Il est toujours des plus grisant de participer à un combat d'arène. Enfin, quand je parle de participer, pour ma part, c'est se poser dans les gradins, le plus possible dans l'ombre, et admirer de loin les performances des challengers autant que des champions. La puissance des Pokémons est excitante, mais le plus merveilleux reste les stratégies imaginées par les dresseurs. Il n'y a rien de plus jouissif qu'un coup dont on ne s'attendait pas. Dommage que la plupart n'ont aucune jugeote et fonce simplement dans le tas. Il y a pourtant tellement à faire, que ce soit en usant du terrain semi-aquatique, des attaques de status ou encore avec les enchaînements.

Ce challenger-là, avec ses cheveux blondinets en pagaille, et encore un novice, cela ce voit. L'hésitation se lit dans ses gestes et dans le ton de sa voix. Il a bien essayé de mettre en place une sorte de plan, je crois, mais le champion Mirza en a vu d'autre. Je pense qu'il aurait pu le finir plus vite, mais qui sait, peut-être avait-il voulu jauger un peu de sa force ou lui donner un petit espoir ? Peu importe, le résultat est le même. Je ne dirais pas que je suis déçus, mais la surprise me manque.

Caché dans mon coin, j'en ai profité pour faire sortir Brume. La petite Cornèbre aux extrémités grises est encore en apprentissage. J'aimerais qu'être invisible devienne comme une seconde nature pour elle et je lui intime, d'un chuchotement, de se faire discrète. Elle hoche la tête puis, de ses petites pattes, s'éloigne, le néant la recouvrant assez vite. Noir sur noir, elle se fond parfaitement dans les coins moins éclairés de l'arène.

Je ne me souviens d'elle qu'à la fin du combat, quand les lumières s'allument et que les spectateurs se lèvent pour quitter le terrain. J'en fais de même, trainant mon regard un peu partout à la recherche de la tête à chapeau pointu de mon Pokémon. Je laisse passer les autres, attends un peu à l'écart, puis, une fois seul, siffle un seul et léger coup.

Pas de réponse... Un reste de brouhaha des personnes maintenant lointaine et le silence du terrain vide. Hum, elle sait pourtant que le sifflet est un rappel, mais ce n'est encore qu'un bébé. Peut-être était-ce trop tôt encore pour tester sa furtivité en public ?

Je parcours les tribunes, silencieux, mon chapeau au bord des yeux. J'ai envie de fumer, mais je me retiens, détestant le faire en intérieur, et je lance un second sifflement en levant le regard vers le toit, essayant d'imaginer tout les endroits sombre ou elle aurait pu disparaitre. Et si elle était même carrément sorti ? Non, je ne pense pas. Si je suis d'ordinaire patient, là, je commence à m'agacer. Être encore ici va paraitre louche, attirer les questions et les regards des gens qui travaillent ici et ça, je n'aime pas du tout. Je retiens un soupire, fait jouer mes doigts sur la rembarre des gradins qui surplombe le terrain puis finalement, lance un dernier sifflement, plus long.

Ah, voilà, fini la tranquillité et les ombres. Je tourne mon regard vers la voix pour y reconnaitre Sūrya et son mini poiscaille. Bon, ça va, cela aurait put être pire, comme rencontre. Certes, je ne dirais pas non plus qu'on est de très grands amis qui papotent, rient et se tapotent l'épaule à chaque rencontre, mais je sais également que ce n'est pas non plus un idolâtré du régime qui va me coffrer la petite Brume pour son petit cache-cache. Quand il demande si elle s'est enfuie, j'esquisse un rapide sourire et tire un peu sur le bord de mon chapeau pour le redescendre vers mes yeux.

"Bingo champion."

Je hausse par la suite les épaules dans un air un peu désolé, même si je le suis bien plus pour moi de pas avoir pu partir tranquille sans attirer l'attention que pour lui.

"C'est encore qu'un bébé. Elle n'a pas l'expérience et l'obéissance de son prédécesseur . Apprendre le métier de coursier à un Pokémon si jeune n'est pas des plus facile... Ou c'est moi qui me fait vieux."

Mon regard se pose sur le poisson puis, histoire de faire la conversation en attendant que la Cornèbre nous rejoigne en se disant qu'il est bien long se cache-cache, je rajoute :

"J'ai vu que tu avais un nouveau Pokémon dans ton équipe."

