La viande, ça serait uniquement si la chasse a été bonne, donc ! Normal. C'est un met de luxe, et je doute qu’il y ait beaucoup d’élevage sur les pentes escarpées des volcans. Je hochais la tête, compréhensif.

“Je ne vais pas faire ma fine bouche ! Ma famille n’avait même pas assez pour de la viande synthétique, quelques années en arrière. Je me contenterai de ce que vous avez à proposer.”

Était-ce ma solidarité de rural, qui parlait ? Sans doute. Je n’allais pas engloutir leurs mets de choix s’ils n’arrivaient pas à se nourrir, habituellement. J’étais très égoïste et avais tendance à ne pas me soucier du malheur de simples inconnus. Et pourtant, je n’allais pas non plus dépouiller des personnes dans le besoin, par principe. Sauf si c’est pour survivre. Or, je ne manque de rien, actuellement~ Je ne dois pas être un triste sire avec ces derniers, au risque de me faire chasser du village à coups de fourches et de torches enflammées~

Nous avions fini par arriver. Le coin était joli et accueillant. Très différent de tout ce que je connaissais jusque-là. j’avais beaucoup voyagé, mais jamais je n’avais mis une seule patte dans ce village. Une gros bâtiment imposant, puis des petites maisons plus rudimentaires. Sûrement solides et adaptés à leur habitat. Loin d’être facilement inflammables comme nos maisons de campagne à Kôyô.

Anthéa me signa qu’il fallait désinfecter ma plaie. J'acquiesçais en langage des signes avant de la suivre dans le bâtiment prévu pour les blessés et malades. Sans doute une herboristerie ? C’était rustique ! On se croirait presque à une autre époque, si on oublie quelques matériels de santé technologiques ci et là~ Il y avait visiblement du réseau, ici, puisque je venais de recevoir des notifications, dont certaines de… Oh. Pas maintenant. Je soupirais en scrollant sur mon holomontre, avant de me prendre en charge.

Emme

Je ne levai même pas un sourcil. Je n’étais pas amoureux de ce type. J’avais juste eu besoin de ses putains de clefs pour dérober quelque chose dans son bureau. Chose que j’avais remplacée par une photocopie parfaitement modifiée pour qu’il ne se doute de rien. C’était pour innocenter un des nôtres des Ombres qui s’était fait suspecter, lors d’une mission à Lapis-Cité. Soit je chopais et modifiais la plainte faite à son encontre, soit il crevait. Ma mission était de faire en sorte qu’il n’y ait plus de preuve de sa culpabilité, alors voilà…~ Par contre, ce flic… Il était carrément tombé amoureux de moi, comme beaucoup de mes chères victimes. Nous étions sortis ensemble deux semaines, tout au plus. Il m’avait raconté sa backstory dramatique et avais pleuré dans mes bras et tenté de le consoler avec mon corps et mes mots envoûtants ! Sa femme, morte en couche… Quel pauvre homme, vraiment ! J’étais si ému !

Je plaisante~

J’éteignis très rapidement mon holomontre sans lui répondre. Je ne lui avais pas donné ma véritable identité. Jamais il ne me reconnaîtra, si jamais nous nous recroisons dans les rues dédaliques de la capitale de Kalahari.

J’avais terminé de me désinfecter bien assez rapidement. Le sang ne s'était pas tant écoulé, mais nettoyer les plaies était important. Ce serait bête de mourir d’une simple et stupide infection alors qu’il y avait bien plus menaçant et dangereux dans ma vie quotidienne~

“Merci beaucoup pour ces soins~ Je vais bien, inutile de traîner plus longtemps ici. Est-ce qu’il y aurait des lieux importants à connaître absolument et à visiter, dans le village ?”

J’irais tellement me baigner dans des sources chaudes aux alentours pour me détendre de toute cette aventure ! J’allais certainement dormir dans une petite auberge sur place… Ou carrément chez ma nouvelle amie~ Pourquoi pas ? Mais non, je ne suis absolument pas opportuniste, enfin…~ La route inverse serait trop longue, et je n’allais pas risquer de sortir la nuit dans cette jungle tentaculaire.

“Oh, mais je ne m’inquiète pas de crier famine ! J’ai quelques vivres dans mon sac à dos, sinon, m’aventurer dans la jungle aurait été suicidaire et stupide~”

Pour preuve, je jetai un regard en arrière à mon grand sac à dos qui contenait tout le nécessaire pour camper, des vivres et quelques médicaments, des fois que je me sente mal à un moment donné. Il y avait également des armes de survie, dedans, mais ça, c’était un secret ! Puis de l’alcool traditionnel de Kôyô, bien fort, pour bien dormir…~ Je n’en ouvrais que rarement, mais parfois, il arrivait que je sois invité à l’improviste à des festivités ! Peut-être qu’on l’ouvrirait ce soir, cette bouteille, qui sait ?

Plaies aux jambes à présent désinfectée, et ‘petit ami’ policier trop collant ignoré sans vergogne, la jeune femme aux cheveux blonds me fit le topo sur les bâtiments importants de ce village. Je rêvais de me prélasser dans des sources chaudes, d’un repas délicieux et d’un bon nid douillet ! Je n’étais pas difficile, cependant. J’avais déjà dormi dans des granges de villages koyoïtes, avec les Bourrinos et les Écrémeuh, quand je n’avais pas vraiment le choix ! J’avais le droit d’y dormir et de bénéficier d’un bon repas, après une grosse journée de travail dans les fermes. J’en avais fait, des boulots ingrats, eeeeh oui~

L'architecture de la mairie, qui était également la demeure d’une vieille dame aigrie me plaisait bien, mais je me doutais que je ne pourrais pas y loger ! Les lits en rangée non loin de là, destinés aux touristes, peut-être bien, par contre ! Je notais où se trouvaient les sanitaires. Je ne rechignais pas à faire mes besoins dans la nature, mais je préférais tout de même de loin les toilettes, comme tout le monde.

