▉Ce n’était pas exactement comme ça que Vici avait prévu de passer la journée du festival.

Il se trouvait que le kalaharien avait prévu des activités. Comme errer. Une activité passionnante, dans laquelle il excellait, figurez-vous. En dépit de son appartenance au district, il n’avait en effet jamais assisté au Festival de l’Aube ; il n’avait cependant jamais cultivé dans son enfance ce goût pour les jeux — et était de l’école de pensée, du haut de ses vingt-quatre étés, qu’il était bien trop tard pour s’y mettre —, et l’idée de l’organiser avec un autre district, avec la bénédiction de Bedwyr, lui semblait absurde. Il avait cependant une raison bien précise de se mêler à la foule des estivants : rencontrer en personne la championne de Kalahari, Mia Oûkha. Le seul nom de cette femme avait longtemps habité les rêves de son frère ; et à la voir sur scène, juste avant son combat de démonstration, on avait du mal à croire que ces dernières années les rumeurs la tenaient pour foutue. Mais peut-être que, si on croyait à ce genre de choses, elle survivait à ces fameuses rumeurs par pure rancœur.

Et puis, elle avait appelé sur scène son invité surprise.

Lev Adé. L’ancien Maître Pokémon d’Ahovu … Et le leader du groupe Victini.

Il n’aurait su dire s’il portait ce sentiment par procuration, mais Vici l’apprécia immédiatement ; et il n’eut aucun mal à comprendre pourquoi le culte de Victini, comme il l’appelait, avait tant fasciné son frère. Le discours d’Adé fût bref — une indéniable qualité —, et pourtant il parlait avec un calme et une assurance tels, qu’aucun n’aurait pu ne pas croire au monde qu’il décrivait … Non, à un monde tel qu’il avait toujours existé.

Le kalaharien se doutait bien qu’une telle personne ne se rencontrait pas si facilement. Mais il était juste là ! Sitôt que le combat entre Oûkha et Harushige commença, il se dirigea vers l’arrière de la scène. Qu’est-ce qu’il lui dirait, d’ailleurs ? Tiens, salut — lui dirait-il salut, déjà, ou lui devait-il le respect craintif qu’il réservait jadis à son père seul —, non, bonjour, je sais que ça va paraître bizarre, mais mon frangin a toujours voulu entrer dans le culte, oui, Victini est un culte pour les gens de Baste-Agate, non pas que vous connaissiez les villages de Kalahari ? Alors, il faut que je vous explique les légendes locales … Non, il improviserait.

Et fût arrêté net dans son élan par une explosion sourde.

Sans comprendre comment ni pourquoi, il s’était retrouvé embarqué par Oûkha avec un petit groupe de Dresseurs qui avait l’air au moins aussi largué, face à trois … trucs mécaniques hurlants qui essayaient de se faire passer pour des Pyrax. Et à en croire la championne, il était censé aider à les combattre. Donc, ouais, pas exactement ses plans pour un festival idéal.

Il n’eut pas vraiment le temps de se demander s’il aurait préféré les véritables sonajtà noth — qui n’avaient rien à envier à Kalahari au statut de Victini ou de Shaymin — aux robots, ni s’il avait juste un niveau pour se confronter à l’un ou l’autre, avant de lancer son Furaiglon sur le champ de bataille.

Quant à ce dernier … Lui qui croyait son espèce invulnérable à la peur ! Le petit poulet était terrorisé. Et ce n’était pas uniquement la taille et le nombre de leurs adversaires qui pétrifiait le courageux et non moins téméraire oisillon. En regardant les trois faux insectes, il était évident au Furaiglon que ce n’étaient pas des Pokémon, ni de près ni de loin. Qu’ils étaient complètement vides de vie. Super, méga, giga flippant.

Vici ignorait comment l’encourager ; ce n’était sans doute qu’un sentiment de fierté, un peu stupide en rétrospective, qui l’empêcha de dire merde et de se barrer avec le reste des civils. Et puis … S’il y avait un moment où il pouvait prouver qu’il avait de quoi devenir Dresseur, c’était maintenant. « Allez … On y va. » Il l’avait à peine murmuré, davantage pour lui-même, mais cela suffit à faire avancer timidement le Furaiglon, avec le reste de l’escouade improvisée, face aux Mite-de-Fer.

Les créatures mécaniques émirent un horrible grincement, comme un seul corps, forçant le kalaharien à se boucher les oreilles. Peut-être qu’il avait quand même réussi à lancer un ordre, bien qu’il aurait été incapable de s’entendre, avec ce bruit perçant, ou peut-être n’était-ce qu’un réflexe de panique ; mais le Furaiglon battit frénétiquement des ailes, comme pour essayer de rabattre les Tornades qui arrivaient sur eux, créant un contre-courant d’air … Avant de se réfugier en l’endroit le plus sûr qu’il connaisse : derrière la jambe de son Dresseur.