…le boulot m’attendait au matin et je devais être frais et dispo comme à l’habitude. Dommage, je n’allais pas pouvoir savoir comment leur histoire allait se terminer, mais c’était bien facile à imaginer…

J’avais fait acte de patience vis-à-vis de Mikhail. J’avais une bonne tolérance à l’attente, aux minutes et aux heures qui passaient sans m’énerver ou tomber dans une envie pressante de le dérober à son travail. J’avais passé le temps avec des breuvages au doux parfum alcoolisé, avec des mines aguicheuses de sa part, mais aussi de ses provocations bien calculées pour me donner encore plus envie de lui. J’alternais eau et alcool pour ne pas tomber comme une masse. J’avais la tête légère, plus émancipée qu’à l’accoutumé quand j’étais sobre de toute consommation. Là, j’étais libéré de cette pesanteur qu’était le contrôle et l’autorité. Là, j’étais à Uchinâ et tout ce qui pouvait me passer par la tête en ce moment même c’était ce jeune homme séduisant à la chevelure excentrique, mais au combien envoûtant à regarder.

Je terminai ma boisson, laissant retomber la paille dans le verre face à moi alors que mes lèvres la relâchaient mollement. Je relevai les yeux vers l’horloge pour voir trois heures du matin. Mes orbes cuivrés se tournèrent ensuite vers le barman qui sembla soulagé que cela soit terminé. Je n’avais pas été des plus sages non plus durant cette attente. Nous le savions tous les deux. Mes mots et mes gestes l’avaient bien démontré à son intention.

Mikhail s’approcha de moi et j’esquissai un sourire léger lorsqu’il me parla de récompense. J’avais l’impression d’être un étudiant face à un professeur, mais dans une situation bien plus érotique qu’à la normale. Ce genre de propos ne se disait pas dans un statut académie normal et je ne faisais pas dans la déviance.

Mes doigts allèrent se glisser dans ses cheveux lorsque ses lèvres et ses dents prirent possession de mon cou, me laissant sensible à ses charmes et à cette récompense de patience. Mes propres lèvres laissèrent échapper un léger soupire d’aise et d’envie de plus. Sans m’en rendre compte, j’avais fermé les yeux.

Je les rouvris lorsqu’il se détacha de mon cou et je le regardai. Autre chose à boire? Oh non, pas besoin…j’avais envie de mieux qu’un verre…de beaucoup mieux que cela et c’était plus qu’évident dans mon regard brillant. Je me redressai pour aller capturer ses lèvres dans un baiser qui en disait long sur mes priorités à ce moment-là de la nuit. Parler ne servait à rien dans cette situation de toute façon. Nos corps en disaient bien assez long.

-…

Je lui mordillai la lèvre inférieure, taquin et aguicheur à la fois avant de reculer pour me dérober de ses bras. L’odeur de l’alcool dans la pièce commençait à me faire tourner de la tête. Je préférais nettement être aux dehors.

- Chez toi.

Je n’avais plus envie d’attendre davantage. Certes au final je payais une chambre d’hôtel pour rien, mais qu’importe. Rien ne disait que j’allais rester dormir. Rien ne disait non plus que je n’allais pas le faire.

Je le laissai donc me guider vers le lieu où cette passion commune et charnelle allait voir le jour entre nos deux corps envieux de désirs. Bientôt, sous peu, il n’y aurait que Mikhail et moi et plus rien d’autre dans mes pensées et mon esprit. C’était ça, l’effet Uchinâ.

Je crois que c’est l’odeur du café qui me réveilla en premier. La douleur et mon mal de tête? Ils virent ensuite comme un camion qui se décida et sans aucun remord, de me rouler dessus à toute vitesse. Je me sentais lourd, terriblement lourd et lent. Un grognement échappa de mes lèvres alors que j’enfouissais mon visage dans l’oreiller. Je me foutais pas mal de l’heure qu’il pouvait être. Ma priorité était de trouver le moyen de me débarrasser de ma gueule de bois. Certes, ce n’était pas la pire que j’avais pu vivre, mais avoir la tête vrillée de douleur, ce n’était pas très plaisant. L’eau que j’avais pu boire au cours de la soirée et de la nuit entre les boissons avait au moins pu me laisser toute ma mémoire. Je ne m’étais pas complètement saoulé au final.

Je bougeai un peu en me rappelant petit à petit la soirée et la nuit. Je me rappelai où je me trouvais et surtout, dans le lit de qui j’avais passé la nuit et le matin. Je me redressai assez péniblement. Mes orbes cuivrés furent attaqués par un rayon de lumière provenant de la fenêtre. Je grognai de nouveau et fermai les paupières. Je finis par m’asseoir sur le lit et me mis à observer tout autour de moi une fois mes yeux de nouveau habitués à la luminosité ambiante.