“Merci beaucoup pour tes explications ! Kīlauea possède un charme unique ! Et pour le lit, je pourrais bien installer mon sac de couchage n’importe où où c’était autorisé, du moment que ça ne gêne personne~ Je ne vais pas faire la fine bouche ! Je m’attendais à dormir à la belle étoile, initialement !”, souriais-je avec un visage reconnaissant parfaitement calculé. Je l’étais un peu, éventuellement, même si j’aurais très bien pu me débrouiller tout seul. Mais comme on dit souvent, il faut être bon avec ses hôtes, car ils ont tout à nous offrir, si on se montre poli et courtois.

Nous dirigeant vers la mairie, une femme demanda à Anthéa si elle était là pour voir la cheffe. Question à laquelle elle répondit que non, mais qu’elle avait trouvé un ‘chaton’ égaré dans la Jungle. Moi ? Un chaton ? J’affichais un petit rictus amusé. Si elle voulait, je pouvais être un chaton. On me comparait plutôt à un fourbe renard opportuniste, dans le privé, mais soit !

Pas de lit pour moi, mais ça ne faisait rien, comme dit précédemment ! Ensuite, les deux femmes continuaient à parler de moi comme si je n’étais pas là, ce que je laissais faire sans trop m’en soucier, même si je finis par ajouter mon grain de sel, tout de même, après, avoir regardé chacun de mes ongles pour m’assurer qu’ils ne soient pas trop encrassés.

“Par discrétion et respect de la privacité, je ne vous ai pas regardées signer, mais je le comprends tout à fait ! En tout cas, je suis ravi qu’Anthéa entende ! Ce serait dommage que mon shamisen rouille, je tiens à en jouer chaque jour~ Pour le plus grand plaisir de vos oreilles !”, riais-je avec amusement. Ils avaient intérêt à aimer, car je ne me produisais pas toujours gratuitement ! Avec un peu de chance, on me jettera quelques pièces, comme à l’époque moderne~

Ressortant à l’extérieur, elle me proposa entre dormir à la belle étoile ou chez elle. Les deux me convenait, mais je ne dirais pas non à un toit.

“J’ai l’habitude d’être à l’étroit, avec quatre sœurs, crois-moi ! Si ma présence ne t’importune pas, je veux bien que tu me fasses une petite place dans ton nid douillet ! Je pourrais cuisiner quelque chose pour le petit déjeuner, pour te remercier~”

Je m’étirais longuement, commençant à ressentir un peu de fatigue musculaire, après une telle journée.

“Et si on allait se prélasser dans des sources chaudes ? Il faut bien se détendre un peu, après une telle journée~”

On pouvait bien se le permettre, après toutes ces mésaventures ! Je n’étais pas certain qu’elle accepte pour la baignade, ceci dit. Je n’étais pas vraiment pudique. L’eau cachait les formes du corps, après tout.

Ce que je faisais dans la jungle ne regardait que moi. Je n’allais certainement pas lui faire le plaisir de lui annoncer que j’étais là pour capturer des Pokémons Paradoxes, morts ou vivants. Comment allait-elle réagir autrement qu’en mettant son joli minois en colère, après tout~ ? Ce serait stupide de me faire chasser alors que j’étais en train de me faire inviter et surtout bien voir par mon hôte ! J’allais profiter de tout ce qu’on avait à m’offrir, tout ça dans le but de me reposer après ce très long périple… Tant pis si je revenais bredouille, c’étaient des choses qui arrivaient. Ce n’était pas ma mission principale dans la Jaspe, après tout, mais disons que ça pourrait nettement changer la donne et me permettre de m’élever à un meilleur rang que simple exécuteur d’ordres.

“Je suis en vacances, et j’avais envie de visiter de nouveaux horizons ! Je suis musicien et comédien. Si je reste toujours au même endroit, je finis par manquer cruellement d’inspiration… Même si chez moi, les paysages sont magnifiques. Le dépaysement me fait beaucoup de bien.”

Il ne me semblait pas avoir précisé d’où je venais, mais ça pouvait aisément se deviner, rien qu’à mon accoutrement, mon accent et le shamisen que j’avais dans mon dos. Nous y reviendrons très vite !

Les averses tropicales, mh ? Il paraît qu’elles sont désagréables et peuvent durer beaucoup plus longtemps qu’ailleurs. Ce serait dommage de se retrouver complètement détrempé. Je penserais à investir dans une tente imperméable, la prochaine fois ! S’il y a une prochaine fois. Je ne reviendrai pas forcément tous les choses dans un paysage hostile de ce genre.

M’étant incrusté dans la conversation des deux femmes, je finis par sortir mon shamisen de son étui avec la plus grande délicatesse. C’était toujours fragile, un instrument ! C’était simplement pour montrer à quoi il ressemblait. Je n’allais pas commencer à jouer au barde et me mettre à produire quelques notes improvisées. Je pourrais… Mais je n’étais pas encore vraiment d’humeur mélomane.

