Agapé le district de la douceur.
Agapé le district de l'art et de la beauté.
En tout cas, ce qui était sur, c'est que ce n'était assurément pas le district de l'écoute !
Sinon, il n'aurait jamais fini dans cette situation ridicule !
En effet, présentement, Aegir était en train de courir comme un dératé à travers les rues, cheveux défait, habillé d'une longue robe beige, son frissonille accroché à son épaule. Sur leurs talons, il y avait une femme d'âge mûre et son couafarel qui hurlaient au voleur.

- Mais puis'que j'vous dis que y'a méprise !!! J'ai rien volé !
- Si c'était le cas, tu fuirais pas !

Foutue vieille bique !
Il fuyait car il n'avait aucune envie de se prendre ni un coup de crocs, ni un coup de tatane ! C'était logique enfin ! Et puis, il n'avait rien fait du tout, merde !
Arrivé la veille depuis son district natal, le jeune baroudeur n'avait eue aucun problème à se lier aux locaux qui étaient, il fallait bien l'avouer, très sympathiques et ouverts. Il avait même eue la chance de rencontrer Mme Angus, une peintre qui lui avait le gite pour la durée de son séjour. En échange, il lui racontait ses mésaventures et l'aidait du mieux qu'il pouvait. Bien qu'adorable, ce petit bout de femme vivait seule depuis la mort prématurée de son mari. Elle s'en sortait fort bien cela dit mais elle avouait bien volontiers que la solitude lui pesait par moment. C'était donc avec une joie sincère qu'elle avait accueillit le tokanien. S'étant mis en tête de l'aider du mieux possible, le jeune homme s'était levé tôt pour lui ramener quelques courses avant de se mettre à ranger un peu son atelier. C'était un bordel sans nom mais, comme l'habitante des lieux avait la flemme de ranger, ça restait comme ça.

Remontant les manches de sa chemise, il se mit à l’œuvre, fidèlement assisté par Flocon qui rassemblait dans un coin de la pièce les croquis éparpillés en tout sens. Quand à Glitter, égale à elle-même, elle avait regardé les deux mâles s'agiter avec dédain avant de se rouler en boule comme une princesse sur le moelleux coussin d'un fauteuil. Le travail c'était pour les paysans, pas pour elle donc !    
Tout se passait bien jusqu'au moment où Asgeir se prit les pieds dans un tapis qu'il n'avait pas vu et termina sa course dans des pots de peinture...
Alertée par le bruit, Mme Angus était arrivée au pas de course et, sous le spectacle qui s'offrait à elle, avait éclaté de rire en entendant l'explication et les excuses gênées du jeune homme. L'invitant à ne pas garder ses vêtements souillés, la peintre lui prêta gentiment des vêtements de rechange. N'étant pas habitué aux températures douces de l'endroit, l'ancien chanteur n'avait pas de quoi se vêtir correctement pour la saison. Il se sentait un peu mal de profiter ainsi de la bonté de son hôte et il se promit de tout faire pour lui rendre la pareille. Ne regardant pas forcément ce qu'elle lui avait laissé pour se changer, il prit le premier truc qui se présentait à lui. Ainsi se retrouva-t-il dans cette robe d'été beige. C'était confortable, agréable à porter et extrêmement léger.
Bref, c'était parfait !

Lorsque ses vêtements eurent finit leur lavage, Asgeir alla les emporter sur le toit de là où il résidait. C'était un toit commun à deux bâtiments où les résidents venaient y pendre leur linge pour qu'il sèche. Alors qu'il était tranquillement entrain de faire ses affaires, il avait croisé une des voisine qui venait faire de même. La saluant poliment, le garçon s'était retrouvé sans comprendre sous un flot d'insultes. Traité de dégénéré, de taré puis de voleur, la furie avait fait appel à son couafarel, bien décidée à lui botter le cul.
Et c'était là qu'il s'était mis à courir.

