Il était difficile de savoir quelle heure il était. Très tard ou peut-être très tôt. Impossible à dire. Ce qui était certain en vérité, c'était la noirceur de la nuit qui avait enveloppé la capitale glaciale de son épais manteau. Au dehors, quelques rares éclairages diffusaient des lumière douces qui se reflétaient sur la neige immaculée. Tout était calme, silencieux. Dehors, il n'y avait personne. Il faisait trop froid. Pour autant, c'était une jolie nuit. Le ciel était dégagé et il ne neigeait pas. Les étoiles perçaient joliment la voûte céleste et, même au cœur de la ville, on devinait sans peine leur éclat.
Perçant la quiétude de cette nuit, un bruit de neige qui craque. Le son caractéristique de quelqu'un qui marche. Vêtu de tout ce qu'il fallait pour éviter le froid ainsi que d'un gros sac de voyage, seul deux yeux bleus perçaient l'amas de vêtements. Résolus et tranquille, ils étaient rattachés à un corps qui marchait d'un pas décidé vers une destination que lui seul connaissait.

Intérieurement, Asgeir se félicitait d'avoir enfin sauté le pas.
Il n'en pouvait plus de la vie qui s'était profilée doucement mais sûrement devant lui. Même si certaines choses lui restaient plaisantes comme le chant ou le fait de se produire devant un public, tout le reste l'épuisait. Les obligations, les devoirs... Rien que d'y penser ça le mettait mal à l'aise. Chassant d'un mouvement de tête ces pensées désagréables, il repensa à la lettre qu'il avait laissé derrière lui à sa famille. Il n'avait rien oublié de préciser mais il espérait surtout qu'il n'allait pas se faire spammer d'appels furieux dès le lendemain matin. Ce n'était pas tant ses parents qu'il craignait mais bien plus son jumeau. Les deux ayant une relation très forte, il était facile de deviner qu'il prendrait le besoin de liberté de son frère bien moins bien que ses géniteurs qui s'étaient vite habitués à son caractère changeant. Dans le fond, il ne pouvait pas lui en vouloir mais il espérait tout de même qu'il comprendrait.    

Perdu dans ses pensées, le jeune homme s’arrêta en entendant un petit couinement proche de lui. Baissant les yeux, il aperçu un petit sorbébé à ses pieds. Les larmes aux yeux, il essayait de se relever tant bien que mal. Vu l'état du petit pokémon, Asgeir avait du lui marcher dessus ou le bousculer sans le voir. Prit de remords instantanés, il s'accroupit dans la neige, aidant le petit glaçon à se remettre d'aplomb, se confondant en excuses. Ne se formalisant pas tant que ça, le pokémon sauvage sembla lui pardonner rapidement, ses gestes laissant à penser qu'il était en train d'expliquer que c'était aussi de sa faute.
Rassuré, l'ancien chanteur se releva et fit un petit signe d'au revoir à la fausse glace et il reprit son chemin. Il n'eut cependant pas fait deux pas qu'il sentit que son écharpe se faisait tirer en arrière. Se retournant, il se rendit compte que le pokémon gesticulait fébrilement, le montrant du doigt puis désignant un hôtel proche. Il répéta l'opération plusieurs fois jusqu'à ce que le baroudeur le calme d'un geste doux de la main.

- C'est gentil de t'inquiéter pour moi mais je pars tôt exprès. Et puis, le jour n'est pas loin donc ça va aller ! Sans compter que j'endure bien le froid donc pas de soucis !

Contrairement à ce qu'il aurait désiré, le bébé pokémon prit un air contrit et inquiet. Touché par ce petit être dont il avait une furieuse envie de câliner, une idée germa dans son esprit.    

- Écoute, si t'es si peu rassuré, t'as qu'à m'accompagner jusqu'à ce que le soleil se lève ! Ça t'irait ?

Le petit ne mit pas longtemps à acquiescer et il lui emboita le pas, flottant derrière lui en fredonnant joyeusement. S'amusant de ce compagnon de voyage fortuit, Asgeir écouta sa mélodie avant de rapidement se mettre à la fredonner aussi.

Marchant gaiement à travers la ville endormie, le jeune homme et le sorbébé avaient rapidement échangés leurs fredonnements contre de véritables paroles. Enfin, si chanter en yaourt pouvait être considéré comme de véritables paroles. Quoiqu'il en fut, ils s'amusaient et c'était tout ce qui comptait dans le fond. Cependant, l'attention d'Asgeir fut attiré par un bruit étouffé. Tendant l'oreille, il tenta de traquer le bruit jusqu'à arriver à un banc couvert de neige. Le lampadaire situé à côté éclairait le lieu d'une lumière blafarde, mettant en évidence une petite forme à picot. Là, sur le banc, à demi recouvert de neige, pleurait à grosses larmes un frissonille. S'accroupissant à sa hauteur, le garçon se demanda tout d'abord si ce petit là n'était pas blessé mais ça ne semblait pas être le cas. Par contre, il était manifestement immensément triste.  

- Hé bah p'tit gars ! Il t'arrive quoi ?

Relevant ses yeux noirs vers l'humain, le pokémon le regarda, émit une série de petits cris explicatifs avant de fondre de plus belle en larmes. Notre protagoniste ne compris absolument rien à ce que venait de lui expliquer la petite larve mais il vit qu'il était très affecté. Touché par la détresse manifeste qu'il éprouvait, Asgeir balaya une partie de la neige du banc et s'y assit. Avec précaution, il prit pleurnicheur dans ses bras, le caressant gentiment, lui disant que tout irait bien. Presque instantanément, le pokémon sauvage se remit à pleurer, se blottissant contre l'humain. Ils restèrent ainsi durant un long moment.
Jusqu'à ce que le petit soit à court de larmes.
Jusqu'à ce que l'horizon commence à se colorer timidement de jaune et d'orange.
Comme il l'avait promis, le sorbébé quitta le duo, allant vadrouiller vers d'autres aventures. Quand au frissonille, il avait récupéré son calme et l'ex-chanteur le reposa sur le banc.
Sans succès.
Le vers resta accroché au bras du garçon. Obstinément accroché.
Perplexe et étonné, il eut ce réflexe absolument stupide d'agiter le bras en tout sens, espérant que le pokémon le lâcherait.
Après quelques minutes de lutte inutile, il se rendit à l'évidence.
Il venait d'être adopté.