Chaud. Beaucoup trop chaud.

J’avais du mal à penser à autre chose qu’à la chaleur étouffante de Kalahari. Surtout quand on sortait de la ville sous-terraine. C’était le seul endroit supportable, pour un habitué des grands froids. Je n’avais jamais mis de vêtements légers de ma vie, si ce n’est seul dans mon appartement.

Le seul effort que j’avais pu faire, c’était de porter un pantacourt, un T-shirt, mais avec une chemise à manches mi longues par dessus pour ne pas trop montrer mes bras. Des vêtements légers, mais probablement pas assez, vu le climat. Je protégeais également mes yeux clairs de lunettes de soleil rondes jaune et rose, pour ce qui était des verres. Tous ces vêtements colorés de teintes pastel n’avaient plus rien à voir avec mes tenues plus grises et austères que je portais pour travailler. Et cela me faisait un bien fou de retrouver mon style, ces dernières semaines…

Ayant tartiné ma peau blanche de crème solaire, j’étais tout de même sorti pour participer au festival. C’était la moindre des choses, pour un champion. Et pour un amoureux des combats Pokémons, aussi.

J’étais passé aider à créer des boissons, et avais pu en boire quelques-unes d’entre-elles, sans alcool. Pourquoi ? Parce que je ne tenais pas la boisson. Et parce qu’avec la chaleur, j’allais rouler par terre. En plus, mon visage commençait à être connu, et on me demandait souvent des photos, autographes… La honte totale. Ma timidité ne prenait un coup.

Suivi de très près par Mochi, mon Evoli aux couleurs de fleurs de cerisier, nous nous dirigions vers le stand de création et de lancement de feux d’artifice. Une alternative écologique et biodégradable, en plus ? En tant que scientifique, ça m’intéressait beaucoup.

Une physionomie lugubre que je connaissais déjà attira mon regard. Ce policier… Je l’avais déjà rencontré. Cette fois-ci, pas d’imper’ en vue, et heureusement, vue la chaleur… En espérant qu’il soit moins louche que la dernière fois.

Merde, je crois qu’il m’a vu ! Je ne pouvais plus reculer. Je devais prendre une grande inspiration et aller le saluer, maintenant…

“Euh, bonjour, Vitaly. Je ne pensais pas que tu serais appelé à surveiller le coin aussi… Ça change vraiment de Bedwyr, le climat. Tu arrives à supporter, toi ?”

Une conversation des plus banales pour cacher mon manque d’aisance envers cet individu, tandis que Mochi, tout le contraire de moi, se frottait amicalement aux jambes du policier en y laissant plein de poils roses. J’espère qu’il aime bien la couleur…

La conversation commençait assez banalement. Les salutations, suivies des habituels “comment vas-tu”... Rien d’anormal, en soit. Mais au moins, je pus apprendre que tout comme moi, le Bedwyrois ne supportait pas trop la chaleur. Je laissai échapper un rire poli lorsqu’il parla de programmation génétique. La biologie, c’était mon domaine, donc j’en savais quelque chose.

“Tout va bien de mon côté, j’attends la validation de ma thèse qui devrait arriver cet été ! Sinon, concernant la chaleur, c’est une question d’habitude. On s’adapte très vite à notre milieu. Bien qu’il y ait une part de génétique, comme tu dis.”

Comme j’étais Tôkanois, je résistais par contre très bien aux températures extrêmement froides. Bon, je ressentais quand même le grand froid, je n’y étais pas immunisé, non plus, ce serait surhumain.

J’étais un peu embarrassé lorsqu’il fit un commentaire sur mon Evoli chromatique. Parce qu’il considérait que j’étais également chromatique, et c’était un peu étrange d’attribuer cet adjectif à un être humain.

“Euh… Oui… On peut dire qu’on est assorti. Je me demande comme il sera lorsqu'il évoluera, pour le coup… Tant de possibilités !”