Cavalant donc depuis quelques minutes à travers les rues de la capitale artistique, l'androgyne avait espéré que sa poursuivante lâcherait l'affaire mais c'était loin d'être le cas. Cette grande malade était bien décidé à lui faire la peau ! Il fallait vraiment qu'il trouve une idée pour se tirer hors de ce foutoir !
Tournant à droite, puis à gauche et continuant tout droit, il finit par slalomer dans des rues de plus en plus petites jusqu'à ce qu'il heurte violemment un passant en tournant un peu trop vite. Sous le coup, il fut éjecté au sol, grommelant, ses fesses ayant amortit sa chute lui faisant un peu mal. Relevant la tête, il se retrouva face à un homme aux traits fins et aux longs cheveux vert.

- Je suis désolé ! Vous allez bien ? Je ne vous ai pas fait mal ?

Décidément, c'était vraiment pas sa journée...

Pas le temps de s'attarder plus que ça sur l'état de santé de l'inconnu que les pas bruyants de la furie se firent entendre. Sans réfléchir, Aegir agrippa le poignet du jeune homme aux cheveux verts et l'entraina à sa suite. C'était un vieux réflexe, remontant à son enfance, quand son frère et lui tentaient d'échapper à leurs parents. A la différence qu'à cette époque, c'était pour jouer et qu'ils n'avaient jamais eue de couafarel enragé aux fesses. D'ailleurs, en se relevant, il avait sentit la mâchoire se refermer non loin de sa cheville ce qui lui avait provoqué un frisson de terreur. En voyant ça, Flocon eut un hoquet de colère et cracha de la neige poudreuse au visage du canidé.
Tant le pokémon que sa dresseuse, les deux s'arrêtèrent, surprit par ce nuage blanc et le voyageur en profita pour accélérer un peu plus sa course, les laissant momentanément sur place. Entendant d'une oreille la question de son compagnon d'infortune involontaire, il lui répondit aussitôt :

- Elle croit que j'ai volé la robe mais c'est pas vrai ! On me l'a prêté !

Continuant à courir dans les ruelles tout en trainant derrière lui celui qu'il avait bousculé, Aegir freina soudainement, sans prévenir. Débordant un peu sur la rue, un étal de sculptures lui avait barré la route. S'il ne s'était pas arrêté, il aurait pu faire un strike parfait ce qui aurait été franchement embêtant. En observant un peu mieux l'endroit, il se rendit compte que toute la rue était encombrée de marchands et d'étals sauvages en tout genre, proposant pleins de choses variées, allant d'œuvres d'art à des brochettes de viande. En entendant en fond les aboiements du chien blanc, une nouvelle idée germa dans son esprit.    

- Je sais ! Suis-moi !

Sans attendre la réponse du garçon ni même se demander s'il voulait vraiment le suivre, le chanteur continua à le trainer par le poignet dans son sillage. Rapidement, il arriva au bout de l'étal de sculptures qui était adjacent à un étal de peintures dont les grands toiles étaient exposées aux regards des passants. Entre les grandes sculptures et les toiles, ça faisait un parfait endroit pour se cacher !
Poussant le jeune homme derrière les œuvres, il le rejoignit vite, juste après s'être excusé en signes auprès du tenancier de l'étal. S'accroupissant derrière les tableaux posés les uns sur les autres, Aegir posa son index sur ses lèvres, faisant comprendre à son comparse de ne pas faire de bruit.

Quelques secondes après, la furie arriva, vociférant et râlant à pleins poumons. Elle marqua un temps d'arrêt, cherchant où pouvaient bien être passés les deux "voleurs". Innocemment, l'homme du stand lui indiqua une direction et elle fonça là bas, entrainant avec elle son chien du démon. Le vendeur-artiste lança un petit clin d’œil joueur à l'attention des deux fuyards avant de reprendre le cours de ses ventes, comme si de rien n'était.
Poussant un long soupir de soulagement, le tôkanien se laissa glisser au sol, s'y asseyant en amazone avec soulagement. C'est qu'elle lui avait fait peur, cette sorcière ! Et puis, il avait encore du linge à étendre sur ce fichu toit ; comment allait-il faire ? En demandant de l'aide à Mme Angus peut-être ?...
Perdu dans ses pensées qui fusaient en tout sens, il se rappela soudainement de la présence de celui qu'il avait entrainé avec lui. S'en sentant gêné, tant de l'avoir momentanément oublié que de l'avoir embarqué avec lui, il reporta son attention sur lui, l'air désolé :  

- Ha ! Heu... Pardon pour ça... J'ai agit sans trop réfléchir... Je t'ai pas fais mal toute à l'heure ?

