Sans surprise, Surya s’y connaissais, en pêche. Même s’il avait très peu de loisirs et de vie, de façon générale, il s’y connaissait quand on lui parlait d’eau, de mer. La pêche, c’était plutôt relaxant, calme, et ça avait le don de lui rappeler son adolescence, avant qu’il ne devienne complétement accro au travail et allergique au fun.

Et cette fois-ci, il n’était pas seul : le champion Tokaniens l’avait invité. Surya avait d’abord été un peu gêné – son dernier échange avec Niko n’était pas le plus … mémorable qu’il soit, et il préférait clairement l’oublier. Néanmoins, c’était peut-être une occasion de s’excuser auprès de se dernier et, qui-sait, prendre une petite pause entre ses dures journées de travails. Déjà, il y avait eu du changement du côté du spécialiste eau, même s’il était bien le dernier à s’en rendre compte.

Tôkan n’était pourtant pas son district favori. A peine arrivé à la gare de Sunoh, que son nez coulait déjà. Il se souvenait de la dernière fois qu’il était venu au Nord – il avait perdu connaissance à cause du froid et c’était mystérieusement réveillé à l’hôpital. Pas très glorieux, comme épisode, mais tout était encore flou dans son esprit, comme si un détail lui échappait. Enfin, il ne devait pas se concentrer sur ça. La détente. C’était ça, le but de la journée. Pas se prendre la tête. Il ne remarquait même pas que, encore une fois, son mystérieux sauveur le gardait à l’œil.  

Au moins, il ne faisait pas si froid. Enfin, Surya s’emmitouflait dans sa veste, mais ce n’était encore pas trop désagréable. Normal pour la saison. Sans trop de problèmes, les deux hommes furent arrivés à la Mer Glaciaire.
Surya pris quelques instants pour observer l’étendues gelé. L’aura de l’endroit était bien différente de celui de la plage d’Oma-Oma. Il était satisfait d’observer la mer sous un autre angle, dans le fond.

Ce fut Niko qui, sans surprise, brisa le silence. « Bien-sûr. » Il était champion eau, après tout. « Ce n’est pas si compliqué. Un peu technique, au début, comme tu dis. Mais je peux t’apprendre. » Il se permit un petit sourire poli, assez rare. Il était heureux d’être ici et déjà beaucoup plus enclin à être sociable.
Surya commença à sortir son matériel – et quel matériel ! On sentait qu’il était connaisseur, dans le domaine. Heureusement, il avait pris aussi une canne, un peu plus simple, pour le plus jeune. Lui tendant, il commença de simples explications, d’une voix calme. Puis, une fois la leçon bien apprise, il lança son appât dans l’étendue de glace, se demandais si ici aussi, les principales des prises étaient des Magicarpes.

Pratique quand on apprécie les Pokémons eau ? Surya ne comprenait pas bien si c’était une simple remarque, ou juste une blague. « Oui, la pêche, c’est une bonne manière de dénicher des Pokémons rares. » Enfin, pour certaines espèces, il fallait aller dans des endroits assez dangereux à Ahovu, ce qui ne rendait pas le processus forcément très simple pour autant … mais Surya se retint de faire un monologue à ce sujet. Il était un peu plus bavard, lorsque passionné par un sujet. Ce qui était probablement assez étonnant à voir.

Tout comme lui, le champion eau préférait éviter la violence. Dans tous les cas, peu de gens blessés les Pokémons par simple loisir, de nos jours. La plupart relâchés leurs prises, ou pour certains, en faisait leurs partenaires d’une vie. « Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas prévu non plus de leur faire du mal. On pourra les relâcher juste après. » Sauf si une de ces créatures pique son intérêt … Après tout, comme l’avait si bien dit Niko, il était spécialiste eau : et à Tôkan, il y avait sans aucun doute des espèces exclusives. Il était particulièrement curieux à ce sujet, presque excité à l’idée d’en découvrir les créatures.
Il laissa son regard glisser sur l’Evoli, un peu protecteur, il ne voulait pas que le petit renard tombe à l’eau : Surya en avait déjà fait l’expérience, et il était loin de la recommander. Alors, d’un geste, il libéra Ecume, qui vint se glisser dans l’eau, tout en gardant son attention sur la plus petite créature.


Tranquillement, Surya commençait à préparer sa canne à pêche – il voyait que Niko avait dû mal, et était prêt à l’aider, en cas de besoin. Il était assez rapide dans sa tâche, et puis … le professeur repris la parole.
Le sujet un peu … sensible. L’inspecteur détourna le regard, un peu gêné. « Je … Oui. Je suis désolé. Pour cette soirée. » Il ne voulait pas vraiment remuer le couteau dans la plaie, préférant s’excuser platement et espérer que Niko oublie cette sale histoire. Et puis … il n’y avait pas que ça. Il était un peu gêné d’en parler. Mais il ne s’était ouvert auprès de personne, à ce sujet.

