Surya n’avait pas osé dire non - après tout, il avait toujours manqué d’habilité, socialement. Autant ne pas changer les bonnes habitudes. Et de discernement, aussi. Il ne comprenait pas les femmes : pas les hommes non plus, à vrai dire. Alors, il était à mille lieux de s’imaginer que cette entrevue était loin d’être amicale, du point de vue de la jeune femme : que c’était peut-être malvenue de sortir avec quelqu’un d’autre, lorsque l’on était en couple.
Mais ça, Surya n’en avait pas conscience : ce genre de normes sociales semblaient toujours inconnus, à ces yeux. Et ça ne semblait pas s’améliorer, même avec les années.  

Le policier semblait néanmoins heureux à l’idée de revoir cette femme qui, à ses yeux, n’était qu’une simple amie. Ils avaient peut-être passées une nuit ensemble, mais… ce genre de chose arrivait souvent, quand on est jeunes, non ? Aucune idée.

Voilà que le jour du rendez-vous était arrivé : la tête remplis de tout, sauf d’envie d’avoir une vie sociale, le champion eau avait presque oublié le rendez-vous. Un peu à la hâte, il s’était préparé. Et là, encore une fois, il se trouvait être complètement … perdu. Il ne voulait pas paraître trop strict, mais tenait à être propre sur lui quand même. Relâchant sa chevelure de jais, il avait opté pour une simple chemise noire, correctement boutonnée, mais sans cravate pour lui couper la respiration. Ca devait suffire, non ? Le travail, les dossiers, les réunions… c’étaient décidemment bien plus facile. Il commençait presque à regretter sa décision.

En retard, le policier arrive enfin – la pluie ne l’a pas non plus vraiment épargnée, et il maudissait intérieurement sa malchance naturelle. Sa tenue, un peu gorgée d’eau. Eau qui, habituellement, ne lui déplaisait pas forcément, mais bizarrement ça l’arrangeait un peu moins quand c’était pour aller à un rendez-vous.  

Enfin à l’entrée du restaurant, le brun scanna l’intérieur, de gauche à droite, perdu comme un enfant fraichement séparé de ses parents. Ou quelque chose du genre.
Sans surprise, il n’est pas très à l’aise. Puis, enfin, son regard clair atterrit sur son amie, lui faisant un signe. Un maigre sourire sur le visage, il vint s’installer aux côtés de la jeune femme, ne quittant pas sa gêne naturelle.
« Bonjour, Anastasia. » Peu loquace, mais ça aussi, elle devait y être habituée.

Le menu, comme une délivrance, lui permet de ne pas avoir à trouver de sujet de conversation. « … Si tu veux. Je te fais confiance. Je ne suis jamais venu ici. » Petit regard timide, se voulant amical. Peut-être qu’il pourrait inviter Salomon, un jour ? C’était rare qu’il ait des sorties ensemble.
Heureusement qu’Anastasia ne pouvait pas lire dans ses pensées.


… Son rêve ? Ce mot, il avait du mal à lui donner du sens, à présent. Sa phase de doute était assez conséquente pour qu’il remette même son emploi en question, mais … il se contenta d’hocher la tête ; Ce n’était pas le moment pour des conversation philosophique, et même lui, il le savait.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais, à présent ? » Quelque instant, il laisse ses yeux glisser sur son interlocutrice. Elle a particulièrement pris soin d’elle, malgré la pluie qui a saccagée sa tenue, et il ne manque pas de le remarquer. De façon totalement neutre, sans sous-entendu, même si ces regards pourraient être interprétées de façon un peu moins … pure.

Son attention fut ensuite attirée vers la bouteille, déjà à moitié vide. Maintenant qu’il y pensait, c’était vrai qu’Anastasia avait les joues particulièrement rouge….
« Désolé… je suis arrivé en retard. Je comprends que tu ai commencée à boire seule. » A côté de la plaque, mais bon, on va dire que ça faisait parti de son charme …
Tranquillement, il se servit un verre – espérant que la conversation reprenne sans trop de soucis.

Surya ne sentait, sans surprise, pas vraiment à sa place. Sa timidité crevait les yeux – il détestait cet aspect de sa propre personnalité. Mais là, c’était un peu tard pour se défiler. Surtout qu’elle avait l’air si joyeuse, heureuse de le revoir. Il enviait presque ce manque total de gêne.