Ne sachant pas vraiment si la folle était encore dans le coin et n'ayant pas le cœur à mettre le nez hors de sa cachette tout de suite, Aegir avait parlé en chuchotant, presque sur le ton de la confidence.

Bon, il arrivait à hausser le ton, c'était donc que tout allait bien ! Ceci dit, il ne s'attendait pas à ce que ses premiers mots furent sur son apparence. Un air étonné sur le visage, la tête légèrement penchée sur le côté, fixant son interlocuteur de ses iris violette, Aegir répondit simplement :

- Bah je suis un mec... Et pourquoi je ne porterais pas de robe ?

Il n'était ni dans la confrontation, ni dans la provocation. Son ton était calme, doux, tranquille. Il était juste profondément sincère dans sa question ; comme un enfant dénué de toute malice. Après tout, tant qu'un vêtement était agréable et bien coupé, il partait du principe que c'était bon pour le porter. Il n'avait aucune volonté véritable de travestissement ni de revendiquer une quelconque transidentité. Il était juste parfaitement à l'aise avec ce qu'il était, estimant que ce n'était pas aux vêtements d'être limitant. Et puis soudain, la réalité des normes sociales le frappèrent en plein visage. Il était vrai que, pour la majorité des gens, les robes étaient exclusivement pour les femmes. Il avait tendance à l'oublier car il trouvait ça si réducteur, si stupide, que ça avait tendance à lui passer au-dessus de la tête. Poussant un soupir tout en se passant la main dans les cheveux, se grattant le cuir chevelu au passage, il réfléchit à la façon qu'il allait utiliser pour expliquer la chose sans passer, de nouveau, pour un excentrique.  

- Enfin, ce que je veux dire c'est que... Tant qu'un vêtement est confortable, c'est qu'il peut être porté, non ? Et puis, cette robe n'est pas à moi. La femme qui m'héberge me l'a gentiment prêté car mes fringues étaient inutilisables.

Pour une raison qu'il ne comprenait pas vraiment, il se sentait un peu mal de devoir expliquer ça. Ou plutôt, c'était le regard du jeune homme qui le dérangeait mais il ne comprenait pas dans quelle mesure. Peut-être était-ce en faite tout simplement cette impression désagréable de ne pas être compris qui le gênait. Autant il se fichait de ce que pensait les autres, autant il appréciait malgré tout le fait d'être entendu. Et si c'était avec un minimum de respect, c'était encore mieux.
Laissant son regard trainer vaguement sur son interlocuteur, se disant qu'il était franchement mignon malgré son air ronchon, il sentit une vague de faute le submerger pour avoir embarqué dans sa course-poursuite un parfait inconnu.

- Désolé pour tout ça en tout cas ! Mais bon, au moins, ça fera toujours une bonne aventure à raconter !

Souriant joyeusement, il se mit à imaginer la tête de Mme Angus lorsque qu'il lui raconterait lui-même cette mésaventure. Au moins, ça laissait un souvenir amusant et au final, c'était ça le plus important !

Asgeir ne put retenir un rire sincère et amusé en voyant et entendant son interlocuteur s'enfoncer tout seul. Et puis avec, en prime, cet air de chien battu désolé adorable qu'il offrait, c'était trop pour lui pour qu'il réussisse à conserver son sérieux.

- Ha! Pardon, pardon ! Je ne me moque pas de toi ! Mais c'est un peu rigolo de te voir aussi gêné juste pour ça !

Et il était sincère. Il ne voulait pas le mettre mal à l'aise mais il ne pouvait s'empêcher de trouver la situation rigolote. Et puis, il avait retrouvé sa bonne humeur naturelle alors forcément, il était plus enclin à la taquinerie et au jeu qu'autre chose. D'ailleurs, en entendant le verdoyant lui expliquer comment il pourrait se racheter, le jeune chanteur se mit droit comme un I, faisant un petit salut militaire, main fermée à plat contre sa tempe. Il affichait un air faussement sérieux sur le visage qui contrastait bien trop avec l'amusement dans son regard.