Je voulais qu’il devienne un grâcieux Nymphali. Nymphali qui était déjà rose. S’il devenait normal, et non chromatique en évoluant, j’allais être déçu…

Vitaly était vraiment différent des autres policiers que je connaissais. Layla et Sûrya étaient tellement plus sérieux, même en situations de la vie quotidienne. Comme quoi, son travail ne lui collait pas forcément à la peau, à ce Vitaly Osborne…

“Ahahah… Ouais, parfois les profs de l’Académie sont trop vieux pour exercer, et ils vivent un peu en dehors des nouvelles découvertes et recherches.”

J’étais quand même un peu gêné qu’il parle aussi mal de mes aïeux, puisqu’ils restaient de grands puits de sagesse, malgré leur pied déjà presque dans la tombe.

“Oui, mon père m’a appris à en faire avant que je vienne ici. …L’ancien champion de Tôkan.”

Je précisais, car il était assez connu que j’avais non pas un, mais deux parents de genre masculin. L’autre était historien. Autant préciser le quel des deux m'apprenait à faire des choses dangereuses.

“On doit mettre des lunettes de protection et des gants. On sait jamais. Mais tout est étroitement surveillé et sécurisé. Il faut juste suivre les indications et ça devrait aller.”

J’allais éviter de lui dire que je faisais souvent exploser des choses, en cours de physique-chimie, et que c’était pour cette raison que je m’étais orienté vers la biologie, plutôt. Je n’étais pas si nul, tout de même.

Je me servis suffisamment en poudre noire (enfin, son équivalent moins polluant) et commençai à la peser avec précision, très méticuleusement, comme si je menais une réelle expérience.

“Et toi, tu sais comment faire ? Au pire, il y a écrit, sur la table. C’est très simplifié. Il y a aussi les éléments à ajouter pour mettre de la couleur, regarde ! Chlorure de cuivre pour le bleu… Logique, oui.”

Logique pour un scientifique, en tout cas.

Je rougis légèrement. L’appellation de docteur, ça me faisait bizarre. En même temps, j’avais travaillé dur pour ça, je ne devais pas être autant embarrassé. C’était plus fort que moi. “Euh, merci, je suppose ? Je suis pas encore fait à cette idée, et je n’ai pas encore mes résultats ! Enfin, je te tiendrai au courant, si ça t’intéresse.”

Et si ça ne l’intéressait pas ? J’aurais l’air bête, ou alors d’un vantard. Ce que je n'étais pas du tout. Heureusement, nous avions changé de sujet. Parler des évolutions d’Evoli, c’était moins stressant, d’un coup. Je réfléchis un petit instant avant de lui répondre :

“Noctali ? Je me disais justement que ce serait idéal pour toi. Durant les horaires de nuit, c’est pratique, car il se débrouille bien… Ou sinon, Mentali. Il peut prévoir les mouvements de ses adversaires. Pas mal, pour appréhender les délinquants, non ?”

En tout cas, c’était mon avis. Il fera bien ce qu’il veut avec son Evoli, s’il en possède un, un jour. De mon côté, je laissais mon Pokémon vivre dans l’insouciance, puisqu’il était jeune. On verra bien plus tard !

J’étais un peu gêné, d’avoir avoué que mon père m’apprenait à faire péter des trucs. On allait le prendre pour un terroriste, alors qu’à ma connaissance… Il était bizarre, mais ça allait. C’était une bonne personne, malgré ses airs froids et distants.

Maintenant parés de nos matériels de protection, nous commençâmes à suivre les indications. Si Vitaly était plutôt vocal, lorsqu’il travaillait, de mon côté, j’étais concentré et silencieux. Je ne voulais pas risquer de tout faire péter. Même si logiquement, ça ne pouvait exploser qu’en mettant le feu aux poudres…

Je sursautai lorsque Vitaly cru faire une gaffe. Je n’avais pas fait de bêtises, de mon côté, encore heureux. Peut-être avait-il besoin d’aide ? “Tu… T’en sors ? C’est assez méticuleux, même si c’est simplifié.”

