Je ne sais pas combien de temps je suis resté endormi, mais durant tout ce temps, j’ai revécu en boucle les événements de l’attentat. Est-ce que mon rôle a servi à quelques choses? J’ai l’impression que non, car je n’ai aucun souvenir que les policiers soient intervenus. Je ressens toujours une vive douleur du côté droit du crâne avant de tomber inconscient et puis tout recommence encore et encore, un cauchemar qui ne veut jamais prendre fin.

Et puis, soudainement, tout reste noir, mais je n’entends plus de coup de feu, plus d’attaque pokémon, je n’entends plus Luka crier d’impatience, juste des voix qui me sont inconnues et une sirène. Police? Ambulance? Pompier? Je n’arrive pas à les reconnaitre. J’entends des voix, elles parlent de pression élevée, blessure grave, hémorragie. J’essaie de bouger, mais je sens quelque chose me retenir, j’entrouvre l’œil gauche, je ne vois pas grand-chose, puis je tombe à nouveau dans un sommeil silencieux et sans rêve.

Malgré tout, lorsque nous arrivons ce que je suppose être l’hôpital, mon cerveau reprend conscience, mais je n’arrive pas à ouvrir les yeux. J’entends parler d’opération, mais encore une fois, impossible pour moi de parler ou de bouger. Je suis dans les vapes, je suis conscient de mon environnement sans avoir la possibilité de faire quoique ce soit comme si j’étais paralysé de mon propre corps. Je ne vais quand même pas rester comme ça jusqu’à la fin de ma vie!?

Mon esprit se calme soudainement alors que les effets des médicaments font effets. Je ne sais pas ce que l’on m’a donné, mais c’est suffisamment fort pour que je n’essaie pas de garder mon esprit éveillé. Malgré tout, je sens qu’on joue dans mon œil droit. On retire quelque chose, je ne sais pas quoi, mais tout ceci dure plusieurs minutes. Lorsque tout ceci se termine enfin, le silence revient et je laisse enfin mon cerveau se reposer.

Entre temps, le médecin ayant en charge Lysandre s’est occupé de rejoindre sa famille. Iris qui travaillait ce jour-là s’est présentée sur les lieux pour assurer l’état de son frère. Heureusement, l’opération fut à moitié un succès : l’œil ne put être récupéré, mais les débris de verres furent retirés sans hémorragie et avec les bons soins de sa sœur, la plaie parviendra à cicatriser d’elle-même avec le temps. Iris averti ses autres sœurs l’état de leur frère avant de contacter Dahlia. Elle l’avisa que Lysandre avait été blessé d’une façon inconnue, qu’il allait s’en sortir, mais qu’il était toujours endormi. Elle lui proposa de la rejoindre à l’hôpital de Bedwyr où elle travaillait pour lui faire un meilleur topo. De plus, Lysandre appréciera sûrement de la voir lorsqu’il sortira de son sommeil profond.

Je sors enfin de mon sommeil. Première constatation : je ne vois rien du côté droit. J’ai tout le visage droit engourdi et je ne ressens pas de douleur contrairement à la veille durant l’attentat. Sans doute les antidouleurs donnés par les médecins. J’aperçois ma sœur, Iris, qui entre dans la chambre pour prendre mes signes vitaux.

- Je croyais que tu ne pouvais pas t’occuper des membres de ta famille, car c’était contraire à ton code d’infirmière.

Ma sœur me fait signe de baisser le ton. Je ne comprends pas pourquoi jusqu’à ce qu’elle me pointe quelque chose sur ma droite que je ne vois visiblement pas. Je tourne la tête pour apercevoir Dahlia qui s’est endormi près de moi, tenant ma main. À cause de tous ces antidouleurs, je ne ressens plus grand-chose et donc je n’ai pas senti la présence de Dahlia.

- On manque de personnel, alors on m’a attribué ton cas. Tu n’auras pas le choix de m’endurer durant ton séjour ici. Dit-elle à voix basse alors qu’elle prend mes signes vitaux.

- Ça fait longtemps qu’elle est là? Demandais-je.