“Oui, c’est ça ! Un shamisen. C'est un genre de luth qu’on utilise dans les arts traditionnels de certaines régions du monde… De l’Ancien Monde. Heureusement que la Grand Désastre ne nous a pas enlevé ça~ Je ne connais aucun instrument qui fait exactement le même son !”

Même si je n’étais pas allé beaucoup à l’école et n’avais pas fait d’études, j’avais tout de même une certaine culture. J’avais tendance à absorber de nombreuses connaissances pour pouvoir m'en sortir dans toutes les situations. J’avais sans doute ce qu’on appelait une intelligence de terrain, de situation.

“Je peux bien cuisiner, si ça peut payer la dette que j’ai envers toi ! Peut-être que je ne m’en serais pas sorti, tout seul, dans la jungle, autrement… Mine de rien, je reste un frêle artiste qui ne connaît pas bien le coin !”

Mes muscles étaient tout de même toniques, bien que discrets. On sentait que je me maintenais en forme. Pour autant, je préférais jouer la carte de l’homme délicat qui ne se salissait que très peu les mains.

J’étais agréablement surpris qu’elle ne soit pas pudique, comme le seraient beaucoup de jeunes femmes face à un homme. J’étais très loin de mes confrères masculins qui se rinçaient l'œil avec perversité et mauvaises intentions. J’avais quatre sœurs, après tout… Puis vu ma situation, ce serait mal placé, également. Quoique je mentirais si je disais que je n’appréciais pas observer avec attention les courbes des corps qui passaient dans mon champ de vision. Elle devait être athlétique~

“Super ! Parce contre, je préfère te prévenir, je n’ai pas pris de maillot de bain ! C'est très mal venu de porter des vêtements de bain dans les sources chaudes, de là où je viens~ Il faut se baigner en tenue d’Adam et Ève.”

Nus, pour traduire plus directement.

J’avais l’impression que ça ne la dérangeait aucunement, puisque le contexte s’y prêtait ! Ce n’était pas plus mal. De toute façon, nous allons rapidement être plongés dans l’eau, et nous ne pourrions pas nous attarder sur les détails de notre morphologie.

La maison d’Anthéa n’était pas bien grande ! Cela me rappelait les maisons de mon village. Le strict minimum, puis beaucoup de vie dehors, quand le temps le permet ! Avec cinq enfants, mes parents avaient une maison légèrement plus grande que les autres villageois. Pour autant, il n’y avait que trois chambres pour sept. Une pour les parents, une pour ma sœur jumelle et moi, puis une autre pour les trois plus jeunes. Je n’allais donc pas me sentir à l’étroit ici.

Je sortis une grande serviette en coton de mon sac, ainsi que des vêtements de rechange plus confortables pour passer la nuit avec. Je laissais mes affaires ici, mais je restais sur mes gardes. Je fis sortir mon Goupilou de sa Pokéball pour lui ordonner de garder la maison et surtout de garder mes affaires. Mon shamisen, notamment, mais également des armes et autres affaires précieuses.

Durant le trajet, je parlais tout seul. Ce que je racontais ? Rien de vraiment personnel. Simplement mes observations sur le district et des comparaisons avec le mien. C'est là que je lui donnais un peu plus d’informations. Je venais de Passe-Velours, un petit village de Kôyô que presque personne ne connaissait, en ville, ou en dehors du district, plus largement.

“Ah, voilà nos amies les sources ! J’espère qu’il n’y a pas de Pokémons dangereux ici ! Sans vêtements ni armes, nous sommes inoffensifs, nous, les humains~”

Parfois, j’aimerais beaucoup être un Zoroark. Capable de mimer l’Humain et de parler, bien que ça ne soit que des illusions. Créer soi-même des illusions plus réelles que nature, ça serait tellement efficace, dans mon travail. Je pourrais vaincre le Parrain et prendre sa place facilement, me faisant passer pour lui~

Sans trop tarder, je retirerai mon haut, dévoilant deux larges cicatrices chirurgicales sur mon torse. Je n’en avais pas honte, mais je ne les montrais pas non plus à tout le monde, car ça posait souvent des questions mal placées, après, pfuh~

Je ne pouvais que comprendre qu’elle ait le mal du pays. Il n’y avait pas un jour où je ne songeais pas aux campagnes Kôyôïtes où je suis né. Aux rues de la capitale du district qui faisaient briller mes yeux, adolescent. C’était la porte ouverte aux bêtises en tout genre. J’avais toujours grandement admiré ces grandes dames en kimono qui s'adonnaient à tous types d’arts, dont certains d’une grande sensualité. Il faut dire que je les ai déjà prises en modèle. J’avais déjà pris leur identité pour diverses raisons.

“Oh oui, je ferai plus attention, les prochaines fois ! On ne m’y prendra pas deux fois.”, rassurais-je Anthéa alors que je m’en fichais de m’aventurer en zones sauvages par mes propres moyens. Je songeais tout de même à entraîner mes renards à autre chose qu’aux larcins et aux illusions, des fois que je doive combattre autre qu’avec mes lames.

Tiens~ L’expression de dette était-elle mal choisie ? Moi qui maniais si bien les mots, j’aurais pu y faire un peu plus attention. Je hochais la tête, tout sourire.

“Parlons de gratitude plutôt que de dette, dans ce cas ! Après tout, nous ne sommes pas à la banque.”, tentais-je la plaisanterie. Il ne devait pas y avoir de banque, ici, traditionnellement. Il fallait descendre en ville pour obtenir de la monnaie, j’imagine. “Tu me diras ce que tu préfères manger le matin, et je me débrouillerai avec tes ingrédients !”

