J’avais reçu un message ce matin, alors que j’étais à peine sorti du lit, ayant joué à la console presque toute la soirée. Un jeu vraiment tout pourri en plus. Un genre d’otome-game qui se passe dans l’espace, très mal dessiné et… Je n’allais sûrement jamais relancer ce jeu, mais ça m’avait fait rire, tant c’était d’une qualité discutable.

Le message… C’était Haru. On ne se parlait pas trop souvent, et on s’était revu au parc d'attractions, la dernière fois. C’était bizarre, et j’appréhendais le contenu de son message. Surtout si c’est pour me poser des questions sur Hermes, avec lequel je n’avais pas de relations du tout. Cette pensée me mettait mal à l’aise. Je n’étais pas dans un mood de couple ou ce genre de choses. Même si mon cœur battait très vite pour pas grand chose, quand je réfléchissais, personne n’occupait vraiment mes pensées.

“Aïe !”

Mochi m’avait mordu les pieds en guise de protestation pour que je lui donne son petit déjeuner. De quoi me sortir du lit plus rapidement.

Après avoir nourri les… nombreux colocataires Pokémonesques que j’avais sous mon toit, je jetais enfin un œil au message de mon cousin. Il voulait que je l’aide avec son Pokémon. Une fée ? Une fée bourrine et future massacreuse de Corvaillus, oui. Mon père en avait une, mais elle était sage comme une image, ce qui n’allait pas forcément m’aider. De toute façon, ils ont tous leur petit caractère. Je le voyais bien, quand je rencontrais d’autres dresseurs de Trousselin qui me disaient : “Oh, non, il ne vole rien, il m’aide simplement à ne pas oublier mes clefs !”. Forcément, moi, je tombe sur un Pokémon avec des troubles kleptomanes.

“Arrête de bouffer mes pieds…!”

Et un Evoli hyperactif. J’étais à deux doigts d’ouvrir un hôpital psychiatrique pour Pokémon, à ce rythme-là.

Je finis par répondre à Haru qu’on pourrait se rejoindre aux Pâturages le lendemain, s’il était partant. On aurait un peu de marche, mais je ne m’inquiétais pas pour lui, il devrait s’en sortir largement, s’il avait survécu aux Sables d’Agates.

J’avais décidé d’y aller à vélo. C’était plus rapide, et les transports en commun avaient un effet soporifique sur moi. Je ne voulais pas encore louper mon arrêt et me retrouver dans un endroit incongru.

Lorsque j’aperçus la silhouette de Haru se dessiner au loin, je lui fis un signe, et dès qu’il fut plus proche, je ne perdis pas de temps et lui posai directement une question :

“Alors, comme ça… Elle a des problèmes de violences ? C’est fréquent pour cette espèce, apparemment, mais ça se travaille. Faut juste trouver ce qui pourrait la canaliser. Autre que fracasser des Scalpions et des Corvaillus.”

Le Gardevoir qui se tenait derrière moi était intrigué. il ne savait pas encore ce que j’attendais de lui. Allait-il devoir se battre ? Ou alors éduquer un Pokémon plus jeune que lui ? Il ne savait pas, alors il angoissait et se rongeait les ongles.

Haru s’approchait lorsque je lui fis signe. Il n’avait pas ses extensions, cette fois. Je n’avais plus l’habitude de le voir sans, mais je n’allais pas le dévisager plus longtemps, déjà qu’il me trouvait bizarre et adorait se foutre de ma gueule, autant ne pas tendre davantage le bâton pour me faire battre.

Donc il s’agissait bien de problèmes de violence. On allait passer une excellente journée ! Les Pokémons de ce genre, c’était toujours des plaies. Sans doute à égalité avec ceux du genre kleptomane, car on finissait également chez la police sans le vouloir, et contre toute volonté, aux pires moments possibles.

“Ah oui, donc il détruit tes meubles, déjà, c’est pas bon. Et... il est violent avec tes autres Pokémons ? Faudrait surveiller ça, qu’un accident n’arrive pas…”

Je savais que les Pokémons n’étaient que très rarement violents par pur plaisir, sauf quelques exceptions qui fonctionnaient comme ça, car il y en avait toujours pour contredire des règles générales. Dans le cas des Forgella… Bon, la violence faisait partie de leur lifestyle, pour citer un certain influenceur. Mais je voulais croire que domestiqué, ils pouvaient se tenir sages.

Haru me confia ensuite qu’il avait peur. Peur. Un sentiment que beaucoup avait depuis le Grand Désastre. Mes parents se battaient pour que la peur ne soit plus un sentiment généralisé. La peur des Pokémons, j’entends. De mon côté, je n’avais jamais vraiment eu peur de ces derniers. A moins qu’ils attentent directement à ma vie, mais ça valait comme pour les Humains. Il faut dire que je jouais avec le Spiritomb de mon père quand j’étais petit. Bizarrement, ça rend insensible à certaines phobies…

“C’est… bizarre ce que je vais te demander mais… Tu as peur des Pokémons qui ressemblent à des bêtes sauvages ? Joy ressemble à une machine, et les machines, elles ont été créées par l’Homme. Donc elles sont contrôlables. Les Pokémons sauvages, eux, sont imprévisibles, et pour les plus féroces, ils sont nos prédateurs naturels, en milieux hostiles. Ce n’est plus le cas depuis qu’on a créé des outils, je vais pas te refaire un cours de Préhistoire, mais on a toujours des peurs inconscientes, c’est naturel.”

