C'était étrange. Depuis que cette saloperie avait déserté sa place de championne du district, Uchinâ semblait différente. Ses habitants semblaient plus tranquilles, plus heureux, plus libres. Peut-être me faisais-je juste des idées et que ça n'avait en réalité aucun rapport cela dit. Après tout, depuis son ascension, je n'étais que très peu venue rendre visite à ce district voisin. Était-ce un caprice ? Avec le recul, je me dis que ça devait être le cas.

C'était dommage. J'aime bien Uchinâ, moi. C'était même Mai qui, à l'époque, m'avait fait découvrir cette facette cachée de ce petit coin de paradis. Entre l'ambiance tropicale, les coutumes et la gaieté générale des locaux, j'en étais très vite tombée sous le charme, à tel point qu'aujourd'hui encore, il est probablement l'un de mes districts préférés. Ah ça... Qu'est-ce que ça me faisait du bien maintenant qu'Hélia s'était enfin cassée. J'ai l'impression d'être comme une enfant dont l'exclusion temporaire de la piscine du village vient enfin de toucher à son terme.

"Alors ?" - M'étais-je adressée à mon Charmina, d'un ton qui trahissait tout de même une certaine impatience de mon côté. Hélas, son expression me fit comprendre que rien n'avait pas changé. Tss... Pourquoi fallait-il que ça tombe aujourd'hui ? Ça faisait une bonne trentaine de minutes qu'on attendait, planqués sur le toit d'un bâtiment pourri, que ce contrôle de l'Orga se termine, mais ça s'éternisait ! Était-ce courant pour lui de recevoir leur visite ?

Toujours agacée, l'apparition soudaine d'Aix fut comme salvatrice, bien qu'elle fit peur à Cody. Est-ce que ça voulait dire... Qu'il était enfin seul... ? Cette question, je la posais d'un simple regard à mon Xatu, et d'un léger déploiement d'ailes, j'eus la confirmation que j'espérais. Un sourire vilain s'imposa sur mon visage, et aussitôt, je donnais les directives suivantes. "Bien. Xatu, continue de surveiller la rue et téléporte nous devant l'agence quand l'endroit sera dégagé. Compris ?"

Sans me donner la moindre confirmation d'avoir compris quoi que ce soit, Aix se retéléporta ailleurs. Sûrement était-il reparti dans un coin qu'il savait plus propice à l'espionnage. J'étais légèrement frustrée qu'il se soit barré directement, mais en même temps, c'était sa façon à lui de me prouver qu'il avait, en effet, compris mes ordres. Soit. De mon côté, je devais aussi me préparer.

Relevant la capuche de ma longue cape grise foncée, je remettais également mes lunettes de soleil noires. C'était exagéré, et je savais que ça allait intriguer du monde si j'étais vue avec de tels vêtements, mais je savais aussi que c'était la seule façon de garder mon anonymat, ce qui était crucial dès fois que tout capote. C'était pour ça que j'étais restée planquée sur un toit également. Si mon plan venait à foirer, je préférais couvrir mes arrières et me laisser une chance de retenter plus tard.

Une fois prête, je fis quelques pas vers Cody pour m'assurer qu'il l'était lui aussi. Puis soudain, avant que je n'ai l'occasion de faire plus, Aix réapparut devant nous, et en un instant, tout le décor autour de nous se changea. Les pieds sur le pavé, je compris assez rapidement ce qu'il se passait, et trouvais rapidement l'endroit où j'étais censée me rendre. "Le Faucheur de Chrysanthèmes" - chuchotais-je dans le vide en apercevant ma destination. Mes yeux se plissèrent légèrement, tordant mon visage en quelque chose de plus mesquin, et rapidement, je m'y dirigeais et poussais la porte d'entrée.