J’hochais la tête lorsqu’il m’avoua sa satisfaction au sujet du festival. C’est vrai que c’était plaisant, cette amitié entre districts. J’espérais que ça dure, et que les effluves de conflit allaient s’estomper, un jour. Même si c’était compliqué, vu les différences de mentalités et d’intérêts.

“Euh, oui, tu peux faire différentes formes, mais faut pas que ça aille trop dans le détail, comme ça va se diluer dans le ciel, en quelques sortes ! Tu as prévu quoi ?”

De mon côté, une simple tête d’Evoli rose, ainsi que des étoiles blanches pour l'accompagner. Un petit hommage à mon Pokémon chromatique, en fait ! J'aurais bien voulu faire la tête de Giratina, mais c'était compliqué, en plus d'afficher ma fascination étrange pour ce dernier... Ouais, la honte.

Bon, eh bien… je crois avoir terminé. Je suais également à grosses gouttes, tandis que je refermais le tube.

“Moi aussi ! C’était plutôt facile, en fait. J’ai hâte de voir ce que tu as conçu. La zone de lancement est derrière, là-bas.”, lui montrais-je en m’y dirigeant, assez enthousiaste.

Assez étonnant que ça l’intéresse, mais ça n’était pas plus mal. Est-ce qu’on pouvait se définir comme amis ? Non, peut-être pas. C’était trop tôt pour ça, vu qu’on ne se connaissait pas tant que ça. Enfin, sa compagnie ne me dérangeait pas vraiment. Même si… Il était très différent de moi, pour ne pas dire bizarre. J’étais bizarre aussi, d’un certain point de vue, alors je n'allais pas trop prendre ça en compte. Il avait juste euh… la langue bien pendue en toute situation.

…Comment ça, ne pas rougir pour ça ? Mes joues étaient encore plus rouges qu’avant. Il… il me draguait ? Je n'avais pas eu de relations depuis plusieurs mois, alors je ne savais pas trop comment réagir, si je n’est que d’un rire gêné et de…

“Euh… je… Ahahah… Tu… tu n’as pas déjà quelqu’un ? Je… je veux dire… Je t’imaginais en couple ou quelque chose comme ça.”

Et là, si ça se trouve, il ne me draguait pas du tout, et j’aurais l’air extrêmement con. Je n’étais pas intéressé, de toute façon mais… Qu’est-ce que j’étais nul, j’avais envie de m’enterrer dans le sable, maintenant.

Parler de Pokémon me permit de me détendre un peu. Juste légèrement. Il fallait que je pense à autre chose, sinon j’allais m’évanouir de honte.

“Ah, oui, les Mentalis sont diurnes, ils dorment donc la nuit. Les perturber dans leurs habitudes, c’est pas bon. Si tu travailles beaucoup de nuit, un Noctali serait mieux, non ?”

Après, les individus d’une même espèce pouvaient être si différents qu’il était difficile de prévoir. Il ne fallait pas faire de généralités.

“C’est mieux de commencer simple, tu as raison.”, affirmais-je, craignant de paraître prétentieux, puisque j’étais allé dans le détail, de mon côté. J’aurais dû faire comme lui… Pour ne pas attirer l’attention. Mais trop tard. “Le mien possède quatre couleurs, donc ça devrait être identifiable…”

Maintenant, on était sur le point de lancer nos fusées. C’était le moment que j’aimais le moins, puisque j’avais peur que ça m’explose au visage. Enfin, il n’y avait pas vraiment de risques, à priori. …De mon côté, en tout cas. Je ne pouvais pas m’empêcher de vérifier ce que faisait Vitaly, dans le doute. Pas qu’il soit incompétent mais… c’était sa première fois.

“Feu !”, déclarais-je joyeusement en même temps que le policier, mais en ne gueulant pas.