Je savais cuisiner avec le strict minimum syndical, puisque mes parents nous avaient élevés en se serrant la ceinture.

La discussion avait été relativement à sens unique jusque-là. Heureusement que j’adorais écouter le son de ma propre voix. Une voix aussi mélodieuse et suave, ça se savoure ! Elle en avait de la chance, d’être en ma compagnie.

Je notais la rareté des agressions de Pokémons non loin du village. Je n’avais pas spécialement peur, mais la prudence n’avait jamais tué personne. J’étais toujours aux aguets, de toute façon. C’était primordial, dans mon travail.

Après avoir retiré mon haut, il fallait bien que je m’attelle à retirer le reste. Un peu plus pudique, pour cette partie-là de mon corps, je me retournai et entrai dans l’eau sans trop tarder. Si des questions indiscrètes étaient posés sur mon absence de sexe masculin, comme diraient certains, j’étais tout à fait libre de changer de sujet~

“L’opaque vapeur
Cache nos corps dénudés
Ô, ce soir d’été”

J’en avais profité pour déblatérer un haiku tandis que je soupirais d’aise au milieu de l’eau chaude qui avait pour effet de détendre très rapidement mes muscles. Cette course-poursuite m’avait éreinté ! Pourtant, j’étais habitué à celles-ci.

Replongeant mes yeux ambrés dans le regard bleuté de la blonde, je fus étonné de sa question. Je m’attendais à quelque chose d’un peu plus personnel, aux vues de ma mise à nu, mais je préférais que les choses restent comme ça.

“Mh… Avoir des sœurs quand on est le frère aîné est très responsabilisant, je dirais. J’étais comme un troisième parent, lorsqu’ils étaient occupés avec leur travail. Parfois des alliées, parfois des sacrées petites pestes~ Mais nous avons de la chance d’être soudés et unis. Ce n’est pas le cas de toutes les familles.”

Adoptée ? Elle avait l’air différente des autres membres du village, c’est vrai. Je ne savais pas dire en quoi, pourtant.

“La famille n’est pas que biologique. Le tout, c’est de s’y sentir bien et accepté !”

J’avais le visage de mes supérieurs de la Jaspe qui me venaient en tête. La Jaspe est une très grande famille, comme on ne le rappelait souvent. Et notre Père était le Parrain. Ou la Marraine ! Qui sait ? Nous étions une très grande famille. Une famille qui se démontre son amour par des trahisons et des coups de poignard dans le dos.

Je décidai de fermer les yeux à ce moment-là, pour mieux me prélasser. Je n’avais pas besoin de mes yeux pour profiter de la température de l’eau. C’était aussi plus ou moins ma manière à moi de respecter au mieux l'intimité d’Anthéa, bien qu’elle n’ait pas fait preuve d’énormément de pudeur, pour accepter de se baigner avec un homme. Si cette pudeur se perdait, peut-être que nous serions plus égaux, qui sait~ ? Mais ces pensées n’étaient que fugaces et n’avaient pas besoin d’être plus approfondies que cela.

“Dans mon village, nous sommes relativement soudés également. Cela dépend des affinités de chacun ! C'est vrai qu’en ville, les gens sont bien plus égoïstes, d’expérience. C’est bien là que j’ai appris que les être humains sont parfois d’horribles personnes cruelles avec une volonté de tirer profit des uns et des autres… En tout cas ! Des méfiances entre voisins, je dirais qu’il y en a partout, mais à différents degrés, sans doute ?”

J’étais moi-même très méfiant. Monsieur Chapeau avait volé mon innocence alors que je n'étais qu'un jeune adolescent en quête d'argent de poche, et il m’avait plus ou moins entraîné dans la Jaspe malgré lui. Même s’il m’y avait mené en mourant de mes propres mains, techniquement. C’était ce qui m’avait rapproché de Monsieur Sakuragi, un célèbre chirurgien qui travaillait également étroitement pour les Ombres, sans vergogne. On pouvait dire que j’étais un peu son protégé, en quelques sortes. Sans lui, je n’aurais peut-être pas pu survivre aussi longtemps dans cette jungle urbaine. Chose que je ne lui avouerais jamais, ô grand jamais.

“N’est-ce pas ? On est bien différents des familles bourgeoises qui se tirent dans les pattes pour s’arracher un héritage, c’est certain. C'est mieux ainsi.”

Oh-oh. On dirait qu’on arrive au moment où elle me raconte son passé dramatique d'orpheline ? On dirait bien. Mais il n’y a pas tant de drame que ce que j’aurais pu prévoir. Les gens adoraient se confier à moi, se mettre à nu. Dans le cas de la blonde, elle n’était ni dans le pathos, ni dans la plainte. Mes pauvres oreilles n’auraient donc pas à supporter trop de négativité~

“C’est étrange, tout ça~ Élevée par des Pokémons ? Tu es peut-être la Romulus moderne, qui sait~ ? Vas-tu bâtir une grande civilisation qui surpassera toutes les autres ?”, plaisantais-je, le regard toujours clos, et le visage rivé vers le ciel qui commençait à décliner vers des teintes orangées.

Un médaillon ? Je n’avais aucune idée de pourquoi elle me contait tout cela. Je n’étais pas en capacité - ni même n’avais envie - de l’aider à renouer avec ses racines. Peine perdue, si même les autorités n’avaient pas réussi, non~ ? Ou peut-être n’avait-elle même pas pensé à commencer par là. Peut-être que c’était là un bon moyen pour moi de me faire de l’argent, remarquez ! je doute qu'elle ait suffisamment à m'offrir.