Un blanc s'était installé dans l'agence alors que mon Charmina fermait la porte derrière-lui. Dans la pièce, je pouvais apercevoir un Libégon, ainsi qu'une figure humaine. Une seule. Et sans l'ombre d'un doute, celle sur laquelle j'espérais tomber. Parfait. "Allez-y." - Avais-je ordonné à mes Pokémons, comme si j'étais une mafieuse qui cherchait un bijou volé. Ils se mirent rapidement à la tâche, inspectant avec attention chaque recoin de la pièce dans laquelle nous nous trouvions.

Ne daignant pas avancer, je laissais mes Pokémons mener à bien leur inspection tandis que je jetais moi-même un oeil à l'endroit. À première-vue, c'était le coin "photo-souvenir" de l'agence. La boutique, en quelque sorte. Je trouvais ça un peu bizarre, mais à bien y réfléchir, ce n'était pas si anormal que ça. "Jīnguó Lóng, est-ce bien ça ?" Malgré l'ambiance oppressante que j'avais instauré dès mon arrivée, le ton de ma voix n'était pas agressif. En fait, ma question sonnait presque innocente.

Ne sachant pas encore à quel point j'étais libre de parler - mes deux Pokémons étant toujours à la recherche de potentiels outils de surveillance -, je prononçais chacun de mes mots avec une extrême prudence. "Comment vont les affaires ?" J'essayais de gagner du temps, ne voulant pas l'inquiéter plus que nécessaire. Mais finalement, voyant que ça prenait trop de temps, j'abandonnais cette idée. Autant aller droit au but. "Bon, ça suffit." Mes deux Pokémons s'arrêtèrent soudain dans leur fouilles et me regardèrent, attendant les prochains ordres. Cependant, mon regard ne se détacha pas pour autant de l'agent funéraire. "J'aurais besoin de vous parler. Auriez-vous un endroit où nous serions à l'abri des rapporteurs ?"

Je laissais un temps de pause, priant pour qu'il comprenne de quoi je parlais. Toutefois, je sentais que mon entrée en scène n'avait pas été des plus rassurantes. Alors, essayant de rattraper le coup pour ne pas m'essuyer un refus, je tentais de paraître plus rassurante. "Vous pouvez le prendre avec, sa présence ne me dérange pas." - Disais-je en pointant du doigt le Libégon. "J'aimerai juste que l'on soit moins... Surveillés. Si vous voyez ce que je veux dire."

Il savait ? Mon identité avait-elle fuitée ou m'avait-il simplement reconnu ? Non, c'était impossible. L'évolution de Cody n'était que tout récente, il aurait été quasiment impossible pour qui que ce soit de faire le lien et d'être aussi confiant. Ou alors était-ce possible et il était à ce point perceptif ? J'esquissais un léger sourire en coin. "Appelez-moi Miko. Kage Miko." - Précisais-je même. J'avais pris la décision de ne pas lui révéler ma réelle identité. Après tout, je n'étais pas encore sûre de s'il allait s'allier avec moi, alors même si c'était futile, il fallait que je préserve le flou quant à mon identité.

J'acquiesçais de la tête quand il me proposa de fermer la boutique deux heures. "Je ne crois pas que nous aurons besoin d'autant de temps, mais j'imagine que vous pourrez toujours rouvrir prématurément ? Mieux vaut viser trop large que trop juste." Et là-dessus, nous partîmes dans l'arrière-boutique. Je n'étais pas encore certaine qu'aucun dispositif de surveillance ne s'y trouvait, mais au moins, là, j'allais plus facilement pouvoir le coincer si les choses venaient à tourner au vinaigre.

Cody et Aix m'avaient suivi dans ce nouvel endroit, ma foi, plutôt banal. C'était une bête pièce avec les ressources de base pour une salle de détente, bien qu'elle restait à première vue plus confortable que ce à quoi je me serais attendue. Je m'étais dirigée vers un fauteuil et n'eus qu'à peine le temps de mettre ma main dessus avant que Jingó ne se mette à me faire part de ses interrogations. "Calmez-vous. Si j'avais vraiment voulu vous tuer, vous seriez déjà mort il y a bien longtemps." - Avais répondu d'une voix neutre, comme si ce n'était rien de plus qu'une évidence, tout en m'asseyant gentillement sur le fauteuil que j'avais sélectionné.

