Si j’avais embauché ce jeune homme ? Je ne savais pas encore vraiment ce que j’allais en faire. J’avais fait un compte rendu détaillé de mes scrupuleuses observations, et je comptais retransmettre tout cela au recruteur, pour qui c’était littéralement son métier. Je l’avais certes dépanner sur le coup, il ne fallait pas non plus compter sur moi pour faire entièrement le travail des autres. Il ne manquerait plus que ça…

C’est donc seulement après discussion et nouvelle étude de son dossier que nous allions peut-être ou peut-être pas le recruter, ce retardataire. Pas attardé pour autant, encore heureux pour lui. Les militaires n’ont déjà pas toujours une réputation très fine, ce qui est tout de même assez cliché, mais parfois avéré, quand je vois mes abrutis de subordonnés qui flânent dès que j’ai le dos tourné…

Si seulement ils y mettaient un peu du leur, même lorsque les temps sont plutôt calmes. Même si la mission de dernièrement avait été un échec, on pouvait légèrement souffler. juste un peu. Il restait toujours énormément de travail, surtout avec les contrôles resserrés de l’Organisation. Contrôles auxquels je participais régulièrement, en temps normal. Être en dehors du bureau, c’était parfois bon pour le moral. On va dire que ça fait voyager.

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C’était la fin d’une énième journée de dur labeur, depuis la reprise. J’étais dans mon lit, à regarder le plafond, les muscles relâchés grâce au bain que j’avais pris un peu plus tôt. Un bain d’eau bouillante et revigorante qui ferait rêver n’importe qui à Bedwyr, par cette saison mordante. J’avais un peu plus tôt eu l’idée d’acheter des bombes de bain parfumée et surtout écologique, lorsque je venais de quitter mon poste. L’idée du siècle, si vous voulez mon avis, puisque je ne sentais plus du tout la douleur de mon bras autrefois cassé par un certain Têtes-de-Fer.

La journée de travail n’avait pas non plus été si désagréable que cela, malgré des dossiers assez ardus, ces derniers temps. Des dossiers comportant des noms qui me disaient un peu trop quelque chose. J’avais plusieurs fois pu observer des indices au sujet de la Jaspe. Des personnes qui y seraient affiliées. Je les aurai, un jour. Cette organisation criminelle portant ironiquement le nom d’une pierre précieuse, comme moi, mais, eux, ils ne brillaient que par le crime. La destruction de ma famille.

Plus tôt dans la matinée, j’avais débarqué au travail avec un meilleur moral qu’habituellement. Aucune envie de gueuler sur deux ou trois feignasses, ni de soupirer devant un écran hologramme qui serait malfonctionnel. Non. J’avais pris le petit-déjeuner avec mon frère cadet, tôt dans la matinée. Même si nous travaillions dans deux districts différents, nous restions très proches et fusionnels. Beaucoup de passions communes, tout ça. Il avait énormément de travail, ces derniers temps, ce qui m’avait motivé à l’inviter à boire un café, aux aurores. Il faisait nuit, je vous le donne en mille, vue la saison… Il n’était pas réveillé, moi non plus… Mais on avait bien discuté et rigolé tout de même.

Ce qui m’avait un peu remonté le moral, car lorsque je me suis réveillé ce matin, j’avais une fatigue à en avoir la tête qui tourne et envie de rester blotti sous les couvertures ad vitam æternam.

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J'avais enfin terminé ma semaine. Une énième semaine depuis la reprise. J'étais dans un état d'épuisement suprême, contre toute attente. Moi qui étais si endurant, autrefois (et je n’ai que la trentaine). Un abattement indescriptible et sans doute insurmontable pour les plus faibles d'entre nous. Mais moi, j'étais fort. J'allais forcément m'en remettre ! Même si cette foutue “dépression post-traumatique”, comme dirait mon psy, avait tendance à m'ajouter de la fatigue supplémentaire…

C'était le moment de vivre un peu. Juste un peu. Puisque j'avais un deuxième métier. Ce n'était pas celui qui me prenait le plus de temps, ni le plus d'énergie, après tout. Quand bien même, je devais me rendre sur place de temps à autre, gérer la paperasse et surtout… créer. Je n'étais pas le seul créateur de la bijouterie. Je n'avais pas le temps de tout faire. Mon associée et amie d'enfance aidait énormément à ce que je m'en sorte sans souci.

Mais tout ça, ce serait pour ce week-end. Il fallait se reposer, parfois. Seulement parfois, afin de ne pas perdre trop de temps. Il ne manquerait plus que je devienne une loque et que je manque ma promotion. Si en plus je pouvais la choper avant Jean-Roux, ça serait pas mal.

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