“Rien du tout…? As-tu cherché avec des enquêteurs qualifiés ? Peut-être que tu viens d’une famille qui a souhaité effacer toutes traces de son passage. Et qu’elle n’a pas pu t’emmener avec elle car elle considérait cela comme trop dangereux. On entend parfois des histoires bien étranges au sujet de famille disparaissent complètement des radars. Ces familles se font aider par des cultes ou des mafias, en échange d’énormément d’argent. Parfois, ces individus réapparaissent plusieurs années plus tard sous une toute autre identité.”, laissais-je échapper.

Certaines de nos Ombres procédaient de cette manière. Il me semblait avoir déjà entendu parler de cela dans le Culte du Soleil, également. Je ne savais pas vraiment d’où pouvait venir Anthéa, à vue de nez. Tout était possible~ Même si enquêter reviendrait peut-être à chercher une aiguille dans une botte de foin. Voire une tronçonneuse prête à nous trancher les mains, puisque les personnes qui souhaitent disparaître étaient bien gardées par des personnes qualifiées.

Par moment, il m’arrivait de manquer de quelques mots pour comprendre entièrement l’essence de tout ce qu’Anthéa me disait. Heureusement que l’intuition faisait suffisamment bien son travail pour que je recolle assez vite les morceaux ! La conversation demeurait tout de même assez fluide. Je ne pouvais pas fermer les yeux tout le temps, du moins, pas autant que je le voudrais, de fait. Il fallait bien que je la regarde pour la voir signer, après tout. Je les fermais tout de même quelques secondes pour les reposer lorsque c’était mon tour de raconter.

“Quel âge avais-tu, environ ? Tu étais peut-être trop jeune pour réellement tout ancrer dans ta mémoire, j’imagine. Ce n’est pas commun comme histoire !”

Pour autant, je ne la plaignais pas vraiment. J’avais beaucoup de mal à faire preuve d’empathie pour d’autres individus que ma famille. Je faisais semblant d’en ressentir. Je préférais bloquer mes véritables émotions, égoïstement. Une chose qui commençait à me ronger de l’intérieur et à me rendre assez instable et paranoïaque, à mesure que le temps passait. J’allais craquer un jour. C’était sûr. La question était plutôt quand j’allais craquer. Craquer signifiait signer son arrêt de mort, dans la Jaspe. Il fallait rester maître soi et le montrer ouvertement, au risque de se faire dévorer par les Ombres.

“C’est vrai que je n’aurais pas non plus les moyens pour un enquêteur qualifié, à ta place.”, concédais-je en hochant la tête. J’avais de toute façon des oursins dans les poches. “Puis, comme tu le disais, tu as ta propre famille ici. Les liens du cœur sont parfois plus puissants que les liens du sang, dit-on !”, m’exclamais-je d’un sourire jovial.

Liens du cœur. Mis à part ma famille proche biologique, on ne pouvait pas dire que j’avais ce genre de liens. Je ne pouvais pas. C’était trop risqué. J’étais de toute façon incapable de faire confiance à qui que ce soit. Chacun ses névroses, comme on dit !

Mon ton se fit légèrement plus sombre. D’un point de vue extérieur, on pourrait penser que j’avais déjà eu affaire avec ce genre de souci, alors que ce n’était pas le cas. J’étais de ceux qui aidaient à faire disparaître des personnes. Soit pour les protéger et les aider à changer leur identité. Soit parce que leur meurtre était commandité. Je doute que sa mère soit dans l’un des deux cas. De toute façon, je ne pourrais obtenir aucune information, puisque j’étais trop jeune, à ce moment là !

“Fréquent, peut-être pas. Mais ce sont des choses qui arrivent. Les personnes croulant sous les dettes payent une fortune pour pouvoir disparaître de la population et échapper aux huissiers. Cela arrive, à Kôyô, dans les grandes villes. Ils sont parfois aidé par des cultistes, ou bien… des mafias, peut-être.”

Je tentais de reprendre le sourire pour ne pas l’inquiéter plus que ça.

“Mais c’est sûrement autre chose qui n’a rien à voir ! Peut-être que ta mère n’avait tout simplement pas eu envie d’avorter et qu’elle a préféré de donner à une famille qui serait plus aimante.”

Pas si mieux, mais comme elle ne le vivait pas spécialement mal, je pouvais dire des choses un peu limites.

Pourvu qu’elle ne me signe pas toute la nuit, lorsque nous serons couchés. Sinon, je n’allais jamais pouvoir fermer les yeux sans lui manquer ouvertement de respect. Il y avait également des techniques de signe qui se faisaient au creux de la main, pour les personnes sourdes et aveugles, mais je doute qu’elle sache le faire, puisqu’elle avait jusqu’à preuve du contraire un très bon sens de la vue.

“Les souvenirs de nos deux ans sont souvent des flashs assez imprécis ! Peu de personnes s’en souvienne, alors j’imagine que tu peux te considérer chanceuse~”

Pour ma part, je ne pensais pas en avoir. Oh, si, peut-être. Mon père nous emmenant, ma sœur et moi, chez la voisine pour nous garder alors qu’il avait énormément de travail. Je me remémorais le chemin dans les allées orangées et champêtres. La porte d’entrée coulissante très rustique de notre voisine, et son sourire chatoyant et accueillant. De doux souvenirs que je chérissais, malgré la noirceur actuelle de mon quotidien.