Il devait y avoir autre chose qu’une simple histoire de cerveau reptilien. Je me rappelai soudainement cet incident. Avec le Blizzaroi. De quoi le refroidir, si j’ose un jeu de mot. Que je n’osai finalement pas à l’oral.

“Et puis, vu tes antécédents, ça prendra peut-être du temps avant que tu fasses confiance à Pokémon. Puis, je pense que montrer ta peur, ça peut perturber un Pokémon turbulent. Ils ressentent beaucoup nos émotions.”

Je fis signe à Sweet de se rapprocher. Je m’agenouillais pour me mettre à son niveau et lui tendis la main. Si jamais elle se montrait hostile, Naito attaquerait automatiquement. Et dans le cas contraire, je tenterai juste de communiquer avec et de comprendre son caractère. Déjà faire connaissance était un grand pas.

“Salut, Sweet ! Est-ce que tu as envie de te défouler un peu ? Je te laisserai te déchaîner si tu en as besoin, mais il faudra que tu me promettes d’écouter les ordres de ton dresseur.”

Un compromis, ça marchait aussi bien sur les Pokémons que les Humains un minimum censés.

Je m’étais aventuré sur un terrain bien trop glissant. Vous savez, le genre de pentes qu’on trouve en montagne, là ? Impossible à grimper sans se casser la figure, mais qu’on essayait tout de même, au cas où ça passerait. Parce que c’était exactement ça. Parler de ce tragique incident n’avait pas été une bonne idée. J’avais voulu me montrer compréhensif, empathique. Mais ça ne marchait pas forcément. Il avait pris la mouche. J’avais du mal à soutenir son regard plus longtemps.

“Je… Non. D-désolé.”

C’était tout ce que j’avais réussi à dire. Inutile de me justifier, je n’avais pas envie de m’enterrer encore plus si je commettais une autre erreur. Je repris discrètement mon souffle avant de me montrer un peu plus adulte que ce que j’affichais quelques secondes auparavant.

“C’était maladroit. Je voulais juste essayer de…”

Te comprendre et essayer de t’aider.

Mais ces mots ne voulaient pas sortir. Il ne voulait peut-être pas d’empathie, ni d’aide. Je devais arrêter de me mêler des émotions des autres. Pour leur bien et pour mon propre bien aussi.

“...t’aider à progresser.”

Je n’avais plus envie de revenir sur ce sujet, maintenant. De toute façon, il n’en avait pas spécialement envie non plus, et je ne voulais pas envenimer nos relations déjà… moyennes ? Bof-bof. Pas la joie, on va dire. Même si nous n’étions pas en conflit, c’était bizarre.

La Forgella était d’accord pour se battre. Elle avait l’avantage du type sur mon Pokémon, et ça, Naito le sentait. Il était à deux doigts de la panique généralisée en voyant l’immense marteau du Pokémon. il ne devait pas se douter qu’en évoluant, le marteau serait plus énormissime encore. Je me gardais de l’avertir, voulant éviter qu'il ne s’évanouisse avant le début du combat.

“D’accord, Sweet’. Laisse Haru guider tes actions. Tu peux lui faire confiance, il se soucie de ton bien-être. C’est un bon Dresseur.”

Je disais surtout ça pour convaincre le Pokémon, même si lancer des compliments gratuitement me mettait assez mal à l’aise.

“Haru, tu es prioritaire, d’accord ? Mon Gardevoir va surtout encaisser les coups et essayer d’esquiver. Il attaquera que s’il en a besoin.”

Gardevoir qui était pâle. …Comme d'habitude, puisqu’il a la peau blanche, vous me direz. Mais le voilà qu’il reculait, se mettant en posture défensive, en luttant pour ne pas fuir en bas des Pâturages.

J’énervais souvent les gens, ces derniers jours. Sans le vouloir spécialement. Je me demandais ce qui clochait chez moi. Alors que je n’étais peut-être pas forcément responsable des humeurs de chacun. Trop intrusif ? Oui, c’était peut-être ça. Je devais me mêler de mes affaires et arrêter d’essayer de donner des conseils, si c’était pour qu’ils soient toujours refusés et mal pris. Tant pis.

Ne plus rien essayer du tout… Et pas besoin de moi ? Je fronçais les sourcils. J’étais patient et compréhensif, mais mon sang ne fit qu’un tour.

“Si tu n’as pas besoin de moi, apprends à gérer tes Pokémons tout seul, ça nous fera gagner du temps à tous les deux. Puis, c’est toi qui m’as demandé de l’aide en premier lieu, non ?”

Je n’avais pas spécialement haussé le ton. Juste donné le fond de ma pensée à mon cousin qui partait au quart de tour. Il allait pas bien, lui… Personne n’allait très bien autour de moi, c'était assez déprimant ! Je ne voulais pas en faire les frais. Juste profiter de mes vacances, c’était possible ?

