Une journée comme une autre. Un renouveau, une nouvelle vie qui me plaisait bien jusqu’à maintenant. Je commençai celle-ci aux aurores. Le cadran qui sonne et moi qui sursaute violemment, le cœur battant. C’est comme cela à tous les matins. L’angoisse qui me prend à la gorge et mon regard paniqué qui regarde dans tous les coins de la chambre. Cela finit toujours par se calmer quelques minutes plus tard. C’est instinctif, cette peur, cette anxiété. Je me sens fugitif, traqué. Je dois m’habituer à la normalité. Ce n’est pas encore cela.

Je finis par soupirer lourdement et je passe ma main dans ma longue chevelure. J’ai réussi à dormir un bon quatre heures. C’est bien. Je me lève du lit et dans la noirceur totale, je vais à la salle d’eau prendre une douche bien chaude. Le froid tiraille mon ancienne fracture au bras et c’est désagréable. Je prends à peine dix minutes et je me sèche rapidement non sans regarder derrière moi encore et toujours.

Je mets des vêtements sur mon dos et je vais voir Trashy qui dort encore dans sa chambre. Je lui souris légèrement et lui caresse la tête. Je ne l’apporte pas au boulot, pas aujourd’hui du moins. Elle a beaucoup de gaz toxique à évacuer ses derniers temps. Je ne veux pas la mettre dans sa balle toute la journée. La fenêtre de la pièce est grande ouverte, c’est bien aéré. Ça va.

Je prends mon sac à bandoulière et je mets quelques livres et objets dedans. Ma trousse de premiers soins ne me quitte jamais aussi. J’ai un peu de tout dedans. On ne sait jamais. Je dépose une bouteille d’eau et un sandwich dans mon sac. Mon repas pour le midi. Je ne prends pas de petit déjeuner. Jamais. J’ai l’estomac noué à chaque matin. Pas la peine d’essayer de manger quoi que ce soit, j’allais le rendre aussitôt.

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration avant de quitter ma demeure à Agapé et de prendre la route pour Kalahari. Je le fais à tous les matins depuis bientôt deux semaines. Ce n’est pas si loin l’un de l’autre et cela se fait bien en véhicule motorisé. Je prends le transport en commun. Pas le choix, je n’ai pas de voiture moi-même. Je reste dans mon coin et je veille au grain.

Une fois à Kalahari, je fais le reste du chemin à pied. J’aime bien. L’air est chaud et je me sens en sécurité dans les souterrains. Je sais qu’il ne viendra pas me chercher là-bas. Je…crois…? Je ne veux pas imaginer le pire. Je secoue la tête et je pense à autre chose. J’ai bien verrouillé la porte d’entrée au moins? Oui, j’ai vérifié trois fois avant de quitter. Mon estomac est encore noué, je sais que cela passera bientôt.

Je sursaute violemment lorsqu’une main m’agrippe par le bras et je me rétracte violemment en reculant. Mon regard si expressif exprime la peur et la panique. Je me retourne et je perçois une voix, jeune, un peu faible quand même. Je glisse mes orbes bleutés sur l’adolescent qui s’effondre devant moi. Je le rattrape par instinct, le soutenant pour ne pas qu’il puisse se blesser davantage. L’odeur de fer est forte. Il doit avoir une blessure quelque part. Inconscient, le jeune homme ne pourrait pas répondre à mes questions. Je tourne la tête dans tous les sens pour voir si je trouve la source de l’attaque, mais rien. Je me mords la lèvre et je finis par le soulever dans mes bras. L’hôpital est à environ quinze minutes à pied de là. Je peux l’y amener, mais j’ai peur de lui causer plus de tort.

- Hm…excusez-moi, est-ce que cela vous dérangerait si j’utilise votre table pour ausculter ce jeune homme? Il a fait un malaise et je suis médecin.

Nous sommes près d’un artisan qui n’a pas encore ouvert son commerce. Il est tôt quand même. L’homme accepte de me laisser sa table le temps de m’occuper du passant. Je suis content et je le remercie chaudement. Même si je suis médecin de labo depuis des années, je me souviens encore des bases. Je n’ai juste plus l’habitude des patients. Au tant pour moi, il est inconscient.

- Bon…

Je tourne la tête vers un Absol qui semble appartenir au gamin. Je lui fais un petit sourire tentant d’être rassurant. Cela allait bien se passer. Je déposai le corps du plus jeune sur la table rigide et je pris ma trousse de premiers soins dans mon sac à bandoulière. Je la déposai à côté du jeune homme étendu. J’allais glisser mon majeur et mon index sur sa carotide au niveau de son cou et je me mis à vérifier son pouls. Okay ça allait. Il était encore fort. Une bonne chose. Maintenant, la source de la blessure.

- Dommage que tu ne puisses pas me dire ce qui s’est passé, hum…?