- Quelques heures, elle s’est endormie il y a peu. Nous, nous inquiétons beaucoup pour toi Lysandre. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que tu finisses dans cet état? Demande-t-elle inquiète. Je ne peux quand même pas lui dire la vérité! - Bon sang… Je ne peux pas rester plus longtemps, les urgences sont débordées à cause de ce qui s’est passé à Uxie. Je repasse dans quelques heures.

Ma sœur s’éclipse. Je suis soulagé de ne pas avoir à lui raconter des mensonges. Par contre, je me doute bien que Dahlia m’en posera lorsqu’elle se réveillera. Je ne peux quand même pas lui dire que j’étais présent durant l’attentat… Elle croira que je fais partie des extrémistes… Elle ne comprendrait pas si je lui racontais la vérité… Pour tenter de ne pas y penser, je reprends contrôle de ma main et la dépose doucement sur sa tête, caressant ses longs cheveux noirs. Avec tout ça, je tombe dans mes pensées et repenses à tout ce qui s’est passé ces 24 dernières heures.

Je ne peux m’empêcher de sourire lorsqu’elle me dit que je suis enfin réveillé alors qu’elle dormait à point fermé deux secondes plus tôt. Je continue de lui caresser les cheveux jusqu’à ce qu’elle vienne se blottir contre moi. Je tire un peu la langue, même si visuellement je n’ai que l’œil blessé, j’ai quand même quelques courbatures suite aux événements à l’Académie Uxie.

Un accident à mon travail… Il devait avoir un défaut de fabrication avec la nouvelle machine à café, mais lorsque j’ai voulu préparer le nouveau pot de café, la cafetière m’a explosé au visage. J’ai reçu des morceaux de verre dans l’œil. J’ai eu de la chance que ça n’ait pas touché mes deux yeux.

En effet, j’ai bien eu de la chance. J’aurais pu finir dans un plus sale état que maintenant surtout lorsqu’ils ont découvert que j’étais un traitre. Je ne peux pas lui raconter ce qui s’est réellement passé, je ne voudrais pas qu’elle me considère comme l’un d’eux alors que j’étais en infiltration pour la police : police qui n’a pas fait grand-chose à mon goût.

- Pour être franc, je ne ressens pas grand-chose du côté droit. C’est sans doute les antidouleurs qui font ça. Je n’ai pas eu la chance de me regarder dans le miroir, je n’ai pas trop l’air amoché?

Je sais que je devrais lui faire plus confiance et que je ne devrais pas lui mentir, mais je doute qu’elle comprenne mes raisons lorsque j’ai participé à l’attentat terroriste. Si elle apprenait que j’avais menacé un gamin avec un pistolet, elle m’en voudrait pour toujours, mais jamais je n’aurais tiré…

Heureusement, elle semble croire à mon mensonge. Mettre le coupable sur mon emploi ou plutôt sur du matériel défectueux, je m’en veux un peu, mais si c’est pour éviter les foudres de ma copine. D’ailleurs, cette dernière lève le ton : elle espère que je porterais plainte à cause de matériel dangereux qui aurait pu me couter la vie.

En y repensant, j’ai vraiment eu de la chance sur ce coup que le verre de me frappe pas à la gorge. Je prends conscience que j’aurais pu y passer cette journée-là. Pour tenter de changer l’atmosphère, je lui demande si je suis bien amoché. Elle me répond que non et qu’elle me trouve toujours aussi beau. Je souris.

Par la suite, elle me propose de vivre avec elle à Bedwyr le temps de la guérison de mon œil. De plus, elle ajoute qu’elle passera en cours contre son père dans deux jours. Avec tout ça, j’avais presque oublié à quel point Dahlia doit être stressée. Je la serre dans mes bras.

Je vais sûrement sortir bientôt lorsque ma sœur me donnera le okay. J’accepte ta proposition, je crois également que ça me fera du bien de m’éloigner un peu…

J’essayerais également d’être plus présent pour ma petite amie qui devra vivre beaucoup de chose prochainement. Je veux être avec elle comme elle l’est avec moi présentement. Je l’embrasse tendrement et nous passons une bonne partie de la journée ensemble.