Oui, pour moi, c'était évident. Si j'avais voulu le tuer, je ne me serais pas embêtée à venir le voir en personne. Déjà parce que ça aurait pu me lier à sa mort, et puis surtout parce que j'avais quelques contacts qui auraient facilement accepté de s'en débarrasser à ma place, m'évitant de m'exposer au moindre risque. "Vous marquez un point cependant. Je suis bel et bien là pour discuter Victini. Enfin, en quelques sorte." - Repris-je.

Je me repositionnais, une jambe par dessus l'autre, et mes deux mains sur ma cuisse. Cette discussion était sur le point de devenir exotique. "J'en ai marre d'attendre, vous voyez ?" D'un ton plus grave, plus sérieux, je poursuivais. "Depuis combien de temps ça dure, hein ? Ça fait combien de temps que les Victinis existent ? Ça fait plus de 20 ans, et qu'ont-ils fait depuis ? Des manifestations et des attentas. Sérieusement ?"

Cody déposa soudainement sa main sur la petite pile que j'avais faite avec les miennes. C'était sa façon de me dire de me contrôler. Il avait raison... Je pris quelques secondes pour calmer la colère grandissante au fond de moi, et continuais mon explication. "J'en ai plus qu'assez de ces petits risques qui ne visent que des petites victoires, Jingó. Comment peut-on se réjouir d'avoir à peine réussi à voler quelques informations confidentielles ? Je n'arrive pas à comprendre comment même les Feux Follets peuvent se contenter de si peu. Depuis quand se contente-t-on de conneries superflus au lieu de résultats concrets !?"

Cette fois-ci, Cody m'agrippa fermement le poignet. Finalement, je n'avais pas réussi à la contenir, cette colère. Elle m'avait échappée. Tss... Je devais me reconcentrer. Et alors que Cody s'asseyait désormais sur l'accoudoir droit de mon fauteuil, je poursuivis, plus calmement. "Jingó..." - Disais-je en décroisant mes jambes et me penchant légèrement en avant, un ton plus sinistre s'étant manifesté dans ma voix. "On doit viser plus gros." Je laissais cette déclaration pendre dans l'air, puis croisant les doigts de chaque mains pour ne former qu'une boule ouverte, je laissais échapper le fond de ma pensée.

"Je veux leur arracher le pouvoir de force. Prendre la capitale, et crever cette Alba Tross une bonne fois pour toute, Jingó."

Cette conversation avait un petit côté curieux de par notre façon, très polie et courtoise, de parler de sujet aussi controversé que peuvent l'être le meurtre, les attaques terroristes et les coups d'états. Le silence qu'il avait maintenu en m'écoutant témoignait d'une preuve de respect, et aussi d'un intérêt pour ce que je lui disais. Finalement, j'avais bien fait de commencer par lui.

J'hochais la tête alors qu'il faisait l'inventaire de ce que je venais de lui dire. "Que voulez-vous. Aux grands maux les grands remèdes, comme on dit." - Disais-je soupirante, comme si ce n'était rien de bien grave et qu'on n'avait pas vraiment d'autres options. Évidemment que les Victinis n'étaient pas supposés être des criminels, mais à quoi servaient ces idéaux ? Non, à qui ? À qui la docilité des Victinis profitaient ? C'était bien là le problème.

Oups. Il semblerait que j'ai écorché son nom. Je me courbais légèrement en avant, m'excusant de ce fait. Veuillez m'excuser. Jinguó, donc ? Je le prononce correctement ? Si je voulais qu'il me respecte, il fallait que je commence par le respecter également. Une entente mutuelle était nécessaire pour le plan que je voulais mener, et ça commençait par là.