« En fait … j’ai rencontré quelqu’un. » Il pris quelques couleurs, mais autant mettre ça sur le compte du froid qui lui agressait la peau … Après un blanc de quelques secondes, il se contenta de dévier maladroitement le sujet.
« Tu veux que je t’aide … pour ta canne ? » Il ne voulait pas le voir galérer pendant des heures, et puis pour le coup, c’était lui, le professeur.

Niko semblait vite passer à autre chose – et ça le rassurais profondément. Oui : juste un « pétage de câble », et c’était tout. Même s’il avait fourni des efforts, entre temps, il peinait à avouer que quelque chose n’allait effectivement pas chez lui. Enfin, dans le fond, il le savait. Il était juste effrayé à l’idée de détruire des années de travails intensifs pour enfin se reconstruire.
Il hocha simplement la tête, ne voulant pas continuer sur ce sujet.

Et lorsqu’il parla de sa … liaison, il ne pu s’empêcher de détailler le lac du regard. Il sentait son visage se réchauffait – c’était gênant, inhabituel. Il voulait presque garder cette image d’homme froid et inexpressif qui lui collait à la peau. Vraiment, parler de romance, ce n’était pas pour lui. Quand quelque chose ne touchait pas au travail, il ne savait que faire.
Enfin … il était si perdu, il était presque prêt à lui demander conseil, à ce professeur. Il avait probablement plus d’expérience que lui – ce n’était pas bien compliqué, en même temps.
Pour le reste, il préférait laisser planer l’idée qu’il s’était amouraché d’une femme. Sa bisexualité était encore nouvelle, et même si ça ne le dérangeait pas plus que ça, il était un peu soucieux de l’image des autres.
« Je … En soirée. Elle … est fleuriste. Apprentie. En fait, on est pas vraiment ensemble. C’est compliqué. »

Il soupira doucement : il devait avoir l’air si mal-à-l’aise, c’était pitoyable. Il avait hâte de se concentrer sur la pêche. Oui. Les poissons, c’étaient mieux.
D’ailleurs, il avait déjà mis sa ligne à l’eau, lorsque Niko l’interpella. Surya s’approcha, posant ses yeux sur le nœud en question. Il n’était pas gêné, pas même irrité que l’autre s’en sorte si mal, non, il était prêt à l’aider et se mit alors à défaire doucement le nœud, le temps de quelques instants.
Un blanc de plus s’abattit entre les deux hommes, et, peut-être par une montée de courage, Surya repris la parole.

« En fait, je ne sais pas trop quoi faire. On est pas vraiment ensemble, mais … je sais pas ce que je veux. J’ai … pas beaucoup d’expérience. » Encore plus gêné, oui. Mais il gardait sa tête vers le bas, vers la ligne, pour ne pas que Niko ne le remarque trop. Il est assez honteux comme ça.
Et une fois la canne à pêche de nouveau opérationnel, il retourna à sa place, surveillant l’étendue d’eau.

Bon, et bien voilà que Niko se jouait thérapeute ou coach en séduction, au choix … Dans le fond, ça ne dérangeait pas vraiment Surya, mais il restait gêné. C’était quelqu’un de profondément pudique, pas le genre à dévoiler sa vie sentimentale aux grands jours. Mais parfois … demander un coup de main, ce n’était pas une mauvaise chose. Même si ça consistait juste à déballer son sac. Niko se prenait un peu trop au jeu – comme si c’était amusant, pour lui.
Ne pas … s’enfermer tout de suite ? Il n’avait jamais été vraiment en couple, il ne pouvait pas vraiment comprendre.

« Oui … Rien ne presse, je suppose. » Pourtant, quand il pensait à lui … il craignais trop qu’il se prenne d’intérêt pour une autre personne, plus sociable, solaire, disponible, et l’oublie complétement … Il ne voulait pas mettre de côté son côté paranoïaque, trop prudent. L’abandon le faisait un peu peur – aussi volage la relation soit-elle. Ce n’était pas pareil que ses autres liaisons temporaires.

Niko avait pris du temps pour répondre de nouveau – Surya sentait son cœur battre vite, mais il faisait de son mieux pour paraître impassible. Il n’avait pas envie de montrer sa gêne – c’était déjà assez dur comme ça, de s’exprimer.
Être honnête … et oublier l’omission. Oui, ça, c’était un peu sa spécialité. Le policier soupirait doucement, mais il devait bien se rendre à l’évidence : il allait devoir finir par lui en parler.

« C’est vrai, je … ne sais pas du tout ce qu’il veut. J’ai un peu peur de le savoir, je crois. » Et terrible erreur du joueur Oma-Omaiens, qui avait laissé tomber, sans le vouloir, son déguisement d’homme parfaitement hétéro. Il n’y avait pas fait attention, trop concentré sur la question des sentiments de l’autre homme. « Je crois qu’il est volage. Je ne sais pas s’il serait prêt à … » Il laissa sa phrase inachevé. Prêt à être en couple. C’était encore dur à dire. Il soupira intérieurement. A croire qu’il était encore un adolescent découvrant l’amour …
Puis, il se rendit compte de son erreur, et ses joues prirent quelques teintes supplémentaires. « E-Enfin … Je vais me débrouiller. Merci de tes conseils. » Il avait parlé vite, voulant rapidement conclure le sujet.