Son cercle était plutôt bien réussi. J’espérais que personne ne voit mon Giratina plein de détails, parce que je n’avais pas envie qu’on me pose de questions. Encore, ça n’était pas comme si j’avais écrit dans le ciel : “Fuck Bedwyr”. …Mon père en aurait été capable. Une chance qu’il déteste la chaleur plus que moi et soit resté à Sunoh.

“On s’en est bien sortis ! Tu veux recommencer ? Sinon, on peut toujours se poser et boire un verre. Il fait tellement chaud…”

Pitié, qu’il ne croit pas qu’il s’agisse d’un date, parce que je ne savais absolument pas pourquoi je l’invitais à boire, là. J’étais en mode automatique, et ça ne me plaisait pas trop.

Il était beau, et avait des cheveux blonds. C’était plutôt populaire, non ? Enfin, moi, je le trouvais beau, même si je n'avais pas spécialement d’attirance pour lui. Par contre, il avait le don de me mettre mal à l’aise et de me faire bégayer. “Je… Je ne peux pas deviner, mais… Je pensais que tu l’étais, du moins… ça ne serait pas étonnant !” Contrairement à moi qui suis célibataire, et je pense que ça se voyait à des kilomètres, ahahah… De toute façon, étant champion, mes relations futures allaient forcément se savoir très vite. Ce qui allait être très gênant, maintenant que j’y pense.

…Alors là, je perdais pied. Que pouvais-je lui répondre…?

“Non, euh… rien. Je me fais sûrement des idées, vraiment, n’insiste pas plus !”, tentais-je en espérant changer complètement de sujet. De toute façon, dévier sur les Evolis, c’était déjà beaucoup plus dans mes cordes.

Nous étions maintenant au lancement de nos fusées. J’étais à la fois fier et honteux. C’était vraiment embarrassant, et j’évitais au maximum le regard du blond, puisqu’il allait sans doute ne pas tarder à me question sur… tout ça. Mais en fait, il ne dit rien du tout, ce qui me rassurait beaucoup. Il souriait en plus ?! Il y avait peut-être même un espoir qu’il apprécie Giratina… Mais je n’allais rien lui demander. Trop bizarre à poser, ça, comme question. Il allait croire que je suis un cultiste emo qui fait des rituels maudits dans sa cave. …Je l’avais déjà plus ou moins tenté à l’adolescence, mais n’en parlons pas plus.

“On peut collaborer pour la fusée, si tu veux ! Tu peux faire la tête et moi le corps… T’as une idée précise ? Autant faire un truc qui te plaît à toi ! Moi j’ai déjà fait ce que je voulais avant. Et… euh… T’en as pensée quoi…?”, tentais-je timidement.

C’était gentil de sa part de me proposer à boire ! Mais… Sex on the Beach ? Sérieusement ? Non, Niko, ne rougis pas… Il s’agit d’une blague. Pas de drague. Autant répondre en riant un peu… ça me décoincera.

“Plutôt un Sex in the Desert, si on veut être plus approprié, ahah…” Oulah. C’était tellement nul comme réponse, ça. Je renchéris sur ce que je voulais vraiment, honteux de ma tentative d’humour grivois qui ne me ressemblait pas vraiment. “Un Caïpirinha Framby ? J’ai vu quelqu’un en prendre, et ça a l’air bon ! J’espère que ce n’est pas trop alcoolisé…”

Je ne tenais pas l’alcool, encore moins sous plus de 35 degrés en plein Soleil. Un climat apparemment doux pour les Sables d’Agates… Quelle horreur. Je comprenais pourquoi Lapis-Cité était sous-terre. Pour SURVIVRE, notamment.

“Ah ? Oh… Santé, dans ce cas ! Je te remercie. Je te dois combien ? Je… ça me gêne un peu qu’on m’invite.”, avouais-je en regardant le fond de mon verre avant de tremper mes lèvres dedans. “Pas mal, oui ! Je suis pas déçu.” En plus je ne sentais pas l’alcool, comme c’était très sucré. C’était très traître, et ça, je ne le savais pas encore. Alors je buvais assez vite, en ayant l’estomac pas vraiment rempli.