Je tournai la tête vers la porte. Mikhail devait se trouver dans la cuisine. Il devait avoir des cachets contre le mal de tête et la caféine devrait peut-être aider pour me soulager aussi. Je me levai donc, nu, ne me souciant pas plus que cela de ma nudité. Je passai la tête par l’entrebâillement de la porte de la cuisine.

- Bonjour. Hm…Aurais-tu des cachets contre les maux de tête? La mienne va exploser.

J’entre finalement dans la cuisine et m’approche de lui. J’observe son corps et cette œuvre d’art que nous avons dessiné sur sa peau. La mienne doit être aussi bariolée de cette couleur rouge et violette tout comme de la voracité de mon vis-à-vis. Nous avons passé une nuit torride et folle et je n’ai aucun remord quant à cela.

Je croise les bras sur mon torse et après quelques secondes, je décide d’aller appuyer mon front contre lui. Il est plus grand, il fait un très bon appui front. Je ferme les yeux.

- J’ai tellement peu l’habitude de rester après l’intimité que je ne sais pas du tout quoi dire ou quoi faire. Tu veux que je parte ou que je reste peut-être?

Autant demander. On ne sait jamais. Peut-être que Mikhail n’avait juste pas eu le cœur de me mettre dehors ou qu’il s’était endormi avant moi? Peu importait. Je me sentais un peu débile d’être là dans sa cuisine à lui quémander des cachets alors que j’aurais pu être plus productif à autre chose. Ramasser nos vêtements par exemple?

- À voir l’ouragan qui est passé dans ton logement, cela risque de prendre un certain temps avant que je ne retrouve tous mes vêtements. N’est-ce pas?

- J’ai relativement bien dormi si ce n’est que je ne me souviens plus du tout lorsque je me suis endormi. Je devais être épuisé et j’en connais parfaitement la cause.

Pas besoin de passer par quatre chemins. Je savais ce à quoi nous avions passé le reste de la nuit. Mon corps en portait les marques et les couleurs. Je pouvais même ressentir ici et là quelques élancements, mais c’était gérable. Mon mal de tête l’était moins, cependant. Je ne pouvais pas être frais et pimpant comme un Picassaut après tout ce que j’avais consommé la veille et durant la nuit même si j’avais alterné avec de l’eau. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Enfin, je n’avais aucun regret alors, je n’allais pas délibérer là-dessus avec moi-même. J’étais adulte, point barre.

- Et toi? Le sommeil a été bon?

Retour de courtoisie alors que je le remerciais pour le cachet, l’eau et la nourriture. Je pris le verre d’eau et j’avalai le médicament sans aucune hésitation facilitant la descente avec un peu de liquide clair. Je déposai le verre sur le comptoir et jetai un coup d’œil vers les vêtements ici et là. Si Mikhail avait songé une seule seconde me foutre à la porte, complètement nu comme un Aspicot, il aurait été un homme bien vil et cruel, effectivement. Je lui fis un léger sourire et allai ramasser mon boxer que je trouvai près de l’entrée de sa chambre. Je l’enfilai rapidement question d’avoir un minimum sur le dos.

- Si je n’étais pas au courant de ce dont tu es capable quand tu te retrouve seul avec une autre personne, j’aurais pu te prendre pour un saint, Mikhail Reid. Cependant, nous savons tous les deux que tu penche beaucoup plus du côté pervers et sombre…dans l’intimité.

Je le taquinais un peu vis-à-vis de tout ce qu’il m’offrait après notre nuit charnelle. Antalgique, eau, petit déjeuner, douche et j’en passe. Un hôte exemplaire malgré qu’il n’ait pas l’habitude comme moi de garder ses amants auprès de lui jusqu’au petit matin. Je me mis à rire un peu lorsqu’il parla d’amitié et de lui demander si j’avais besoin de quoi que ce soit. Vraiment, hein? Je n’avais pas pour habitude de coucher avec mes amis, mais soit. Peut-être que pour lui, c’était coutume.

- Il n’y a rien de gênant, mais j’avoue que je n’ai pas pour habitude de coucher avec mes amis. Ce n’est pas plus mal en vrai. Je n’ai aucun regret et je ne dirais pas non à recommencer si je reviens dans les parages.

L’antalgique faisait son petit effet alors que ma tête retrouvait son état normal. Je me pris une rôtie et je la mangeai avec un peu de pâte à tartiner, terminant mon verre d’eau pour faire passer le tout. Je jetai un regard à mon ami d’enfance, me demandant s’il était culoté de lui proposer une douche à deux. Dans les faits, c’était quitte ou double.

- Si je prends une douche, tu m’accompagnerais? C’est un peu de ta faute si je suis dans cet état.