Et comme Niko l’avait si bien dit, il allait le faire au feeling.

Niko n’avait pas tiqué – encore heureux pour Surya, qui n’aimait clairement pas détailler sa vie. « Secret » était presque un mot trop faible pour le définir. Enfin, il se contentait d’écouter les conseils de Niko, supposant qu’il avait beaucoup plus d’expériences que lui – en même temps, il paraissait sociable et un minimum ouvert vers les autres : tout son contraire, en somme.
C’était un peu douloureux, ce point de vue : laisser tomber ? Une fraction de secondes, des émotions lui revinrent en tête : la chaleur, le cœur qui palpite, l’estomac qui s’emballent … des choses extrêmement forte, inconnues, mais … des sensations qui le rendaient presque addictes ; Il n’avait pas envie d’arrêter, pas maintenant, pas comme ça. En somme, il n’était pas convaincu.

« Si tu le dis, alors. Rien ne presse. » Fin de discussion sur ce sujet. Il en avait assez dit comme ça ! Et finalement, en parler un peu l’avait certes soulagé, mais il ne savait toujours pas quoi faire. C’était si compliqué, les relations. Il avait du mal avec ce genre de choses, il ne savait jamais trop comment se comporter.


Son attention se reporta sur la pêche. C’était bien, la pêche : pas prise de tête, pas de pensées à lire, de paroles à comprendre. Juste la ligne qui s’agite et les poissons qui font leurs apparitions. Ça le détendait profondément.

Enfin, peu de temps de détente, car il avait senti l’embarcation bouger. « Niko ? » Ce dernier s’était levé, et le policier compris vite qu’il y avait un soucis.
Le dresseur tomba à l’eau : son Pokémon aussi. Le cœur du champion eau s’emballa vite, mais il avait le mérite de toujours garder la tête froide. Sans attendre son ordre, son Millobellus plongea, décidé à aider le dresseur aux types fées – le voyant peut-être comme une priorité. Ecume prenait parfois des décisions étranges – comme s’il avait décidé que la vie de l’Evoli était bien moins importante. Ou qu’il faisait suffisamment confiance à son dresseur pour s’en sortir. A moins que ce soit une épreuve ? A croire que même après ces années passées ensemble, il ne le voyait toujours pas vraiment comme son dresseur.
En tout cas, c’était ce que Surya avait interprété : car comme la surface de l’eau, le serpent était imprévisible, variable et changeant.


Il se pencha vivement au-dessus de l’endroit d’où avait coulé le renard – des Pokémons s’agitaient, dans le fond. Avant de remonter : l’un d’entre eux coincés la proie entre ses tentacules. C’était des Krakos, visiblement déterminés à se repaitre du Pokémon normal.

« Onigiri, Armure puis Saumure. » Il devait les rendre confus, les affaiblir. Il n’avait pas le choix, mais il craignait que le Nigirigon ne tienne pas face à un groupe de Pokémon affamés. L’affrontement commença rapidement, il subissait des attaques, encore et encore. Surya gardait ses yeux sur le renard. Il devait trouver une ouverture, le sortir de là …

Voyant que ses congénères se faisaient bien abimer, le Krakos retenant l’Evoli le libérant, le temps d’aller leurs donner un coup de tentacule. Surya s’élança vers lui, priant pour que la glace ne cède pas sous ses pieds. Enfin au niveau du renard, il le serra dans ses bras.

Bien-sûr, les Krakos les avaient remarqués. Sans qu’il ne sache d’où il vienne, un bloc de glace lui atterrit en plein visage ; un filet de sang de son nez. De sa tête, peut-être aussi ?
En bref, il était en très mauvaise situation, mais Onigiri avait compris le message et c’était rapproché pour distraire l’attention des ennemis. Même s’il faiblissait ; même si le combat était peut-être perdu d’avance.

Puis : une ombre bleutée. Sortant presque de nulle part, un Prinplouf s’abattu sur la glace, émettant un cri plein de colère. Pendant quelques secondes, Surya se perdit dans ses pensées : cette silhouette, il l’avait déjà vu, oui, mais il peinait à se souvenir d’où. Enfin, il sorti de sa réflexion, voyant que le pingouin aidait son propre Pokémon à se battre. Alors, d’une voix claire, il continua de donner des ordres à son Pokémon, même s’il était au bord de l’évanouissement.

« Souvenir ! » Il ne pouvait rien faire d’autre – alors, le Nigirigon s’écroula, baissant l’attaque des ennemis. Le Prinplouf redoubla de puissance – et une lumière vint l’envahir.
Même s’il n’avait pas assisté beaucoup de fois à ce phénomène, Surya reconnu sans soucis l’évolution. Le pingouin changea, se recouvrant d’une armure solide. Effrayés, les Pokémons prirent enfin la fuite.
Et Surya se laissa tomber sur la glace, la vue se floutant, son cœur s’accélérant.