L’argent ne l’importait peu. Mes traits auraient pu se raidir à cette information, mais je savais gérer toutes mes mimiques. L’argent. Je n’avais que ça dans la tête. Ne manquer de rien, nourrir les miens. Épouser une personne riche et influente pour me la couler douce jusqu'à la fin de ma vie. Dérober toutes les richesses de la Jaspe, dès que j’en aurai l’occasion. Me noyer dans une mer écarlate de rubis. Comme quoi, les richesses étaient le long fleuve qui me faisait chavirer. Ma vie ne tournait qu’autour de ça, depuis ma naissance. Manquer de nourriture et voir mes parents se contraindre m’avait marqué. Si bien que je ne voulais plus laisser aucune miette aux autres.

Moi, je veux tout, tout de suite - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! Avait exigé Antigone.

Mais revenons à nos Moumoutons~

Une piste pour elle ? Peut-être, peut-être pas. Les Cultes courraient moins les rues à Oma-Oma, même s’il en existait tout de même. C’était peut-être moins institutionnalisé, mais il me semblait y avoir déjà vu des genres de totems, comme ceux qu’on trouvait autrefois à Alola. En tout cas, c’était ce que j’avais lu dans des guides touristiques. Je me renseignais toujours sur les lieux de mes missions, des fois que je doive m’infiltrer au mieux…

Sa mère n’avait donc pas été retrouvée. Assez commun, par ici ! La jungle regorgeait de dangers les plus insolites. Il y avait de grandes chances que les deux affreux d’un peu plus tôt ne soient jamais retrouvés non plus. Personne ne les pleurera, j’imagine. En tout cas, pas moi.

“En tout cas, tu as une excellente mémoire ! Un vrai don. Il est rare de se remémorer des sons. Des images et des odeurs, ça reste beaucoup plus fréquent.”, changeais-je un peu de sujet pour repartir sur quelque chose de plus léger.

De toute façon, elle ne comptait pas spécialement retrouver sa famille. Famille qui était probablement déjà morte ! Pas de travail pour moi, et tant mieux. Je ne tenais pas à ce qu’elle sache que je baigne dans des histoires imprégnées d’illégalité.

“Et à part ça ! Avoir des amis, c’est bien, mais qu’en est-il des histoires de cœur ? La famille qu’on construit est toute aussi importante, tu ne penses pas~ ?”, lui donnais-je un léger coup de coude, armé d'un sourire fourbe et joueur.

Je n’en avais que faire, de ses potentielles amourettes, mais je savais très bien que ces tourments étaient le moteur de presque tous les êtres humains. J’étais probablement une exception dans mon genre, puisque je n’avais jamais réellement faibli.

Essayer de déchiffrer les signes était plus fatigant que je ne l’aurais pensé. Comment avais-je appris la langue des signes, déjà…? Ah, oui. Une simple mission où je me faisais passer pour sourd et muet, afin d’enquêter sur une figure importante de la bourgeoisie kôyôïte. Un drame à faire exploser. Des secrets à dévoiler, qu’il m’était possible de garder secret sous menace de rançon très lourde. j’avais évidemment travaillé extrêmement dur et de manière acharnée pour apprendre la langue des signes. C’était plutôt pratique pour se faire passer pour inoffensif. Personne ne suspecte les handicapés et les faibles~

“Il est vrai que les Pokémons nous sont très utiles !” Opportuniste. Je ne pouvais pas non plus trop me montrer sous cet angle, puisqu’elle semblait être en symbiose avec ces derniers. “Et nous leur sommes utiles également, c’est ça qui fait la beauté de la Nature, tu ne trouves pas ?” Niais, oui. Je jouais la carte de l’homme bienheureux et optimiste, c’était pour le mieux. Disons que je me servais des Pokémons autant que je me servais des autres. Par intérêt. Exception faite pour les miens, évidemment.

Je me laissais éclabousser sans sourciller, gardant simplement un sourire taquin sur les lèvres, alors que je me concentrais pour entendre sa réponse.

C’était toujoooours compliqué, les histoires de cœur. Presque personne ne me disait que c’était simple. Le pire, c’était probablement que je me fermais catégoriquement à ce genre d’émotions. Je ne pouvais pas me permettre la moindre faiblesse affective. J’en avais déjà une énorme avec ma famille. C’était eux, mon point faible. Les potentiels otages que la Jaspe pouvait me prendre si je devais de leurs ombres. Est-ce que ça me manquait, de fait, de ne pas vivre une vie à l’eau de rose, et de me réveiller chaque matin au côté d’un·e partenaire ? Ahahah. Ah. Pas du tout.

Tu te mens à toi-même Kohaku*. Et le jour où ton cœur battra pour quelqu’un, tout cela risque de te, nuire et de nuire à l’autre, si tu n’apprends pas à voir ta propre Vérité en face.

“Il te faut trouver l’amour loin de ton village natal, dans ce cas !”, proposais-je comme solution simple et efficace contre des relations potentiellement problématiques.

Et quant à mes relations amoureuses… Je me remémorais mon premier amour. Amour qui s’était évidemment très mal passé. Je travaillais dans un manoir à temps partiel dans le but de gagner ma vie, en attendant d’être un plus plus engagé par la Jaspe. Une jeune héritière et moi étions tombés amoureux. Cependant, au moment où les vêtements tombèrent, elle me traita de monstre et appela la sécurité. J’avais été licencié et interdit de remettre les pieds dans ce manoir. Rien de très grave ! C’était un risque comme un autre. Une déception bien amère, tout de même.

