Cela faisait déjà un petit moment que Ronnie avait été retrouvée échouée à Ahovu. Et pourtant, peu de choses s'étaient vraiment passées depuis. Elle était restée un long moment à l'hôpital de Bigorn'eau, mais personne là-bas ne savait vraiment quoi faire d'elle. C'est pour ça qu'elle avait fini par être transférée à l'hôpital d'Utyrgham. Là-bas, il y avait apparemment une psy qui pouvait s'occuper d'elle.

Allongée sur son lit d'hôpital, Ronnie regardait l'étrange bracelet à son poignet, son seul lien tangible avec son passé. Elle était plutôt enthousiaste à l'idée d'enfin être suivie, et de peut-être en apprendre plus sur ce qui lui était arrivé. Elle regardait autour d'elle, sa chambre d'hôpital. L'hôpital d'Utyrgham était clairement mieux équipé que celui de Bigorn'eau : le lit était plus confortable, et il y faisait moins froid la nuit, ce qui était toujours appréciable pour elle qui y restait un long moment.

Son regard se posa ensuite sur la plaque avec son nom marqué dessus. "Véronique Nihnda-Nanntiz". Elle soupira. Pourquoi avait-elle laissé cette infirmière choisir son nom sur les registres ? Elle se demandait bien ou elle avait pu chercher un truc aussi compliqué. Mais bon, c'était un peu tard pour changer maintenant. Le prénom ne lui plaisait vraiment pas, en revanche, c'est pour ça qu'elle demandait à tout le monde de l'appeler Ronnie.

Elle baissa les yeux vers son Stari, Gangstar, qui dormait paisiblement au pied du lit. Elle ignorait toujours quel était vraiment son lien avec lui. Était-il déjà son Pokémon dans sa vie d'avant, ou s'était-il juste accroché à elle au moment ou elle s'est échouée sur la plage, et avait décidé de rester avec elle ? Ce n'est pas comme s'il pouvait parler pour répondre à ses questions. Toujours est-il qu'il semblait s'être attaché à elle, et c'était réciproque. Elle se souvenait quand elle était encore à Bigorn'eau, elle aimait beaucoup les promenades au bord de la mer avec Gangstar. Sentir le soleil et le vent marin frais, laisser son esprit divaguer à ses pensées... Mais ce n'était plus possible à Bedwyr. Apparemment, vivre avec des Pokémon y était très mal vu. Elle l'avait bien senti quand juste après son arrivée, elle avait tenté de se promener dans les rues de la ville avec son Stari. Tous les passants l'avaient regardé de travers. Elle avait compris qu'elle allait devoir le cacher des regards. Rien qu'à l'hôpital, des quelques médecins qui connaissaient son existence, la majorité voyait ça d'un mauvais œil, bien qu'ils l'avaient laissée le garder. Dès qu'elle entendait quelqu'un arriver dans sa chambre, elle cachait Gangstar dans sa Pokéball, préférant éviter les remarques et les prises de tête. Ce petit jeu de cache-cache, et l'ambiance générale d'Utyrgham, commençaient vraiment à lui taper sur les nerfs. Déjà qu'elle n'arrivait même pas à écrire correctement le nom de la ville la plupart du temps.

Ronnie se leva de son lit, et commença à faire les cent pas dans sa chambre. L'heure de sa consultation approchait.

Lorsque Ronnie entendit toquer, elle s'empressa de rappeler Gangstar dans sa Pokéball, et de la ranger dans un tiroir. Puis, elle vint ouvrir la porte. Comme elle s'en doutait, c'était la psychiatre qui venait la voir.

"Enchantée." dit-elle en l'invitant à rentrer. "Vous pouvez m'appeler Ronnie. Je préfèrerais, même."

Elle laissa Sakuya s'asseoir sur le fauteuil, tandis qu'elle s'assit sur le lit, en face d'elle. Ronnie hésita quelques secondes lorsque la psy lui demanda comment se passait son arrivée ici. Si elle était tout à fait honnête, elle aurait répondu non. Mais elle hésita. Est-ce que c'était une bonne idée de lui parler de Gangstar ? Est-ce qu'elle allait aussi lui faire la morale sur le sujet ? D'un autre côté, elle était peut-être déjà au courant. Et puis, c'était une psy, ça n'avais pas beaucoup de sens de lui cacher des choses. Toujours hésitante, elle décida de rester évasive.

"Ben... ça va. Je crois qu'il me faut juste un petit temps d'adaptation."

Ronnie fut également surprise en voyant le Miaouss. Comment elle ne l'avait pas vu entrer ? Comment la psy ne l'avait pas remarqué la suivre ? Cela dit, sa présence rassura Ronnie sur la prédisposition de la psy à l'égard des Pokémon. Si elle-même en avait, elle ne devrait pas trop faire la morale par rapport à ceux des autres... Cette perspective l'aida à se relâcher, et la rendait plus disposée à s'ouvrir. Bon, pas non plus au point de sortir immédiatement Gangstar de sa Pokéball, mais si la situation menait à ça, elle serait disposée à le faire sortir.