- Ce s'ra fait, chef ! Au faite, je...

Il laissa sa phrase en suspend en entendant une voix haut perchée lui caresser les tympans. Pensant tout de suite que c'était la furie au chien qui revenait, Asgeir se planqua instinctivement à moitié derrière son compagnon d'infortune, tentant de voir d'où venir la voix. Cependant, il se rendit rapidement compte que c'était une autre femme qui semblait quitter un homme. Celui-ci tenta de la rattraper, en vain. Soulagé, le tokanien sortit de l'ombre du jeune homme avant d'avoir la surprise de voir l'homme qui coursait la jeune femme se diriger d'un pas décidé vers eux.  
Il tourna autour de son comparse avant de les agripper tout les deux sans prévenir et de les entrainer dans son sillage. Alors certes, le bougre n'avait pas l'air d'avoir de mauvaises intentions mais quand même !

- Heu... Je veux bien vous suivre mais on va où ? Et vous êtes ...?

L'homme s’arrêta et libéra leurs poignets, leur offrant une petite courbette théâtrale avant de se relever en se lissant la moustache. Moustache absolument impeccable à la Dali. D'ailleurs, d'un vif coup d’œil, il était aisé de voir à quel point cet excentrique était coquet.

- Moui, moui... Je manque à toutes les règles de bienséance, veuillez m'en excuser mes chéris ! Je suis Paganono, LE photographe d'Ahovu ! Et vous allez me servir de modèles pour aujourd'hui car vous êtes splendides !

Et sans attendre de réponses de la part des deux jeunes hommes, le photographe les saisit de nouveau par le bras, les emmenant dans les dédales des rues de la capitale. Rapidement, le trio arriva dans un salon shooting. Paganono les lâcha une fois qu'ils furent dans les loges et présenta d'un geste de la main un porte-cintres remplie de tenues féminines en tout genre. L'une d'elle, une jolie tenue carmin trônait fièrement sur une chaise. Désignant tour à tour l'ensemble et le serveur, il le poussa derrière un rideau de fortune, lui fourrant au passage le vêtement dans les mains.

- Allez, allez ! Va te changer et enfile moi ça ! Cet ensemble est fait pour toi !
Quand à toi, Mathilde va s'occuper de ton visage, assis-toi là !
Et on se retrouve dans 10 minutes dans le salon !  

Que venait-il de se passer exactement ?
Ho ! Aucune importance !
Ça avait l'air amusant alors autant en profiter !
S'asseyant docilement à l'endroit que lui avait indiqué le photogaphe, le voyageur laissa Flocon glisser de son épaule pour aller lui-même se nicher dans un siège tournant, s'amusant à le faire bouger en soufflant un peu d'air froid. Quelques secondes après, une femme d'âge mûr arriva, les bras chargés de palettes de maquillage, pinceaux et autres brosses.

- Bonjour, je suis Mathilde, je vais m'occuper de votre maquillage !

Elle déposa tout sur la table prévue à cet effet et, sans tarder, elle se mit à l'ouvrage sur Asgeir. Il connaissait un peu la routine, ayant déjà fait quelques plateaux de télévision à Tôkan, ce n'était donc pas la première fois qu'il se faisait maquiller. Cependant, il se rendit vite compte que ce n'était pas un maquillage de télévision qu'on lui faisait mais un maquillage bien plus féminin.
Baaaaarf ! Au point où il en était !
Et puis, si ça l'embellissait, il n'avait aucune raison de refuser !
Après quelques minutes, la maquilleuse termina son travail et après l'avoir recoiffé, elle délaissa Asgeir pour aller chercher l'infortuné jeune homme qui était encore derrière son rideau pour se changer. En attendant, le chanteur s'observa avec curiosité dans le miroir. Non vraiment, le travail était bluffant. Surtout en si peu de temps. Vraiment, pour le coup, il ressemblait véritablement à une jeune femme. Enfin, si l'on s'en tenait strictement à son visage évidemment. C'était largement au-dessus de son androgynie d'origine.    
Et daaaamn ! Il était vraiment belle !
Tout content du rendu que ça lui faisait, il se demandait comment s'en sortait son comparse et se tourna en sa direction pour voir ce qu'il se passait.
 

