ACTE I
SCÈNE 2
Ambre Kohaku Akitsune, travesti en Dame Vermeille, 35 ans, seul dans l'isoloir en attendant un prêtre pour se confier.
Kôyô, Heian, Sanctuaires Izumo
DAME VERMEILLE, hilare et moqueuse, à voix basse.
Pffff, uhuhuh~ Que croiyait-il ! Cet homme que j’avais charmé à l’instant, j’allais certainement m’en amuser quelques nuits et le jeter très rapidement ensuite, une fois qu’il ne m’intéresserait plus. Que croyait-il ? Qu’il était l’heureux élu de mon cœur ? Comme c’est risible ! On ne m’attache pas, moi. Il sera au mieux un très bon amant d’un soir. Le fruit de mes désirs pour mon seul et unique profit.
PRÊTRE DU SOLEIL, entrant de l’autre côté de l’isoloir.
Bien, commençons, mon enfant. Qu’avez-vous à me confier, à ce jour ?
DAME VERMEILLE, soupirant et feignant de larmoyer, d’une voix féminine.
Il s’agit de la femme qui vous a avoué avoir tué de sang-froid un homme à l’adolescence, mon père. Même si Ho-Oh me pardonne, comment pourrais-je me pardonner ? Légitime défense il y a eu, mais je ne cesse de me demander si je n’aurais pas mieux fait de fuir sans prendre sa vie. La nuit, je revois la scène, imprimée dans ma rétine, pour toujours et à jamais.
PRÊTRE DU SOLEIL, compatissant.
Cet homme vous voulait du mal, et vous n’avez fait que vous défendre. Qui sait ce que vous seriez devenue si vous étiez restée. Peut-être que s’il était resté en vie, vous auriez pu subir des répercussions plus tard. Maintenant, pensez-vous un jour admettre à la police que vous êtes à l’origine de cet homicide involontaire ?
DAME VERMEILLE, restant silencieuse sept secondes avant de répondre avec fermeté, sans répondre à sa question.
Pensez-vous qu’il était involontaire ? J’ai certes réalisé ce meurtre pour être certaine qu’il ne me pourchasse plus, mais c’est bien moi qui avait la lame dans la main. J’étais en parfaite possession de mes moyens, vous savez.
PRÊTRE DU SOLEIL, avec conviction.
Je prierai le Ciel que Notre Père vous pardonne vos péchés, mon enfant. Si aux yeux de la Justice vous êtes innocente, aux yeux de Notre Bienfaiteur, vous êtes un Cabriolaine égaré capable de remise en question. Vous avez déjà parcouru un long chemin spirituel en étant venue vous confier. Un jour, vous verrez la lumière au bout du chemin, et vous réussirez à vous pardonner, quelle que soit la manière. Soyez bonne envers vous-même et pratiquer la Gratitude chaque jour. Vous verrez que tout s’arrangera en votre for intérieur.
DAME VERMEILLE, pensive.
Vous êtes sage, mon père, et vous avez raison. Le temps fera bien les choses, et j'en ai besoin. Même si cela fera bientôt vingt ans, j’espère pouvoir me pardonner d’ici la fin de ma courte existence.