"Non, il peut rester, y a pas de problème." répondit-elle.

Aller ou elle voulait... Ronnie n'avait pas vraiment refléchi à ce qu'elle ferait après son hospitalisation. Tout était tellement flou autour d'elle. Retourner à Uchina ? C'est vrai que l'idée était tentante. Mais il y avait aussi tout une région autour. Peut-être que l'explorer l'aiderait à trouver des réponses sur elle-même... Une chose était probable cepandant, qu'elle ne resterait pas très longtemps à Bedwyr.

Ronnie s'agaça légèrement en entendant la même question sur ce dont elle se souvenait, qu'elle avait déjà entendu une bonne dizaine de fois. Elle souhaita un instant qu'un des médecins ait noté sa réponse et l'ait transmise à tout le personnel de l'hôpital, qu'elle n'ait plus à le répéter. Mais bon, elle se calma assez vite - c'était un peu inévitable dans sa situation - et répondit à la question sans rien laisser paraître.

"Eh bien, honnêtement, c'est le trou noir. Je ne me souviens ni de mon vrai nom, ni d'où je viens, ni de mon passé... Si mes souvenirs sont vraiment toujours là, bah ils sont très bien enfouis. En fait... les plus gros indices que j'ai ne viennent même pas de ma mémoire."

Et en disant ça, elle releva sa manche, et montra son étrange bracelet.

"Par exemple, je portais ça à mon réveil. Tous les gens à qui j'ai demandé n'ont aucune idée d'où ça peut venir. Je suis même allée demander à des bijoutiers. Peut-être que vous, ça vous dit quelque chose ?" demanda t-elle, sans vrai espoir de réponse positive.

Le Miaouss était resté plutôt calme. Il était venu frotter sa tête contre la jambe de Ronnie. Elle a baissé la main pour le caresser une paire de fois, mais pas vraiment plus, ce n'était pas vraiment pratique dans sa position.

"Le prendre en photo ? Euh, oui, pas de souci."

Ronnie tendit son bras, et laissa Sakuya prendre quelques photos du bracelet sous différents angles. Elle était plutôt enthousiaste, car ça lui semblait une piste encourageante. Elle fût un peu surprise, cependant, lorsque la psy lui demanda de ne pas parler de cette histoire autour. Elle était visiblement en train d'outrepasser ses fonctions de psy en faisant ça. D'un côté, ça arrangeait Ronnie, mais de l'autre, elle trouvait ça un peu étrange. C'était leur première séance, et elles se connaissaient à peine. Peut-être était-ce juste un excès de zèle, qu'elle voulait l'aider car c'était sa patiente, tout simplement. Quoi qu'il en soit, ces doutes que Ronnie avait restaient très légers, et elle la laissa faire avant de continuer la discussion comme si de rien n'était.

"À mon réveil ? Ben... pas grand chose à dire. J'étais dans une chambre d'hôpital, et l'infirmière m'a tout de suite bombardée de questions, auxquelles je n'avais aucune réponse. J'ai essayé d'y refléchir à tête reposée, mais rien ne m'est venu, à part quelques bribes incompréhensibles."

"Oui, vous avez sûrement raison. Si les souvenirs veulent pas remonter, ça sert à rien de forcer." dit Ronnie d'un ton rieur.

Elle plaisantait, mais ça lui faisait du bien d'entendre ça. Elle qui avait plutôt tendance à beaucoup gamberger là-dessus, puis se sentir mal parce que rien n'en ressortait, ça allégeait un peu le poids sur ses épaules. Surtout si ça venait de la psy.

"Vivre toute seule ? Bah, pour tout vous dire, j'avais déjà un peu commencé à y refléchir. Je vais pas squatter l'hôpital indéfiniment non plus."

Elle l'avait dit sur le ton de la blague, mais elle ne se sentait pas vraiment à sa place dans cet hôpital. Elle était loin d'être infirme après tout. Même si le lit gratuit était appréciable vu sa situation.

"Je pensais déjà à me prendre un petit boulot. Par exemple, j'ai vu des restaurants qui recherchaient un livreur. Pour ce qui est des études... je sais pas trop. J'imagine que ça se tente, mais je suis pas sûre que ce soit pour moi. Et puis je sais pas vraiment quel domaine m'intéresserait."

Et en plus de ça, de ce qu'elle avait crû comprendre, la plus grosse université de la région se trouvait à Utry... Utygr... cette ville, là. Mais elle n'avait pas vraiment envie de se donner plus de raisons de rester ici.