Surya lance un coup d’œil vers son Holomontre – c’est bientôt le moment. Mais déjà, il serait bien de situer pourquoi il se trouve à Nori-sur-Mer, bien loin du district central.
Ces dernières semaines ont été agitées ; l’organisation du contrôle de l’orphelinat, son travail de policier bien plus pesant, le secret qui le reliait à sa sœur … il n’était pas au bout de ses peines.
Et puis, contre toute attente, il avait aussi adopté de nouveau Pokémon : un Evoli et un Cornèbre, Deux Pokémons abimés par les humains, ayant repris peu à peu confiance en ces derniers.
Surya voulait les garder temporairement : mais comme à chaque fois qu’il s’est dit ça, il a fini par revenir sur sa décision. Cet Evoli aux forts caractères avait envie de combattre, il le sentait, et lui avait fait le cadeau du Pierre Eau. L’oiseau ne semblait pas ressentir la même chose, mais Surya l’avait tout de même accepté à ses côtés.
Puis, il y avait le second Evoli : l’évoli d’argent, à la crinière inhabituelle, à la méfiance plus résistante que tout. L’ami du premier qui, parfois, épier les gestes de Surya, de son ami, de son équipe, et qui se retrouvait souvent à la suivre… pas que ça faisait vraiment peur à Surya.
Non, le Pokémon faisait même un peu partie de l’équipe, et avec les semaines, il avait accepté la Pokéball tendue par Surya. L’espoir de calmer la peur qui animait ce pauvre renard.

Ce qui explique déjà l’oiseau présent sur l’épaule du champion, et le Pokémon chromatique marchant devant lui. Il n’est pas reconnaissable, avec de telles créatures ; son apparence, elle aussi, est un peu dissimulée. Sa tenue est celle d’un civil, tout simplement parce qu’aujourd’hui, il ne veut pas se faire remarquer.
En effet, s’il est là, c’est pour mettre la main sur une ennemie de l’organisation : une jeune femme faisant partie de la Milice, qui aurait des connaissances dans ces coins-là. Il regarde encore une fois l’heure – c’est le moment.
Elle devrait quitter la maison de son fournisseur pour s’aventurer dans la rue. Et là, le policier serait prêt à agir.  

Après quelques instants, la silhouette fait son apparition. Surya reconnaît rapidement cette jeune femme ; il regarde la photo … ses cheveux sont plus cours, d’une couleur différente, mais c’est bel et bien elle. Maliah Kua.
Il se faufile, ne se fait pas remarquer. Obtient le plus d’informations possibles.  Parce que c’est ça son travail … l’organisation fait la même bonne chose, non ? … Il a des doutes, mais les enferme, encore et encore. Si bien qu’il perd un peu sa trace ;
S’enfonçant dans le quartier populaire de la ville, de l’inquiétude se lit presque sur ses traits fatigués. Finalement, son regard est attiré dans une autre ruelle, des plus sombres et inquiétante. Enfin, comme si ça, ça allait effrayer un policier.
Il l’observe, donner quelques paquets à des enfants. Son estomac se tord. Peut-être qu’à quelque élément près, il aurait pu se retrouver là, dans la misère.
Ou bien encore dans la Milice. Il noie cette pensée, la refuse.
L’organisation est son seul foyer.

Pensif, encore et toujours, ses pensées tentent de le noyer, de l’étouffer, de lui fait perdre le peu de foi qu’il lui reste. Il lutte contre la noyade, encore et encore ; si bien qu’il perd la jeune femme.
Une fois de plus.
Il s’aventure dans une ruelle sombre, et là, un contact froid vient rencontrer sa gorge. Une lame glisse sur la peau immaculée, autrefois dorée par le soleil.
« Ca fait … un moment que tu me suis, non ? Je savais qu’il y avait quelqu’un ! » Une voix féminine souffle contre sa nuque. Le policier se tend ; il sait comment la faire lâcher, après tout, il n’est pas un simple fonctionnaire.
C’est à ce moment que l’Evoli d’argent décide de refaire son apparition. Il mord la cheville de la femme, puis réussi à sauter jusqu’à son poignet. Il est hargneux, pleine de haine, presque surprotecteur.
La jeune femme lâche, un juron franchit ses lèvres, et là, elle se trouve à découvert. Ses yeux déterminés croisent le regard placide du champion.

« Toi, en plus … ! » Elle a presque honte de le voir, lui, ce champion déchu. « Est-ce que tu viens de te rappeler de ton district ? C’est ça, hein ?! » Elle se calme, après quelques instants ; Le policier la regarde, se rapproche, et le dos de la femme viens percuter le mur.
« Embarque-moi, si tu veux … mais … je sais que tu as des infos sur moi. » Elle ne faiblit pas face à ces orbes aquatiques. « Tu a observé mes contacts, je suppose ? Laisse-les. Il faut bien … que quelqu’un reste s’occuper des enfants. » Il a honte, il baisse le regard.
Maliah Kua. C’est elle, qui cherche, pourtant …

Pourtant, il n’arrive pas à se sentir insensible à ces yeux plein de rage. « Qu’est-ce que tu fais, dans ces quartiers ? Tu n’habites pas ici. » Enfin, il ose ouvrir la bouche, déverser des paroles presque sans émotions.
Elle soupire. Elle a peut-être un peu honte, elle aussi. « J’essaie d’envoyer des rapprovisionnements. Tu connais pas l’état de ce district ? » Elle parle un peu plus d’égal à égal. Elle a déjà presque abandonnée la partie, mais elle veut protéger ses proches, son entourage, son district ; Elle tend les mains, lui laissant tout le loisir de la menotter. « Certains sont malades. D’autres crèvent de faim. Et Bedwyr fait jamais rien pour ça. Moi, je peux pas laisser passer ça. Lutter contre la Haute, c’est tout ce qu’il me reste. » Elle baisse.
Surya regarde ses poignets. Sa main glisse sur une paire de menottes. Pourtant, il ne les utilise pas.
Ses orbes croisent encore une fois les siens. Il ne peut s’empêcher de se sentir mal ; ce n’est pas pour cette « égalité » qu’il lutte. Il jette un œil à son holomontre, puis l’éteint, par simple paranoïa. Il espère rester encore quelques temps sans soucis avec sa hiérarchie, tout de même.

« Je vais te laisser partir. » Ces mots sonnent presque irréelles, dans les oreilles de la jeune femme. « Fait comme si tu ne m’avais jamais vu. » Et le policier fuit : il fuit sa proie, comme il fuit le dégout qui l’accable. Il sait que quelques temps auparavant, il l’aurait fait finir entre quatre murs de prison.
Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ?

« Je … » Elle prend la parole, prenant quelques instants à comprendre ce qu’il se passe ; puis fait volte-face, se plaçant devant lui. Peut-être qu’elle y voit une graine de rébellion. Alors, elle lui donne une adresse. « Si un jour … tu veux que je te remercie. » Et elle file, comme ça.
Et Surya ne peux s’empêcher de se sentir tiraillé.