Cela devait faire un peu râler ses patrons non ? Eux qui prônent la séparation des espèces, avoir un des leurs qui s'en entours encore plus devait un peu faire jaser, même si, techniquement, c'était pour le "travail" de champion d'arène.

Un peu de deux... Je fis une légère moue avant de hausser les épaules avec un léger sourire. Bah, c'était pas totalement faux en fait. On vieillissait tous de minutes en minutes et si l'éducation, en général, était facile, il n'y aurait de problème nul part, n'est-ce pas?

Je trouve cela assez amusant qu'il soit bien plus inquiet pour Brume que moi. Ah, il a beau être lié aux cols gris, il ne peut pas franchement caché son amour de ces créatures. Cela ce lit dans son regard autant que dans sa façon de combattre sur le terrain. D'ailleurs, le voilà qui semble un peu surpris par ma question. Allons, il devrait ne plus être surpris par ma curiosité et mes questions lancés tel autant de cannes à pèches dans un lac d'information. Et puis, je suis quelqu'un de l'ombre, j'ai donc ce besoin de mettre la lumière (et l'attention) sur les autres plutôt que sur moi. Cela lui va bien, d'ailleurs, d’être à la lumière, malgré ce que les autres disent. Certes, il n'est pas le plus loquasse ni le plus pétillant de vie, mais il me fait penser à l’océan, calme et profond, silencieux mais dangereux à sa manière.

Je hoche la tête à ses paroles, notant le fait qu'il l'avait apparemment "déjà" croisé, mais à sa façon de revenir sur Brûme, je comprends aisément qu'il n'a pas envie de s'y étendre. Dommage, car les secrets les plus intéressant sont souvent ceux qu'on refuse de donner... Et c'est ce qui attire le plus de convoitise (Et provoque le plus de chaos, accessoirement, enfin, la plupart du temps.)

"C'est admirable d'avoir un Pokémon qui nous choisit. Tu avais dût lui taper dans l’œil je suppose....

Je lui lançais un regard au coin avant de rajouter :

D'ailleurs, j'adore les couleurs de sa robe. Oma-Oma, c'était pour les vacances ?"

Je lui propose d'un signe de la main d'avancer avec moi dans les gradins pour rechercher Brûme même si, pour le coup, cela m'arrangerait qu'elle me rejoigne un peu plus tard. Elle est mon gage qui me permet de suivre cette conversation tranquillement. Chercher sa bestiole seul, c'est suspect, oui... Avoir l'air de papoter entre "potes" en se baladant dans les gradins, bien moins. Et puis, j'ai toujours une botte secrète pour l'attirer, la belle aux ailes noires.

Je dois avouer que je n'ai jamais compris pourquoi les gens pouvaient être attaché à leur endroit de naissance ou à celui où ils ont grandit. Certes, l'architecture et la façon d'être des gens peut être différent d'un endroit à un autre, mais cela ne reste qu'un bout de terre commun, qu'un bâtiment banal, qu'un amas de personne qu'on a seulement eu l'habitude de voir. D’apprécié aussi? Pour ma part, je ne me suis jamais vraiment senti appartenir à un endroit en particulier, peut-être est-ce que je voyage trop pour cela? Est-ce que j'aimerais me sentir "chez moi" quelque part, comme le disent certains ? Certainement pas... Parce que cela voudrait dire que je m'y serais habitué, que cela deviendrai une norme et donc, un endroit sans surprise.

"Tout ce qui est rare est précieux. Fais attention qu'on ne cherche pas à te la prendre, certains sont devenus très doués pour ça."

Surtout ici où il faut garder les Pokémons cachés. Une bestiole est plus facile à voler quand elle est enfermé dans sa ball que quand elle est à l'air libre. Certains Victini été devenus des as dans la rapt de Pokémon, soit disant parce que ces créatures sont bien mieux avec eux après qu'avec l'ennemi. Vu certains, je n'en étais pas vraiment sûr... Que Surya n'y voit donc pas une menace, se serait plutôt même un conseil. Ce serais ennuyant qu'une aussi belle créature ne puisse plus apparaitre lors de magnifiques combats.

A sa question, je relève le regard vers le sommet de l'arène puis lâche un soupire. J'ai bien un moyen de la faire apparaître, mais fouillant dans mes poches, je me rends compte que je n'ai pas ce qu'il faut pour. Je repose alors mon regard sur le champion :

"Tu n'aurais pas une pièce par hasard?"