Se retrouvant dans une nouvelle robe, de couleur bleue pastel cette fois-ci, le chanteur se nota pour lui même qu'il pourrait sans doute commencer à se trouver des robes à lui. Entre elle et celle d'emprunt qu'il avait, il se sentait sincèrement bien dedans et puis, à dire vrai, elles étaient aussi franchement jolies même s'il ne s'y connaissait pas vraiment en mode.
Il savait juste que ça lui plaisait bien.

Attrapant au vol le regard désespéré du serveur alors qu'il était laissé entre les mains de Mathilde, il se contenta de sourire d'un air franchement amusé, riant intérieurement de l'accablement visible sur son visage. Alors que son compagnon d'aventure était entrain de se faire poudrer, Asgeir quitta son siège pour aller jeter un coup d’œil aux chaussures. Impressionné par la variété et leur nombre, il n'osa cependant en toucher aucune, ne sachant pas s'il pouvait en prendre ou pas. Ce fut à ce moment là que Paganono se tourna vers lui, le regard enflammé d'une lueur créative. Se dirigeant vers les chaussures, il lui mit en main une paire de sandales plates avant de se diriger vers un autre portant. Fouillant dedans, il en sortit un chapeau blanc orné de fleurs et d'un ruban bleu. Il retourna vers le jeune homme aux cheveux violets et lui mit la couvre-chef sur la tête, regardant le tout avec une fierté sincère.

Docilement, Asgeir s'était laissé faire et il jeta un nouveau coup d'œil dans son reflet. Il avait du mal à croire que c'était bien lui mais plus il se regardait, plus il appréciait cette image que le miroir lui renvoyait. Comme quoi, être joliment apprêté, ça donnait définitivement de fort boost de confiance et de joie !
Alors qu'il remettait un peu plus correctement son chapeau sur sa tête, il le regard du jeune homme en kimono ainsi que sa tentative de blague pour se détendre. Le regardant de haut en bas, se disant que la tenue lui allait vraiment très bien, il sourit, amusé, répondant d'un air joueur :   

- T'es très jolie ! Je serais bien tenté de t'offrir un verre ! Et moi, t'en penses quoi ?

Même si ça avait été dit sur le ton de l'amusement, il était sincère le bougre, ne sachant pas mentir sur ce genre de choses. Tout en posant sa question, il s'amusa à tourner sur lui-même, tenant son chapeau, faisant légèrement voler sa robe au passage.
Non, vraiment, il était content du rendu !

Vêtements portés & coupe de cheveux:

 

Son visage se fendit d'un sourire béat sous la réponse du verdoyant. Il ne nota d'ailleurs même pas la seconde partie de sa phrase, n'écoutant que ce qu'il voulait bien entendre pour le coup. Notant donc la chose dans un petit coin de son cerveau, il se dit qu'il aurait tout le temps de ré-utiliser cette information plus tard. Ceci dit, bien plus que sa réponse maladroite, c'est son regard qui n'échappa pas à l'attention du chanteur. Hum... Amusant... Mais, comme le dit soudainement Paganono, il verrait ça plus tard !
Pour le moment, shooting time !
Suivant le pauvre androgyne qui se faisait trainer sur un décor très photo-réaliste par le photographe, il observa la suite des évènements, restant en retrait.

- Allez ! Je veux de l'émerveillement, de la grâce, de la beauté ! Soit beau, sens-toi beau et vie-le, mon chéri !

Autant dire que ces indications étaient claires comme du jus de chique... Alors forcément, assez rapidement, notre voyageur eut de la peine pour son compagnon de route qui était visiblement aussi gêné que peu à l'aise. Étant familier de ce genre de chose pour en avoir déjà fait, il savait comment ça fonctionnait. Aussi, il finit par se lever pour aller rejoindre le jeune homme sur le décor, sentant que Paganono n'était pas du genre très patient ni pédagogue.
Arrivant à la hauteur du jeune homme en kimono, il lui coula un regard doux.