Je levais un sourcil en entendant ce qu'il avait à me dire. Il brûlait de désir. Il rêvait, lui aussi, de plus grand. Même cet acte pourtant capital à l'encontre d'une lieutenante avait été mis de côté par ses ambitions. Il avait un grain, ça me plaisait. Je lui souris en l'écoutant. Il tremblait légèrement. Il était presque possédé par sa haine de la haute.

Je pris un moment avant de répondre à ses questions. On entrait dans un terrain qui n'appartenait qu'au privé et qui aurait pu me m'attirer des ennuis s'ils venaient à fuiter, même si j'étais en l'état une personne toute autre que la Grande Prêtresse du Culte du Soleil. Pourtant, malgré ça, je ne pouvais m'empêcher de me dire en le voyant que j'avais tout à y gagner à lui répondre. Il avait l'air aussi désireux d'échanger que moi, et tout aussi inquiet que je puisse le balancer. "Évidemment. Cette conversation n'a jamais eu lieu."

Me redressant dans mon fauteuil, je jetais un œil à Cody, puis de nouveau à Jinguó. "Je ne pense pas que le nombre ait une quelconque importance. Je dirais simplement que je sais comment m'y prendre. J'ai déjà tué par le passé, et s'il fallait le refaire, je n'hésiterai pas un seul instant." Me rendant bien compte de l'horreur de ce que je venais de dire, je venais apporter une certaine nuance pour le rassurer, tant bien que mal. "Si ça peut vous rassurer, je ne m'en suis jamais pris à des innocents. Toutes mes victimes ont activement tenté d'entraver la lumière, d'une façon ou d'une autre." Une métaphore, à la fois pour maximiser l'impact de ce que je venais de dire, mais aussi pour dissimuler la vérité derrière ces belles paroles. La lumière n'étant que le reflet de ce qu'il pouvait s'imaginer que c'était.

On y arrivait. Il me demandait expressément ce que j'attendais de lui. "Dois-je en conclure que vous seriez partant pour m'accompagner ?" J'esquissais un léger rictus en coin de bouche. "On parle quand même bien de la Haute-Uthyrgham. Une attaque décousue serait à la fois inutile et dommageable pour les Victinis. Il faut frapper vite et fort. Abattre l'ennemi en un seul coup. Si vous souhaitez m'aider, c'est à vos risques et périls. C'est aussi faire une croix sur la vie que vous avez maintenant. Rien ne sera jamais plus pareil si vous m'épauler dans cette attaque." Je laissais ma dernière phrase planée un temps.

"J'ai besoin de quelqu'un qui peut m'aider à planifier le plan pour renverser l'Organisation Trismegis, et j'ai également besoin de quelqu'un qui puisse me trouver des informations, à la fois pour faciliter notre attaque, mais aussi pour recruter d'autres aides." C'était grisant d'en parler aussi ouvertement. Malgré mon ton légèrement malicieux, je tentais de garder une attitude plus vide d'émotion, plus diplomate.

Trop tard, je venais de me lever. Une part de moi ne pouvait plus supporter d'être assise, et avait besoin de toute la dextérité que mes jambes pouvaient m'offrir. Il ne me donnait pas l'impression d'être quelqu'un qui pourrait s'en prendre à moi, mais c'était instinctif. J'avais besoin d'être bien sur mes appuis, des fois quoi. "Vous m'avez l'air d'être la personne parfaite pour ce poste. Je ne vous l'imposerai pas, même si je ne vous comprendrai pas." Je plissais légèrement des yeux.

"Vous semblez rêvez de plus, et ce n'est pas avec les Victinis ou les Feux Follets que vous obtiendrez ce que vous désirez. Maiss ça, j'imagine que vous le savez déjà. Si toutefois vous avez besoin d'être rassuré, je serais ravie de répondre à vos questions. Je sais que je me présente à vous, visage masqué, mais je reste la leadeuse à l'origine de ce projet. Je ne peux pas me permettre de révéler mon visage à tout ceux que j'essaye de recruter. N'y voyez donc pas une quelconque malveillance. Ce n'est rien de plus que de la prudence."