Je me demandais ce qu’on allait faire comme artifices, pour la suite. Je me rapprochais de la table de confection, commençant à avoir les yeux embrumés. “O-oulah. La chaleur me tape fort sur la tête, on dirait.”, essayais-je de justifier.

Se demander en silence… c'était peut-être pire encore, car je ne pouvais pas savoir ce qu'il se passait dans son cerveau. Sans doute rien de très grave. Il était un peu déjanté mais loin d'être méchant et malsain. Je n'avais pas à m'en inquiéter. Même si son imper ne m'avait fait me poser quelques questions, la dernière fois… Mais autant oublier. C'était une bonne connaissance maintenant.

Maintenant… ma représentation pyrotechnique. Je rougissais un peu, mais j'en étais fier. J'avais pu prendre une photo rapidement. J'allais l'envoyer à ma sœur plus tard pour lui montrer. C'était elle qui m'avait initié à cet amour inconditionnel pour Giratina.

"Je… n'en parle à personne mais… j'ai quelques petites choses, en effet. C'est… très mal vu."

J'avais bien plusieurs peluches dont une taille… pas réelle, non plus, mais assez grande pour prendre la moitié de mon lit double. Ça va que j'étais célibataire. Elle serait compliquée à cacher. J'avais aussi… un nœud papillon. Fait main aussi. Parce que je confectionnais tout moi-même. C'était impossible d'avoir de la merch' à l'effigie du maître des Distorsion.

"P-pourquoi cette question ? Tu…"

J'hésitais à lui demander si c'était aussi le cas pour lui. Auquel cas je le montrerai bien plus détendu et décomplexé. Littéralement une autre personne, ou presque, car on était quand même en public.

En tout cas, je l'avais fait rire, ce qui m'avait beaucoup étonné.


"D'accord ! Je ne pense pas reprendre de l'alcool ensuite… on verra bien ! Je ne voudrais pas trop abuser."

Si je faisais tout péter ensuite, j'allais nous mettre en danger. Il fallait que j'ai l'esprit clair et conscience de mes mouvements. C'était impossible d'être trop relâché quand on jouait avec le feu. Sans mauvais jeu de mots.

J'avais pourtant déjà la tête qui tournait un peu. Et une certaine envie de faire des folies de tout genre. Mon cerveau fulminait à vive allure. Tant de possibilités… Un Victini provocateur ? Non, ce serait trop risqué, et on allait me suspecter alors que je n’ai rien à voir avec le groupe Victini…

Oh. Je sais. Espérons que ça plaise au policier. Il n’était pas trop strict et sévère comme on pouvait se l’imaginer, quand on ne fréquentait pas de flics dans la vie privée. Alors je me lançais. Pas de témoins… ça ne pouvait qu’être amusant. Amusant, parce que j’étais désinhibé et que j’emmerdais actuellement la bienséance. Je… je voulais m’amuser. Fini d’être sage et de montrer l’exemple !

“J’ai une idée en tête. Mais je parie que t’es pas cap de lancer ça.”, lui dis-je d’un petit sourire mesquin et taquin. “J’ai quelques comptes à régler avec l’Académie qui… on va dire… a essayé de me persuader que mon sujet de thèse était voué à l’échec. Je voudrais que ce feu d’artifice signifie clairement que je les emmerde et que je fais ce que je veux !”

Terminant ma boisson et décalant mon verre un peu plus loin, mes mains commençaient à travailler d’elles-mêmes. Du jaune, principalement. La couleur de Créhelf. Le symbole de l’Académie.

“Créhelf qui fait un doigt d’honneur. C’est pas bien méchant, mais assez pour faire passer le message. Les gens croiront que ce sont des étudiants de l’Académie de Kalahari qui l’ont lancées, pour critiquer l'Académie Uxie. Y’a une grosse rivalité entre les deux écoles !”