Au moins, ses tentatives moisies de conversation semblaient marcher un minimum. Encore heureux, d’ailleurs, il ne tenait pas à subir de longues minutes de blanc. Un sourire timide (sans surprise) étira finalement ses lèvres.
« C’est un beau métier, tout de même. A Bedwyr, je suppose. Je ne me souviens pas t’y avoir croisé, mais je ne vais pas vraiment souvent en Centre Hospitalier. » Et encore heureux, d’ailleurs. Malgré son addiction grandissante à la nicotine, il était en bonne santé. Tout du moins sur le plan physique.
Pour le reste, il se doutait bien qu’Anastasia n’était pas allée se perdre dans une petite ville aléatoire d’Ahovu. Après tout, sa famille avait toujours vécu au district central. Comme la plupart des gens d’Uxie. Surya avait toujours senti un décalage, lui qui avait grandit dans le district le plus pauvre. Sa mère avait une bonne place, oui, mais ses origines étaient loin d’être aussi noble que les autres Bedwyrois.

Les Pokémons Paradoxes. Petit moment de gêne. Il détourna le regard ; Il n’en était pas traumatisé, mais…
« J’en ai déjà affronté, alors je m’y connais un peu. » Il se permet une œillade vers elle. Quelques secondes de blanc. Ah. Il ne voulait pas l’inquiéter – surtout pas. « Enfin, je n’ai rien eu de grave. J’ai des informations, avec le travail, mais je ne suis pas sûr de pouvoir te les révéler. »
Comme d’habitude, il était chiant. A quoi est-ce que tu t’attendais, Anastasia ?
« Tu devrais quand même faire attention. » Maigre sourire forcé. Il ne voulait quand même pas qu’il lui arrive malheur. Non… il avait connu assez de tragédies ces derniers mois… Rapidement, il chassa ces pensées moroses.  L’heure n’était pas à la tristesse et au deuil.

Le verre fraichement servit lui permet de se cacher un peu, de boire quelques gorgées et ainsi calmer, ne serait-ce un minimum, sa gêne croissante.
Douce libération qu’est l’arrivée de la nourriture.
« Bon appétit. » Il commença à manger tranquillement, avant qu’Anastasia l’itterompe pour, sans surprise, continuer son interrogatoire.
Il posa sa fourchette, sentant ses joues légèrement rosir.
Camille ?
Il pris quelques instants pour se remémorer la scène.

Il était plus jeune – en même temps, c’était à l’Académie. Camille, il parlait de temps en temps avec. Il ne comprenait pas trop pourquoi, parfois, elle se mettait à rougir, à bégayer en sa présence. Mais il ne réfléchissait pas plus que ça, après tout, parfois, il était comme ça, lui aussi. Puis, un jour, elle lui a dit qu’elle voulait lui parler. Que c’était important. Le (futur) champion avait craint l’annonce d’un décès, ou d’un drame.
Il était à mille lieux d’imaginer que cette Camille, cette simple camarade allait lui déclarer sa flamme. Lui, n’avait pas su quoi répondre. Parce qu’il n’avait jamais été attiré par les relations, n’était jamais vraiment tomber amoureux. Se contentant juste de suivre le courant, d’avoir relations courtes, quand il en avait l’occasion….
Ses pensées finirent par dériver sur une autre scène, quelques temps plus tard : il avait failli finir sa nuit avec Anastasia, s’était vrai. Et finalement, l’alcool avait empêché la jeune femme de conclure. Ce n’était pas plus mal, de l’avis du policier : après tout, les retrouvailles auraient été encore plus gênantes.
Puis, scène suivante : sa rencontre avec Salomon. Oui, non, ça, il ne voulait pas y penser. Il sentait déjà son visage changeait de couleur.

Enfin, après quelques dizaines de secondes, ce qui devait être une éternité aux yeux de la vétérinaire, le policier répondit.
« En fait… Je suis en couple depuis quelques mois, maintenant… Et toi ? … Tu… étais assez populaire, non ? » Sans doute plus de la politesse et de la flatterie qu’une vraie observation… en même temps, il avait dû mal à voir, quand quelqu’un était populaire, apprécié. En même temps, les relations sociales avaient toujours été un mystère, à ses yeux.
Puis, surtout, particulièrement pudique vis-à-vis de sa vie sentimentale, il voulait éviter de devenir le sujet de conversation.