Un léger sourire passa rapidement sur mes lèvres, amusé. Je me doutais bien qu'il ne se laisserais pas faire et un instant, je me demandais si j'allais pas croiser son chemin à l'un de nos voleurs, juste pour le voir mettre de la passion à défendre les siens. Peut-être, oui, un jour. Mais pas maintenant. Quitte à provoquer ce genre d'affrontement, je veux que cela soit épique. Avec un duel impressionnant. Et je ne voyais pas, actuellement, qui en serait capable sans décevoir mes attentes. Peut-être est-ce que j'exige trop, pour se monde?...

Quand il tendit la main, je récupérais la pièce avec un signe de tête en remerciement. Ce doute-t-il qu'il ne la rêvera jamais? Les Cornèbres gardent jalousement leurs butins. Certes, je vais lui rembourser, mais pas aujourd'hui. Mes poches sont vides, actuellement. Parfois, être a l'écoute ne suffit pas et mes dernières pièces ont fini dans les poches d'un informateur avant de venir assister à son combat. Je n’apprécie pas pour autant avoir des dettes alors je rajoute avant de me retourner vers le terrain :

"Je te rendrais ça la prochaine fois. Parole donnée."

Je ne suis pas un ange, pas quelqu'un de recommandable, ni de sociable, parait-il, mais j'ai toujours tenu mes engagement et mes paroles données. Du moins, faut-il toujours bien faire attention aux mots que j'utilise quand je les offre. Mon regard scrute les gradins puis le terrain plus bas, avant de lancer la pièce d'un claquement de doigt. L'objet doré s'élève, tourne sur lui-même, amorce une descente vers le terrain avant qu'une ombre rapide ne vienne le choper dans son bec. Ce posant sur une rambarde plus bas, Brûme, la pièce bien coincé dans son bec grisé, relève son regard fière et menaçant sur nous, comme pour prévenir qu'elle ne la relâchera pas. J'en profite pour sortir ma ball et la rappeler à l'intérieur. La pièce et elle disparurent dans le même éclat rougeoyant.

"Bingo."

Je fais sautiller la ball dans ma main un instant, pensant mentalement a prendre plus de temps pour la dresser avant de reposer mon regard sur Surya.

"Merci Champion."

Important ou non, je comptais bien régler ma dette malgré tout. Les bons comptes font les bons amis parait-il. Enfin, ami, l'étions-nous? Nous n'en étions peut être pas à ce point. A partir de quand passons-nous de connaissance à amis d'ailleurs ? Ou se situe cette frontière ? Elle peut être parfois si proche et si lointaine... Un ami était quelqu'un sur qui l'on pouvait compter. Y'a-t-il au moins une personne dans ce monde sur laquelle je me sentirais de me reposer ? Je ne penses pas... Aucun d'eux ne voit le monde comme je le vois et sans ça, je ne peux me fier à eux. Ils ne voient tous le chaos que comme le mal... C'est pourtant tellement plus que ça.

Ah, oui, l'arène. En effet, la garder trop longtemps allumé pouvait paraitre louche. Je hoche la tête, calant d'une main mon chapeau un peu mieux sur ma tête comme si il risquait de s'envoler pour une quelconque raison.

"En effet, je n'ai fait que trop te retarder. Je dois moi-même reprendre ma route, cet endroit n’est pas mon préféré."

Je parlais de la région, bien entendu, pas de l'arène en elle-même. Gardé Brume enfermé ne m'enchantait guère. Difficile de l’éduqué de cette façon. Je lui fit signe de prendre les devant, c'est plus sympa qu'il me raccompagne plutôt que de retrouver la sortie seul et puis, cela me laisse un peu plus de temps pour lui glisser un petit mots :

"Je vais devoir partir pour Agapé pour le boulot, si jamais tu as un paquet à faire livrer, passe-le avant la fin de la semaine. J'en ai un en attente pour toi d'ailleurs."

Par "paquet" j'entendais infos bien sûr même si j'avais vraiment des colis à livrer pour le coup. Après, si il avait un vrai paquet, bien sûr, je le prendrais avec plaisir. Des infos, j'en avait d'ailleurs aussi pour son côté flic mais comme pour tout, c'était du donnant-donnant. Le chaos, ça doit être équilibré.