Je devais avoir l’air d’un savant fou, avec mes yeux brillants et mon sourire malicieux. Mon père serait fier de moi. Premier degré. J’allais aussi prendre ça en photo, si j’avais le temps. Faudra être rapide !

Ses parents avaient deux gravures ? Et c’était pour effrayer les personnes avec qui ils avaient des accords ? De la dissuasion, donc ? Utiliser Giratina pour la dissuasion, ça marchait bien sur beaucoup de personnes. Mais je le trouvais bien moins flippant qu’Arceus, pour être honnête. Je l’associais à une figure autoritaire et sans pitié. De toute façon, pour avoir banni Giratina, il devait avoir un gros complexe d’infériorité par rapport à lui… Je dis ça, je dis rien.

“Ma famille… Elle ne vénère pas spécialement un Pokémon en particulier, mais je sais qu’ils admirent beaucoup le Quatuor de la Création. D’un aspect aussi bien historique que religieux. Il y a juste ma sœur qui travaille au Grand Temple de l'Équilibre.”

Je marquai une pause. C’était assez rare de vénérer les Pokémons, à Bedwyr, alors je trouvais impressionnant que sa famille soit à ce point pieuse. Pieuse de Giratina, qui plus est. Ce que… j’avais ? J’étais assez embarrassé d’en parler, mais il ne me jugerait probablement pas. Au pire… je prétendrais qu’il a tout inventé, s’il en parle à qui que ce soit.

“Principalement du fait main… Des peluches, des figurines, des vêtements… Des bijoux, aussi.”, choses que je portais parfois dans mes jeunes années à l’Académie, avant que je ne devienne adulte. J’étais encore jeune, mais je devais être sérieux, en tant que professeur. Un minimum pour que mes collègues m’estiment et me respectent. Je n’étais ni complètement Bedwyrois, ni complètement Tôkanois. Ce qui faisait de moi un genre d’étranger, pour Bedwyr. C’était aussi à moitié le cas à Tôkan, en réalité. Je devais toujours faire bonne figure, surtout avec mon rôle de champion.


L’alcool était monté, et mes idées avaient explosé dans un élan d’euphorie. J’étais encore plus motivé à en voir l’expression faciale du blond. On allait faire une œuvre d’art inoubliable. Controversée, peut-être, mais les meilleures œuvres l’étaient toujours un peu, n’est-ce pas ?

“M-moi ? Psychorigide ? Ah ! T’es rude ! Timide, je veux bien le comprendre, je le suis mais… Ouais, on va me venger ! NOUS venger ! Toi aussi, je parie que tu en as, des choses à reprocher à une institution !”

Et s’il avait besoin de m’en parler, je serais prêt à l’écouter et à bitcher avec lui. C’était ce que je faisais avec mes très proches amis, en général, mais j’allais faire une exception pour le policier. Il était si différent de Sûrya qui n’avait pas trop aimé que je critique Bedwyr, même s’il partageait mon avis. Lui, il était coincé, pas moi ! Je m’en voulais un peu de penser ça. Je l’appréciais et avais beaucoup de respect pour lui, tout de même.

Nous étions religieusement (et scientifique) concentrés - aussi bien que deux jeunes hommes sous les influences de l’éthanol, en tout cas - sur notre tâche. Moi, j’étais un vrai spécialiste des couleurs, et j’agissais presque comme un décorateur d’intérieur, ou une Cristina Cordula des feux d’artifice en critiquant certaines teintes sans me gêner.

Essuyant quelques gouttes de sueur qui perlaient sur mon front d’un revers de manches une fois le travail terminé, je souris fièrement à Vitaly en levant le pouce vers le haut. Maintenant, fallait partir, et sa main sur mon bras réactiva mes meilleurs réflexes de fuite.

Une fois éloigné, j’activais l’option vidéo de ma montre-hologramme et attendis que tout pète pour capturer ce moment magique afin de le montrer à ma famille plus tard, si j’assumais toujours à ce moment-là. On était des vrais gamins, en fait.

“On est les boss. Personne ne se doutera jamais que c’est de nous !”