- Essaye de faire comme si le photographe n'existait pas et que tu étais vraiment dans la nature. Se raconter une histoire en créant un personnage peut aider, un peu comme au théâtre !... Attends, je vais te montrer !

S'asseyant sur un faux rocher qui était clairement là pour ça, Asgeir tendit la main vers l'une des fausses branches de cerisiers, comme s'il cherchait à cueillir une de ses fleurs. Prenant un air émerveillé au passage, il tint la pause quelques instants, suffisamment longtemps pour que Paganono prenne quelques shoot. Relâchant son bras, il se retourna vers le néophyte, tout sourire. 

- Tu vois le genre ? Là, j'étais une fille qui voyait des cerisiers pour la première fois. Allez, à toi ! Tu veux être quoi ? Ou tu veux qu'on le tente à deux pour commencer ?

Peut-être était-ce effectivement mieux à deux, surtout pour un débutant... Soudain, une vérité le frappa en pleine face et il releva des yeux ronds comme des soucoupes vers le jeune homme.

- Mais... Je connais même pas ton nom au faite !... Moi c'est Asgeir et toi ?

Ok. Ça, c'était gênant pour le coup !

Écoutant la réponse du jeune homme, le chanteur s'en amusa, lui répondant de son ton tranquille, se voulant rassurant :

- C'est pas le talent qui compte, c'est ton degrés d'amusement ! Si tu t'amuses et que tu profites, ça va se sentir sur les photos et ça donnera forcément quelque chose de top !

Il y croyait sincèrement. D'autant plus que les photos avaient cette capacité innée à capturer les moindres intentions de leurs cibles et tout en devenait parfaitement lisible. Joie, surprise, tristesse, amusement... On ne pouvait véritablement rien cacher sur des photos.
Bon au moins, de ce qu'il lui semblait observer, Asgeir se dit qu'il avait bien expliqué les choses. Il grava au passage dans un coin de sa tête le nom de son acolyte qu'il pouvait enfin nommer. Joueur, il en profita pour rebondir à voix basse de façon amusée sur ce que Lysandre lui avait dit plus tôt concernant le fait boire un verre et les femmes :

- Lysandra ? Ça veut dire que je peux t'inviter à prendre un verre maintenant que tu es une demoiselle ?

Il se voulait en vérité plus taquin que charmeur, ne s'estimant pas spécialement bon dans cette discipline. Ou alors, quand c'était le cas, c'était parfaitement fortuit. Et puis, il aimait bien souligner les petites contradictions amusantes des gens l''entourant. Parfois, ça donnait lieu des réactions amusantes !
Tout en jouant gentiment avec le jeune homme aux cheveux verts, le natif du nord lui tournait lentement autour, s’arrêtant par moment, permettant à Paganono de capturer quelques clichés. Pour le coup, la scène que les deux garçons offraient plus ou moins malgré eux ressemblait à celle d'une jeune adolescente tournoyant autour d'une femme gracieuse plus âgée. Et avec le léger décalage entre leurs deux costumes, le tout donnait une impression d'entre deux, entre tradition et modernité, rajoutant du charme au tout.

S’arrêtant finalement de tourner autour du serveur comme une abeille atour d'une fleur, Asgeir eut soudainement une idée. Un peu plus loin sur le plateau, l'équipe de décoration avait reproduit un petit pont typé asiatique qui surplombait une fausse rivière. Sans la moindre gène, il chopa la main de Lysandre pour l'amener joyeusement jusqu'au pont. S'y arrêtant dessus, il se pencha légèrement sur la rambarde, tout sourire, faisant mine de maintenir son chapeau pour ne pas qu'il tombe :

- Regarde, Lys' ! Y'a pleins de poissons ! Des petits et des grands ! C'est super joli !