Bien évidemment je n’allais pas partir. J’allais continuer à l’aider, même si j’étais assez tendu. Un jour, peut-être que ça m’arrivera aussi, de tomber sur des adversaires insupportables. Et je ne pourrai pas quitter mon arène comme ça et annuler le combat.

Le combat, de toute façon, il commençait. Et j’avais déjà compris ce qui n’allait pas, hormis sa peur des Pokémons. Sweet avait attaqué sans recevoir d’ordre. Ce qui prit de court Naito qui se contenta d’encaisser en serrant les dents, reculant en frissonnant. Il ne rattaquait pas de suite, parce que je ne le lui avais pas demandé. J’allais devoir mettre le combat en pause, surtout lorsque Haru s’énerva de plus belle.

“Euh… écoute… Tu devrais lui parler autrem-...”

Il donnait des ordres, maintenant, me prenant de court. Bon, je n’allais rien dire pour l’instant. Je regardais Naito, comme pour lui faire comprendre d’encaisser comme il le pouvait, malgré sa phobie des marteaux tout récemment découverte.

“Non, rien, en fait ! Bon… Feu Ensorcelé ! Pas trop fort, quand même, sinon elle va pas apprendre…”

Essayant de contrôler ses flammes, le Gardevoir visa le Pokémon rose - et surtout son marteau, en fait, comme s’il était l’unique possesseur du type Acier.

J’avais un peu laissé tomber l’idée de débattre avec Haru, n’ayant pas envie de me fatiguer pour rien. Il avait mauvais caractère - et c’était un trait de famille, que je n’avais pas forcément - donc je devais faire avec.

L’autorité me mettait un peu mal à l’aise. Certains dresseurs pensaient que c’était comme ça qu’il fallait faire, pour qu’un Pokémon obéisse au doigt et à l'œil. De mon côté, mes ordres envers Naito était plus doux, encourageants. Il faisait de son mieux pour encaisser les capacités de type Acier, bien que j’ai pu percevoir régulièrement une sacrée inquiétude émanant de lui. Normal, l’espèce était assez crainte.

Les capacités de Naito n’était pas très efficaces, je le savais. En même temps, ça n’était pas le but. Pour autant, la fée au marteau avait fini par s’évanouir de fatigue. Naito était également éreinté de son côté, bien que ça soit davantage de l’ordre psychologique. Le marteau lui avait donné beaucoup de sueurs froides (ainsi que des bleus).

“On va s’arrêter là ! On pourra reprendre un autre jour, si tu veux.”

J’avais du mal à lui expliquer qu’il était trop dur avec ses Pokémons, et qu’il devait davantage les considérer comme des êtres à part entière plutôt que des soldats qui obéissent corps et âme sans réfléchir. J’avais peut-être aussi la flemme de débattre avec un cousin qui potentiellement n’écouterait rien…

J’étais pour le coup assez surpris. Il ne voulait plus entendre parler de la famille, aux dernières nouvelles, et… là, il souhaitait que je lui donne des nouvelles, justement.

“Tu sais… On est pas vraiment très proches d’eux, à la base. Puis… tu vois mes parents. Ils sont un peu à part et critiqués. Tes parents, de fait, je ne les vois pas très souvent. Ils ont l’air de vivre leur vie, je dirais. Comme ils le peuvent. Je suis certain que tu leur manques, cela dit. Malgré tout ce qui a pu se passer, les liens familiaux, c’est compliqué.” Je marquais une pause. “Fais ce qui est le mieux pour toi, concernant tout ça.”

Je n’allais pas lui dire de reprendre contact. Je ne connaissais pas toute l’histoire. Et encore moins son point de vue. Je savais que parfois, la famille pouvait être source de destruction de malheurs. …Pas pour moi, et heureusement. Mais je n’étais pas tout le monde.

Le combat était déjà fini. De toute façon, Naito était tellement dans un sale état d’angoisse qu’il n’allait pas tenir plus longtemps sans faire une crise de nerfs. Je le fis donc retourner dans sa Pokéball, afin qu’il s’y repose et arrête de psychoter sur le marteau de fortune de la Forgella.

“Tu me préviendras, je suis assez disponible, maintenant ! Avant septembre, en tout cas.”

Là, je n’avais pas grand chose à faire à part corriger des partiels, aller quelques fois à mon arène pour vaquer à mes occupations de champion et… Sinon j’étais assez disponible, même si je trouvais toujours de quoi remplir mes journées, au final.

“Euh, oui, fais comme tu le sens, c’est ton choix.”, haussais-je les épaules sans trop vouloir insister, puisqu’il allait sans doute encore vouloir me sauter à la gorge. “D’accord, fais attention à toi, c’est escarpé, par ici ! Content d’avoir pu au moins t’aider un peu, en tout cas. Prends soin de toi et n’hésite pas si tu as besoin de moi. Peu importe la raison. On est une famille.”

C’était un peu gênant, car on ne se connaissait pas tant que ça, mais je préférais lui dire. J’avais envie d’apprendre à le connaître davantage. Espérons que le temps fera les choses !