Quelque fois, ma sœur vient prendre de mes nouvelles, mais je ne revois pas le médecin avant tard le soir. Il me dit bien évidemment qu’il n’a pas pu sauver mon œil, mais qu’ils ont pu retirer tous les morceaux de verre et que la guérison devrait bien aller. Il me donne quelques consignes pour la suite : désinfection, pansement et ce que je dois faire s’il y a infection. Il me dit que je peux toujours voir une infirmière si jamais j’ai besoin d’aide pour changer le pansement. Je ne sais pas si je vais me souvenir de tout ça, mais je connais ma grande-sœur, elle va m’appeler tous les jours pour m’assurer que je fais les choses correctement et que je n’oublie rien.

Une autre journée s’écoula et je pu quitter le soir même. J’étais heureux d’aller vivre avec ma petite amie, mais je ne sais pas si je pourrais encore bien longtemps endurer seul mes propres démons…

Lorsqu’elle me propose d’aller chercher ma médication le lendemain, je dépose maladroitement un baiser sur sa tête. Ce qu’elle peut être attentionnée! J’avoue me sentir choyer d’être chouchouter de cette façon. Je tiens quand même à la rassurer concernant la douleur.

Le médecin m’a donné suffisamment d’antidouleur jusqu’à après-demain si jamais. Sinon, je peux toujours appeler ma sœur, même si elle n’aime pas vraiment contourner les règles du système de santé.

Dahlia tient vraiment à me tenir le bras, même si je lui ai dis un peu plus tôt que je n’étais pas aveugle, mais juste borgne. C’est peut-être à cause des effets des médicaments, mais j’ai manqué de peu de foncer dans le cadre de porte. Finalement, j’accepte son aide jusqu’à la main.

Cela faisait un moment que je n’y avais pas mis les pieds, je crois que j’y suis aller une seule fois depuis le début de notre relation. Dahlia m’attire dans le salon où nous, nous installons. J’avoue que regarder un film dans mon état ne m’intéresse pas vraiment. Ma concentration est au plus bas et la fatigue au plus haut.

Je sens que Dahlia tente des rapprochements, elle se rapproche de moi et sa voix se veut plus suave. Mon cœur bat de plus en plus fort et même si en général j’en aurais eu envie, un mal de crâne sans doute causé par la fatigue oculaire dissipe mes désirs. Même si le baisé dans mon cou me donne un frisson, je doute d’être à la hauteur ce soir.

Désolé Dahlia, je ne crois pas pouvoir te donner ce que tu souhaite ce soir. Je tiens à peine debout et avec ma vision quasi-nulle, je ne crois pas que j’y arriverais… avouais-je gêné. J’espère seulement qu’elle ne le prendra pas mal et qu’elle comprendra…

Nous avons quitté l’hôpital pour aller chez Dahlia. Demain, nous irons chercher mes médicaments et sans doute quelques vêtements chez moi. Pour le moment, j’ai surtout besoin de me reposer. Même si j’ai dormi plusieurs heures suite à l’opération, je me sens quand même très faible physiquement, sans doute à cause des antidouleurs. Je ne me suis pas vu dans le miroir encore et un pansement couvre mon visage.

Assis sur le divan, Dahlia se veut aguicheuse, mais malheureusement, je ne peux pas lui donner ce qu’elle veut et je lui fais savoir. À contre cœur, elle vient poser sa tête contre moi. Je le sens un peu qu’elle est déçue, mais je compte bien me rattraper lorsque j’irais mieux. Elle s’excuse, mais je ne sais pas quoi répondre, alors je reste silencieux et lui caresse le dos, la nuque et les cheveux pour l’apaiser.

Je ne sais pas si ça fonctionne, elle se lève peu de temps après et me propose d’aller dormir si je veux et de ne pas me gêner si j’ai faim. J’hoche la tête et observe la jeune femme s’installer à table avec un verre. Je l’observe en silence.

Ça va? Tu n’es pas trop tendu? Je suis sûr que toi et ton avocate parviendront à le mettre en prison.

Je me suis rapprochée, lentement, mais sûrement, de Dahlia pour lui donner un baiser sur la tête. Je la vois qui lit des documents.

Je peux venir pour te soutenir si tu veux… D’ici là, ça devrait aller mieux pour ma blessure à l’œil. Tu ne devrais pas à supporter ça toute seule.