“Disons que c’est au point mort, mais que j’ai quelques amants et amantes ici et là. Rien de sérieux pour le moment, mais je laisse les choses venir !” Une réponse normale, même si j’aurais bien aimé ajouter que j’avais une liste de prétendants longue comme mon bras. J’étais loin d’être modeste, mais j’avais des réserves, puisqu’il le fallait bien, parfois.

Je savais à quel point il était important de bien manier les mots, de savoir avec exactitude comment jouer avec ces derniers selon notre public. Certains pouvaient réagir au quart de tour selon le vocabulaire utilisé. Ici, il fallait être en harmonie avec la nature et la laisser bénéficier de ses droits. Aucun tort à son encontre ne saurait être toléré. Alors, non. Les Pokémons n’étaient pas censés nous être utiles exclusivement, comme un outil ou une arme le serait. À Kīlauea, Humains et Pokémons étaient égaux. Enfin, tous les êtres sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres, en vérité.

Rien n’existe pour rien. Tous ont une utilité. Le respect.

Elle n’avait pas tort. Pour autant, à titre personnel, je voyais mal comment le respect pouvait exister dans ce monde rempli d’injustices. Chacun travaillait pour ses propres intérêts, tandis que les plus puissants manipulaient les plus faibles pour tirer chaque profit à leur avantage. Et je ne faisais pas exception à la règle. C’était vilain, mais c’était la vérité. Ce n’était pas en restant tout gentil et droit dans ses bottes qu’on se sortait de la boue dans laquelle on était né.

Nous avions tous les deux passé l’âge d’être obsédés par les relations amoureuses, sans doute. Je n’en avais pas le luxe, et ça n’était pas plus mal. S’attacher à quelqu’un, c’était une faiblesse de plus. Un autre moyen pour la Jaspe de resserrer ses liens de possession sur moi. Et de toute façon, je ne suis pas certain de trouver un jour quelqu’un qui me correspondrait assez pour que je le supporte toute une vie. Quelqu’un dans la Jaspe serait plus accessible, me dites-vous ? Ahahah~ Oh non, pas vraiment. Ce serait encore plus un boulet qu’une personne lambda, à mon sens. Mélanger l’amour et le travail n’était jamais bon. Puis, la Jaspe c’est comme une grande famille ! Il ne faut pas tout mélanger.

“Si je cherchais vraiment, je trouverais facilement, de toute façon !”, laissais-je échapper avec une pointe plaisanterie, même si j’étais tout à fait sérieux. Charmer et être aimé, c’était facile. Aimer, ça l’était moins. “J’imagine que c’est la même chose pour toi. Tu as beaucoup pour plaire…~”, ajoutais-je avec une fourberie qui pourrait s’apparenter à de la drague. Bien évidemment, ça n’en était pas. Je ne charmais que lorsque cela pouvait m’apporter quelque chose. Bien matériel ou bien être physique, qu’importe.

Je commençais à me sentir tout ensommeillé. Je me redressai et sortis de l’eau après les cinq minutes restantes annoncées par Anthéa, m’enveloppant au plus vite dans une serviette. Tous mes muscles étaient détendus. J’allais peut-être avoir l’immense honneur de passer une bonne nuit sans aucun tourment, loin des bruits de la ville. C’était presque comme si j’étais actuellement en vacances~ Puis, ici, personne ne me surveille. Mon Holomontre était éteinte, et je n’avais à priori aucun capteur sur moi. C’était un souffle de liberté comme je les aimais tant~

“Plus qu’à avaler un bon repas et à se mettre au lit ! Tu disais que les repas étaient collectifs, c’est bien ça ?”

Je commençais à me rhabiller dans mon coin, dos à elle, en fredonnant une mélodie joyeuse.

Elle était bien différente des personnes ordinaires. Je ne savais pas si mon sous-entendu charmeur n'avait pas été compris, ou si elle était dotée de beaucoup de sang-froid, assez pour que le compliment d’une belle personne telle que moi ne lui fasse que très peu d’effets. Peut-être que son cœur battait seulement pour les femmes, mais ça ne me regardait pas tellement. C'était la seule explication possible~

Garder une relation… Je hochais la tête, bien que je n’aie jamais cherché à conserver une relation, puisque j’avais tendance à jeter mes partenaires une fois que l’objet de mes désirs étaient entre mes mains et que je n’avais plus rien du tout à en tirer. Une comportement jugé comme malsain et cruel, par les bonnes gens. Pourtant, qui n’avait jamais agi dans son propre intérêt ? Si on aime, c’est bien pour être aimé en retour. Ce n’est qu’un intérêt commun. Même si c’est horrible dit comme ça, ce n’est qu’une vérité parmi tant d’autres.

Maintenant rhabillés tous les deux, nous n’avions plus qu’à rentrer manger et nous reposer. C’était une très grosse journée. J’allais sans doute encore rentrer bredouille, et sans grandes trouvailles. Ce n’était pas comme si j’avais une dead line, de toute façon. Pour l’instant, en tout cas.

“Est-ce que les touristes et autres invités sont tenus d’aider au bon fonctionnement du village ?”, posais-je la question, des fois qu’il faille que je rende la pareille à la tribu qui m’accueillait en son sein. Je pouvais très bien envoyer l’un des mes renards chasser et ramener quelques victuailles, ça ne me coûtait rien. “Je travaille parfois comme cuisinier et serveur dans la salon de thé de mes tantes, alors j’ai quelques compétences qui pourraient s’avérer utile~”

Je ne ratais jamais une occasion pour rappeler que je possédais de multiples talents dans bien des domaines, des fois que des personnes peu attentives ne l’aient pas remarqué.