Anastasia paraissait presque moins convaincue que Surya, a propos de son métier – le policier l’avait bien remarqué, pourtant, il ne savait pas quoi répondre ; c’était déjà assez ardu comme ça de juste maintenir la conversation. Même s’il se doutait qu’Anastasia ne disais pas tout, ou en tout cas, cachée certaines informations. Il ne pouvait pas lui en vouloir, après tout, il était pareil. Son métier, sa place… il commençait tout doucement à en douter, tout en faisait de son mieux, en se forçant pour garder cet avenir qu’il avait pris tant d’années à construire.

Pour la suite, il s’en voulait un peu de ne pas pouvoir lui apportait d’informations. « Je vois que… le sujet t’intéresse. Tu … peux me poser des questions, si tu veux. » Il lui lança un semblant de sourire, ce qui était compliqué vu la gêne qu’il commençait à ressentir. Non, vraiment, la vie sociale, ce n’était pas pour lui. Il se s’imaginais pas avoir un métier comme la femme en face de lui, à toujours être au contact des autres. Même si, en tant que policier, il devait souvent travailler en équipe, il préférait bien plus se retrouver seul, en tête à tête, avec ses dossiers et ses enquêtes.

Vint enfin le repas, et même si ça donnait au brun une excuse pour ne pas parler, encore une fois, il était loin d’être vraiment à l’aise. En même temps, il avait dû mal à comprendre la raison de ce rendez-vous. Les amis, ça faisait rarement des repas à deux, non ? Il ne savait pas vraiment.
Puis…il écarquilla les yeux. Elle buvait beaucoup, non ?
Les joues rougissantes, il commençait tout de même à s’inquiéter pour elle. « Je… Toi aussi, tu auras le droit à ta chance, ne t’inquiètes pas. Je suis sûr que… tu dois déjà faire tes ravages. » Il s’enfonçait tellement – il n’avait aucune idée de ce qu’il disait. Mais les compliments, il ne savait vraiment pas gérer. « Puis, ma relation est assez récente. C’est étonnant. Je me serais plutôt vu à rester seul encore de nombreuses années. »

…Une grosse poitrine ? Il se retint de regarder, même pas par simple perversion, juste parce que dans les faits, il n’avait jamais fait attention à ce genre de détail et … il était censé répondre à quoi, dans tout ça ? Il ne pouvait pas rajouter quelque chose sur cette partie de son corps, ou bien sur son historique amoureux ! Qu’Arceus ai pitié de lui.

Alors, il resta là, planté comme un piquet, écoutant la jeune femme déballée le désastre qu’étais sa vie amoureuse. Ne sachant pas refuser, il se resservit un verre silencieusement, toujours surpris par la colère que la jeune femme déballait. Ça, ce n’était pas commun. Inquiet, il la regarda descendre son verre comme si c’était ce qu’elle savait faire de mieux.

« Tu… trouveras bien quelqu’un, il n’y a pas de raison. » Encore une phrase bateau. Il ne savait pas faire autrement. « Tu bois beaucoup, non ? » Et là, ça devait surement passer pour une remarque ou une remontrance, mais il était vraiment inquiet. Est-ce que ça allait vraiment si mal, dans sa vie ?  

Bref, il bu lui aussi son verre, bien que plus lentement. Contrairement à ce que sa stature pouvait faire croire, il était loin d’être très résistant à l’alcool. La boisson le rendait déjà un peu plus… détendu ? Normal ?
« Je connais surtout Oma-Oma. Je ne sais pas si ça va te plaire. Mais je pourrais te faire visiter. » Tant qu’ils n’allaient pas à Tôkan – là-bas, la nature avait déjà tenté plusieurs fois de l’éliminer. Pas très envie de recommander cet endroit à son amie en quête d’aventures.

…Sa femme avec des enfants ? Ah, oui, il oubliait presque sa tendance à mentir sur sa liaison. Dur à assumer qu’il faisait un peu plus la femme dans sa relation que l’inverse, mais… ça, Anastasia n’avait pas à le savoir. Alors, il fit un simple « non » de la tête. En espérant que Salomon et elle ne se rencontre jamais.

« …Je ne sais pas. J’ai toujours été comme ça. Je ne connais rien d’autre. » Il soupira doucement. L’alcool lui avait peut-être un peu délié la langue. « Je suis désolé. Je ne suis pas très bon pour faire la conversation. » Il avait conscience de son manque, pour ce qui était des capacités sociales, mais il ne savait pas vraiment quoi faire pour fonctionner « normalement ».