Tout en parlant, il désigna la fausse eau sous leurs pieds, se prenant sans difficulté au jeu d'acteur qu'il s'amusait à interpréter. D'un geste ample du bras, il avait pointé le doigts vers les poissons imaginaires, ne doutant pas un seul instant du fait que son acolyte allait le suivre. Avait-il raison de lui faire ainsi confiance ? Qui sait. Peut-être qu'en sombrant dans le jeu, il finirait par se prendre à la chose et peut-être même, à apprécier ce shooting imprévu.
Et au passage, oui, il avait décidé que le nom du serveur était trop long et l'avait donc allégrement raccourci.

Asgeir était content. Il était content de la situation présente qui était des plus amusante. Content de renouer un peu avec la photographie et le jeu des poses. Content d'avoir un futur comparse de beuverie, qu'elle soit alcoolisée ou non. C'était une habitude qu'il avait prit sans s'en rendre compte : celle d'inviter à prendre un verre les gens qu'il trouvait intéressant ou sympathique. D'une part car il trouvait l'acte toujours agréable et d'autre part car ça permettrait de connaitre un peu mieux la personne de façon tranquille et décontractée. De ce fait, il était sincèrement content que le verdoyant ait accepté. Il lui avait d'ailleurs répondu avec un sourire joyeux accompagné d'un mouvement de tête approbateur. Après tout, c'était la moindre des choses que de payer le premier verre quand on invitait ! Tout du moins, c'était ce qu'il pensait.

Par la suite, il se perdit dans le jeu de son personnage, appréciant au passage le fait que son comparse en fit autant. Ils s'amusèrent ainsi le temps de quelques clichés avant que Paganono ne le prenne pour une séance solo. S'exécutant joyeusement, il continua ainsi le jeu sur quelques photos, se rendant compte qu'il n'avait définitivement rien perdu de ses compétences en la matière malgré le temps passé. Il en profita pour sympathiser avec l'artiste fantasque, récupérant au passage son numéro pour d'autres shootings éventuels mais aussi et surtout, pour récupérer les photos de celui-ci. Et oui ! Si ça ne le dérangeait pas de ne pas être payé -l'idée ne lui passant à vrai dire même pas dans l'esprit-, il tenait en revanche à obtenir le fruit de sa collaboration.
Quelques minutes plus tard, satisfait, Paganono, relâcha le jeune homme qui retourna gaiement auprès de Lysandre.

- C'est finit apparemment ! Paganono a tout ce qu'il lui faut ! Et j'ai prit son numéro pour qu'il m'envoie les photos. Il faudra que tu me donnes le tien aussi pour que je te les passe !

Se dirigeant vers les loges en trainant avec lui le serveur, Asgeir prit naturellement un coton et du démaquillant pour retirer ce qu'il avait sur le visage. Il imbiba au passage de liquide nettoyant un second coton qu'il tendit au jeune homme.

- Mieux vaut nettoyer tout ça, sauf si tu es à l'aise avec l'idée de sortir dehors comme ça. Remarque, je pense que s'il y a bien un district où tu peux le faire tranquillement, c'est ici !

Se nettoyant rapidement le visage, l'ancien chanteur retira son costume, le pliant soigneusement sur une chaise, se retrouvant en caleçon avant de remettre sa robe d’emprunt. Il avait fait ça de la façon la plus naturelle du monde, sans même se poser de question. Après tout, il n'était pas spécialement pudique et ils étaient tout les deux des hommes donc il n'y avait aucun soucis là dessus. Il ne s'était en revanche pas demandé un seul instant si ça pouvait gêner Lysandre ou pas... Baaah ! Ca ira !

Se rhabillant avec sa robe d'emprunt, Asgeir manqua de s'étrangler de rire en voyant le visage déconfit et barbouillé de Lysandre. On aurait dit un enfant perdu hurlant un truc du genre : expliquez moi comme si j'avais 2 ans ! Riant de bon cœur tout en s'approchant du serveur, il ne pu retenir une exclamation sincère et amusée :

- Mais c'est pas avec une serviette qu'il faut faire ça !