Je parlais au pokémon. Mes doigts et mes yeux passaient sur chaque parcelle de peau et de vêtement, ne voulant pas louper la blessure sanguinolente. Je finis par la trouver à son bras et je me mordis la lèvre. Une belle lacération. Profonde quand même. Normal que le jeune homme se soit évanoui.

- On va devoir faire des sutures…et nettoyer avant, évidemment.

Je pris des boules de coton, ma petite bouteille d’alcool isopropylique 70% et je les imbibai jusqu’à ce qu’elles dégoulinent de produit. J’appliquai ensuite sur la blessure, minutieux quand même. J’espérais que la douleur n’allait pas le réveiller en sursaut.

- AAAH!

Je me reculai brusquement lorsque la personne sur la table se réveilla. Voilà pourquoi je ne travaillais pas avec des patients! Je sursautais à tout et n’importe quoi! Une chance que ce n’était que les boules de coton et non pas l’aiguille et le fil. J’aurai pu l’échapper et trouver une aiguille sur un sol parsemé de sable et de poussière, ce n’était pas une mince affaire! Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Bon Dieu! J’avais eu la peur de ma vie! Enfin…sur le moment! J’observai le jeune adolescent qui se trouvait sur la table et m’approchai prudemment. Je devais prendre sur moi. Il avait besoin de mon aide.

- Hm…non…l’hôpital est à quinze minutes à pied d’ici…

Je retins ma respiration après une bonne inspiration avant de tenter de lui faire un pauvre sourire pas très éloquent. Je me sentais encore pas mal chamboulé là. Juste le fait qu’iel se soit réveillé aussi brusquement, mon cœur avait presque éclaté dans ma cage thoracique. Je devais me calmer où j’allais passer pour un type louche. Est-ce qu’il allait croire que je voulais lui voler ses organes ?! J’espère bien que non! Je finis par m’approcher suffisamment pour toucher son bras.

Je glissai mes doigts le long du poignet et le tournai légèrement pour bien voir la lacération. Ça saignait encore, visiblement. Je me mordis la lèvre inférieure, anxieux. Est-ce qu’une veine plus ou moins grosse avait été touché? Je devais m’assurer qu’aucune infection ne puisse venir se loger dans la plaie. S’iel devait perdre son bras à cause de moi, je m’en voudrais toute ma vie!

- Je suis biochimiste médical…donc…hm…oui? Je suis désolé si ça fait mal! On doit bien désinfecter si on ne veut pas que cela crée une infection.

Je me sentais hors de mon élément et pour cause. J’étais un médecin de labo, pas un médecin de front. Je posai mon regard dans celui de mon vis-à-vis et tentai de nouveau un sourire un poil plus concluant. Ouais, bravo Trix! C’est pas encore gagné, mais tu as l’air un peu moins louche.

- Je dois faire quelques points de suture, mais ça ne devrait pas faire trop mal. J’ai des anti-douleurs dans mon sac. Il faut faire attention ici, les pokémons ne sont pas commodes.

Oui, la ville était dangereuse, mais surtout les pokémons s’y trouvant. Peu importe l’endroit où on allait, il y avait toujours une chance pour qu’un pokémon se mette en colère et crée une catastrophe. Ici, certains types étaient plus enclin à causer des accidents et des blessures. Il fallait être prudent. Cependant, ils n’étaient pas plus dangereux que l’être humain en lui-même. Je frémis sous cette pensée.

- Je m’appelle Trix…et toi?

Je tentai de faire abstraction du fait que mon patient faisait référence à mes cheveux. Oui, ils étaient longs et je pouvais facilement passer pour une grande femme de dos, mais sans plus. Cela ne me dérangeait pas. Souvent, je les attachais rendu à l’hôpital, dans le laboratoire. Je les retenais avec un bun plus ou moins serré ou une queue de cheval haute. Parfois, ça ne ressemblait à rien aussi. J’étais gêné quand même. Le rose me monta aux joues et je détournai aussi la tête. Maintenant que tout était propre, autant recoudre, hein.

- Je vais recoudre…ne bouge pas.

Je pris le fil stérile et une aiguille tout aussi stérile. J’enfilai le fil dans le nœud de l’aiguille, puis je l’attachai méticuleusement. Une fois fait, je m’appliquai à fixer mes points avec minutie et rapidité. Quatre points de suture suffirent pour refermer la plaie. Je ne garantissais pas que cela ne laisserait pas de cicatrice cela dit. Je n’étais pas plasticien et cela faisait un moment que je n’avais pas pratiqué mes sutures.

- Ce sont des points fondants. Ils tomberont d’eux-mêmes avec le temps. Je peux mettre un pansement si tu préfère les protéger…J’en ai…dans mon sac…

Oui, j’avais tout un tas de trucs dans mon sac en plus de la trousse de premiers soins. Enfin…la majorité de mon sac ÉTAIT la trousse de premiers soins.

- Je ne vais pas prendre tes organes…et c’est cela…Je suis un médecin de laboratoire. Je ne vois pas les patients…habituellement.