De retour au village, un délicieux fumet de poisson et de légumes fit son chemin jusqu’à mes narines. Enfant, le poisson et la viande étaient si rares et en si petites quantités que j’en profitais pleinement, maintenant que je le pouvais. Loin d’être difficile, et mon estomac criant famine, je n’étais absolument pas déçu.

“Cela reste mieux qu’un maigre bol de riz et des racines pour assaisonner~”, plaisantais-je bien que je parle d’expérience personnelle et indélébile. “J’adore le poisson.”, ajoutais-je avant d’aller faire la queue pour être servi. J’avais quelques gâteaux secs dans mon sac pour le dessert. Je n’allais pas les distribuer à tout le village, par contre. Anthéa en aurait éventuellement, mais c’était tout.

Je n’étais pas tellement dérangé par l’idée d’aider un village qui m’accueillait. Bien sûr, être accueilli comme un prince était toujours fortement appréciable, et je ne rechignerais jamais à rester à ma place et à recevoir tous les traitements que doit recevoir un invité. Pour autant, je savais me faire bien voir et proposer de mettre la main à la pâte. C’était simplement pour faire bonne figure. Pourtant la tâche qui me fut proposée était bien plus simple et relax que ce à quoi je m’attendais. Pas de corvée de vaisselle pour la star, décidément~ Je n’avais qu’à briller de mes dix doigts et de ma voix.

“Je suis curieux de découvrir les musiques locales, ça tombe bien !”, répondis-je avec enthousiasme, espérant ajouter quelques touches omaïennes à mon répertoire musical pour le diversifier.

Si je faisais en grande majorité des reprises de musiques revisitées, je composais parfois mes propres musiques. C’était important pour le jour où je serai tellement connu que je pourrais en vivre à temps plein~ Enfin, je pouvais déjà vivre de mes revenus, mais c’était surtout parce que j’étais un Exécuteur de le Jaspe. Pas un métier très assumable, bien que ça paye beaucoup. Dire que mes parents pensaient que j’étais riche de ce que je produisais artistiquement… Ils avaient quand même des doutes assez maigres qui leur étaient déjà venus. Ils avaient déjà pensé que j’avais un travail lié à la prostitution et autres dérivées, plutôt que quelque chose de criminel. Enfin~ Ils pensaient bien ce qu’ils voulaient, mais le résultat était qu’ils ne manquaient plus de rien.

“J’accepte de jouer avec plaisir, j’ai l’habitude que tous les yeux se posent sur moi~ J’espère ne pas voler la vedette, ce serait dommage ! En tout cas, je n’ai pas joué en plein air depuis longtemps, ce sera l’occasion idéale.”

J’étais toujours étonné que le riz ne soit pas l’alimentation de base. En même temps, les rizières ne pouvaient pas se développer partout. Quand bien même, quand on naît quelque part, on prend certaines habitudes. Pour moi, ne manger ni soupe ni riz en accompagnement dans une semaine était inimaginable, peu importe la saison.

Maintenant servi d’un bol de soupe bien fumant, je quittais Anthéa pour la laisser un peu tranquille, puis je partis m’asseoir sans gêne auprès d’autres villageois. J’étais plutôt sociable et apte à discuter avec n’importe qui. J’avais un charisme me mettait assez en valeur pour qu’on soit au minimum intrigué par ma personne. J’en jouais énormément. Malgré la noirceur qui se cachait sous des dorures factices, je m’en sortais très bien. D’ailleurs, les deux personnes avec qui je discutais savaient jouer de la musique ! De la guitare hawaïenne et du pahu, selon leurs dires. J’avais presque envie de tester l’instrument à cordes. Les percussions n’étaient pas mon fort. En même temps, j’étais très doué, mais je ne savais pas tout, sinon ce serait trop beau.

Après moults réjouissances, je vais chanter.
Et ce, malgré qu’à la danse elle m’ait invité.
Bien des talents je possède et vais démontrer
D’un shamisen, instrument de ma destinée.

Bientôt, tous vos yeux sur moi, vous allez voir
Captivant, envoûtant, vous devez le savoir !
Ménestrel du soir, je suis votre idole, un dieu.
Bien sûr ! quelle surprise ! je suis orgueilleux !

“Kīlauea, sous ses étoilés cieux,
Sa lave rouge et or trace des sentiers de feu.
Autour du brasier saint, où son vent tourbillonne,
Les danseurs se rejoignent, les âmes frissonnent.

La chaleur vibre et monte en vagues de plaisir,
Les tambours résonnants font le corps s’épanouir.
La terre sous leurs pieds, en grondant, se soulève,
Et la danse s'enlace aux mystères du rêve.

Les ombres dansent, folles, dans l’éclat du brasier,
Leur rythme est enivrant, comme un chant de sorcier.
Les mains se lèvent haut, les regards sont de braise,
Ils s’élancent ensemble, en cadence, à leur aise.

Les éclats de la lave illuminent la nuit,
Des guirlandes de feu, des éclats d'infini.
Kīlauea s'éveille aux murmures des voix,
Et le feu sacré danse, roi de tous les rois.”

Érotique est ma sérénade, j’en ai conscience !
Réchauffer âmes affamées, telle est ma science !