D'un geste sur, le chanteur se saisit d'un coton, l'imbiba d'un démaquillant doux et s'approcha de l'androgyne. D'une main, il lui souleva légèrement le menton puis de l'autre, armé de son coton nettoyant, il commença à retirer délicatement les grands traits de crayons et de rouge à lèvres qui lui avaient barrés les joues. C'était du grand art, il en avait vraiment foutu partout ! Rendu aussi joyeux qu'amusé par la situation, alors qu'il continuait à rendre son visage d'origine au jeune homme, Asgeir se mit à fredonner légèrement :

- Quel arbre en fleurs
De ses pétales ardents
Rougit l'horizon...

C'était le début d'une de ses chansons qu'il aimait particulièrement. Ça n'avait pas été la plus populaire malheureusement mais c'était celle qu'il avait écrite qui lui plaisait le plus. Sans doute car c'était l'une des première qu'il avait couché sur le papier. Se perdant un peu dans certains souvenirs tout en continuant tranquillement son œuvre en chantonnant, il prit soin de faire attention à ses gestes. Prévenant, il demandait à l'androgyne de fermer les yeux quand c'était nécessaire ou se permettait d'incliner son visage avec douceur pour qu'il puisse mieux voir ce qu'il faisait. A y regarder de prêt, il n'y avait pas à dire, ce garçon était vraiment beau. Est-ce qu'Asgeir en profita pour détailler discrètement ses traits du regard ? Assurément. Après tout, il avait des yeux, c'était pour s'en servir ! Finalement, au bout de quelques minutes, il se releva, contemplant la peau toute propre qui avait récupéré sa couleur naturelle. Fier de lui, poings sur les hanches, il dit joyeusement :

- C'est bon, t'es tout propre ! Et en prime, tu sais maintenant qu'il vaut mieux utiliser des cotons et du démaquillant plutôt qu'une serviette et de l'eau !

Alors qu'il allait ajouter quelque chose, il fut coupé par son estomac qui émit un gargouillis sourd. C'était vrai qu'il n'avait rien mangé depuis le matin et avec toutes ces péripéties, ça lui avait donné faim. Heureusement qu'ils avaient terminé le shooting car avec un peu de chance, il pourrait trouver quelques stands de street-food sur le chemin. Rien qu'à cette idée, le baroudeur en herbe se mit à saliver d'envie.  
Se tournant vers Flocon qui s'amusait à tournoyer sur une chaise pivotante, il le prit dans ses bras pour mieux s'assoir sur la dite chaise, se mettant à tourner à son tour, attendant sagement que Lysandre finisse de se changer. Et puis, il se rappela soudain qu'il avait eu du mal à mettre sa robe.  

- Ha ! Tu veux que j'appelle Mathilde pour te donner un coup de main avec ta robe au faite ?

Le chanteur étouffa à demi un rire face à l'agacement visible du verdoyant quand au regard peu discret de l'assistante de Paganono. Il ne pu s'empêcher de lâcher sur un ton joueur :

- Que veux-tu, c'est dur d'être populaire ! Faut assumer !

Continuant à tourner lentement sur sa chaise avec Flocon dans les bras, la mine rieuse, il se leva finalement lorsque Lysandre fut fin prêt à remettre le nez dehors. Après avoir dit au revoir au photographe excentrique et à sa petite équipe, les deux jeunes gens se retrouvèrent de nouveau dans la rue. Prenant un air pensif alors que son ventre grondait de nouveau, Asgeir se rendit compte qu'il avait complétement oublié de demander à sa logeuse si elle connaissait des bons coins pour casser la croute ! N'ayant aucune idée d'où aller, il se tourna vers son comparse de shooting.

- Tu connais un lieu sympa ? J'avoue que je ne suis arrivé qu'hier donc je ne connais pas franchement la ville... D'ailleurs, t'es originaire d'ici ?

En soit, il n'était pas compliqué, il mangeait de tout donc peut importe ce que proposerait le jeune homme, ça lui irait forcément. Et si jamais il ne connaissait aucune adresse, et bien il ferait au feeling ! Après tout, marcher au hasard et voir ce que ça donnait sur le tas lui avait toujours réussit, il n'y avait pas de raison pour que ça s’arrête maintenant !