Et là, je me mis à rire sincèrement, même si ça ressemblait peut-être un peu à un rire de méchant cliché de dessin animé.

Me calmant un instant, j’entendis des étudiants Kalahariens discuter, approuvant joyeusement la fusée, persuadé qu’un de leur camarade était sur le coup. Evidemment, je n’allais rien dire du tout. C’était notre petit secret.

Je commençais à beaucoup apprécier Vitaly. Déjà parce qu’il n’avait émis aucun jugement au sujet de… mon admiration presque religieuse pour Giratina. En plus, comment ne pas apprécier quelqu’un qui arrive à constater que je savais faire des choses ? Généralement, on me voyait comme un no-life qui ne pensait qu’à ses études. C’était… en partie réel. Mais pas que ! Maintenant que j'en avais fini, j’allais reprendre mes passions à fond. L’alcool m’aidait à me motiver. J’avais envie de sauter partout comme un enfant qui aurait mangé trop de sucre.

Si je me sentais timide ? Je ne savais pas trop. Peut-être un peu dans un premier temps, parce que parler à des inconnus ou des personnes que j’admirais énormément me mettait beaucoup de pression. Une fois cette barrière dépassée… Non, je ne l’étais plus. J’étais toujours à avoir les joues rougies pour des raisons assez bêtes. Surtout avec Hermes, en fait. Mais en même temps, la pudeur et lui, ça faisait deux. Penser à lui rendit mes joues à nouveau rouges. C’était mon aîné à l’Académie. Un très bon ami, maintenant. Je ne savais pas ce qui me prenait, d’avoir des pensées… comme ça. Je préférais ne pas creuser plus. Je devais avoir les hormones en ébullition. Normal, j’avais tout laissé de côté pour finir mes études sans distraction… Mais stop. C’était trop bizarre.

“O-ouais, on va dire que je le suis un peu, mais c’est pas maladif non plus… Sinon je serais dans la galère pour donner mes cours.”

C’était difficile, au début, et j’angoissais avant chaque début de cours. Mais une fois lancé… C’était assez naturel pour moi. Mes deux parents étaient plus ou moins professeurs, même s’ils avaient un public plus restreint. Être professeur de stratégie ou historien dans une petite ville comme Sunoh, ça n’était pas pareil que donner des cours magistraux. Quand bien même, je les admirais beaucoup pour ce qu’ils faisaient.

“Rien du tout à critiquer ? Pourtant je suis sûr que même la police, elle doit pas être parfaite ! Enfin, je ne vais pas critiquer ce que je ne connais pas, quand même.”

J’en avais très envie, mais pas pour la police, pour le coup. Surtout devant un policier, ça ne serait pas très malin. Puis je voyais déjà la gueule de Sûrya lorsque j’avais émis quelques réserves à propos de l’hégémonie de Bedwyr… Sa tête aurait dû être immortalisée, mais ça n’était pas le moment de sortir l’appareil photo. …Maintenant que j’y pense, je suis souvent en état d’ivresse en compagnie de policiers. J’ai… bien changé. Après, ça va qu’ils consommaient avec moi… Ahahahah…

Bref.

Les explosions étaient arrivées à leur terme, et j’avais tout capturé en vidéos et photos tel un paparazzi. De feux d’artifices. En tout cas, j’étais plutôt fier d’avoir osé de faire tout ça. On s’était bien marrés.

“D’un côté, ça m’embête qu’on s’approprie mon talent, mais si on leur demande de reproduire ça… ils auront bien l’air cons !”, riais-je avec malice. “Ouais. Je t’envoie ça tout de suite.”, répondis-je en m’exécutant aussitôt, profitant de ce moment pour envoyer la vidéo à mes pères.

Manger ? L’idée me plaisait. Il me proposait un verre, en plus. C’était vraiment gentil de sa part. J’acceptais en hochant la tête avec de me fondre parmi la foule pour aller chercher un stand pour nous nourrir après tant d’émotions.