Mon sourire se fit légèrement plus taquin. Il n’y avait pas grand monde qui pouvait se vanter de me voir aussi joueur. Surtout sobre, en fait. Je crois que la seule autre personne qui m’avait déjà vu comme cela, c’était Nikolaï. Rien de moins puisque c’était mon meilleur ami et que nous avions vécus pas mal de choses ensemble durant notre adolescence et nos débuts d’adulte.

Je failli m’étouffer cependant quand l’Uchinien se mit à parler de ma sœur. Je le regardai interdit et je redéposai mon verre sur le comptoir.

- Okay, tu sais quoi? Je retire mon offre. Je vais aller prendre ma douche tout seul. L’adorable Hermes Umalei que je suis va s’occuper lui-même de ses propres choses et pour info, je ne suis pas SI petit.

Je grogne et je me détourne pour aller ramasser nos vêtements. Pourquoi est-ce qu’il ramenait Heramina dans la conversation, lui ?! Il n’avait quand même pas l’intention de lui raconter que j’étais à Uchinâ, hein? Malédiction sur lui s’il osait le lui avouer! J’allais en entendre parler si Mikhail s’ouvrait la bouche et je n’avais pas spécialement envie d’entendre ma sœur râler au téléphone. Erf.

Effectivement, Mikhail n’est plus le gamin qui j’avais connu dans mon enfance. Il était bien plus rayonnant, bien plus sûr de lui aussi. L’oisillon avait revêtu son plus beau plumage une fois adulte et révélé ses vrais couleurs. J’étais soulagé de savoir qu’il avait pu se reposer convenablement. Malgré tout, nous étions humains et nous avions besoin d’un minimum de sommeil pour être fonctionnel. Cela étant que c’était plus efficace sans un mal de tête. Le mien avait finalement disparu, mais avec les allusions à ma sœur aînée, je ne savais pas trop s’il allait revenir. Je ne voulais pas de prise de tête. Non, du tout.

Je me contentai de ramasser les vêtements sur mon chemin vers la salle de bain. Je ne voulais pas jeter de froid ou encore me retourner contre Mikhail, mais il abusait quand même un peu. Ma famille n’avait pas besoin de savoir tout ce que je faisais ou disais. Je ne les avais pas vu depuis onze ans et je me portais bien quand même. Nos relations restaient à distance, mais nous communiquions de temps en temps. C’était bien assez comme cela. Pour moi en tout cas. Je ne voyais pas la nécessité de perdre mon temps à Uchinâ avec ma famille alors que j’avais bien mieux à faire. Enfin, plutôt autre chose à faire. J’aimais tout de même les miens. Juste…que je n’avais pas la même image d’une famille heureuse.

Je ne répondis rien lorsque l’Uchinien me révéla l’emplacement des serviettes dans sa salle de bain. Il ne méritait pas un merci de ma part. Pas quand je le maudissais intérieurement. Je n’étais pas de très bonne foi avec lui, mais bon, je m’en foutais un peu. Ce n’était pas le genre de chose qui allait l’offenser. Surtout pas en l’entendant glousser. Rah…! En plus il trouvait la situation amusante? Vraiment! Une raison de plus pour lui faire la gueule et grogner de mécontentement!

Enfin, après quelques minutes et m’être installé prêt à aller à la douche, je soupirai en me passant une main dans les cheveux. J’étais débile. Je tournai la tête vers la porte, ne l’ayant pas verrouillé. J’entendis des coups légers sur le bois de la porte avant que la voix de Mikhail ne s’élève. Je laissai échapper un soupire en roulant des yeux. Ce qu’il pouvait être…idiot et craquant à la fois.

J’allais ouvrir la porte, de nouveau complètement nu face à lui. Mon regard cuivré se posa dans le sien et je le jugeai quelques secondes avant de pousser un peu plus la porte et de me mettre sur le côté.

- Il n’y a aucune chance pour que tu me fasses rester plus longtemps à Uchinâ si tu n’y mets pas plus du tien, mon Nirondelle.

Oui. Un surnom débile, mais très bien choisi quand même pour le décrire. S’il voulait jouer, j’allais aussi jouer. Ce n’était pas le temps de me prendre la tête vis-à-vis de ma famille. Et puis, la compagnie de Mikhail me permettait de ne pas penser à ce pourquoi j’étais venu me saouler dans mon district natal, à la base.

- Entre. J’ai besoin de quelqu’un pour me laver le dos et comme il n’y a que toi dans cet appartement, je te permets de te doucher avec moi.

Je le laissai là et me dirigeai vers la douche pour y entrer après avoir mis l’eau à une température convenable. J’allais commencer à me nettoyer et c’était à Mikhail de choisir ou non de me rejoindre. Il devait prendre la décision, moi je me fichais pas mal du résultat. Quoique…pas tant que cela non. Sa compagnie ne me déplaisait pas tout comme sa proximité.