J’avais presque quelques gouttes de sueurs qui me perlaient sur le front. Il faisait chaud quand même et de m’occuper d’un patient aussi curieux ne m’était pas habituel. M’occuper d’un patient tout court en fait, ne l’était pas. Je pouvais y arriver tant que l’individu en question ne se mettait pas à bouger. Les points de suture demandaient de la concentration et de la précision. Comme je ne l’avais pas engourdi, l’adolescent devait sentir des picotements ou une certaine douleur. Rien de comparable à ce qu’il avait dû ressentir lors de l’attaque de la créature, cependant. Cette ville et même ce district pouvaient être dangereux pour l’être humain. Il fallait simplement être prudent.

- Il faut faire attention avec les créatures sauvages. Elles ont tendance à attaquer lorsque nous les dérangeons ou que nous posons le pied dans leur territoire.

Je me sentais un peu plus à l’aise maintenant que la frayeur était passée et que mon patient reprenait un peu de couleurs. Évidemment, je n’allais pas l’abandonné comme cela, en pleine ville. C’était mon devoir de l’accompagner jusqu’à l’hôpital, une fois certain qu’il était stable. Iel ne devait pas trop s’énerver ou s’exciter non plus. J’allais devoir lui donner des directives claires, mais je n’étais pas certain non plus qu’iel allait les prendre au sérieux. Je ne la connaissais pas en vérité. Une chance sur deux que cela passe dans l’oreille d’un sourd.

J’allais lui transmettre mes conseils médicaux quand il se mit à faire une assomption sur mon prénom. Cela me perturba assez pour que je reste là, la bouche entrouverte, ne sachant pas quoi dire sur le coup. Je secouai la tête alors qu’iel me demandait si j’étais un homme ou une femme et qu’iel voulait simplement respecter mon genre. Je me mordis la lèvre inférieure, le trouvant pour le coup assez adorable de sa part. Pas que cela me dérangeait que l’on me prenne pour une femme, j’avais déjà vécu par le passé, mais bon. Ma voix grave et douce devait quand même laisser un bel indice. Quoique de nos jours, ce n’était pas à prendre pour acquis. En fait, le jeune homme était assez moulin à paroles quand il s’y mettait. Loin d’être amorphe, une chance!

- Je suis un homme médecin. Enchanté de te connaître, Fēi.

Je l’observai avec douceur, un sourire fleurissant sur mes lèvres. Rare quand même depuis ma fuite. Je secouai la tête lorsqu’iel me demanda si j’allais appeler son père. Pas la peine. Ce sera l’hôpital qui le fera, pas moi. Je ne voulais pas courir le risque de mettre trop l’attention sur ma personne. Ce ne serait pas bon du tout pour moi. Puis, je repensai au fait que mon prénom puisse sonner féminin. Mes parents avaient simplement dû avoir l’envie d’être original. Peu importe le sexe de leur bébé. C’était plutôt leur genre. J’haussai les épaules pour moi-même et appliquai un pansement protecteur sur la plaie recousue sur le bras de mon patient. Mon patient…c’était drôle de penser cela.

Je levai mes orbes océan vers Fēi et l’aidai à descendre de la table. Je m’assurai qu’iel soit bien ancré sur ses pieds avant de le lâcher le temps de fouiller dans mon sac. Le pauvre n’avait pas pu manger son petit déjeuner et il semblait avoir faim! Je me permis donc de lui tendre le sandwich que je m’étais préparé pour mon repas du midi. Tant pis, j’irai à la cafétéria de l’établissement. Je ne pouvais pas le laisser le ventre vide!

- Tiens, c’est pour toi. Ce n’est pas grand-chose, mais…cela devrait te remplir un coin…

Je me mordillai la lèvre inférieure avant de détourner le regard. Je me sentais de nouveau nerveux. Je savais qu’iel avait besoin d’un vrai check-up médical et certainement aussi d’une dose d’antibiotique pour éviter les maladies infectieuses. On ne pouvait jamais être certain de ce qui se trouvait comme bactéries dans la nature. Surtout provenant d’une créature sauvage.

- Je vais t’accompagner jusqu’à l’hôpital. Si tu as besoin d’un appui, je suis là.

Je pouvais bien faire cela pour lui, hein? Je n’avais pas particulièrement envie d’être touché, mais dans cette situation, c’était purement professionnel. Aider quelqu’un dans le besoin, même si ce n’était que pour servir d’appui, ce n’était pas grand-chose en fait. Si l’adolescent ne pouvait pas marcher par contre, j’allais devoir le traîner dans mes bras, donc…Nous allions être en contact peu importe la situation. Je devais simplement laisser aller. Ce n’était qu’un jeune patient dans le besoin…qui parlait vraiment beaucoup. Peut-être un peu trop…mais, c’était bon signe! Plus de peur que de mal!

- Je suis soulagé que ce ne soit pas trop grave. Les gens à l’hôpital prendront bien soin de toi. Oh et pour les points, simplement faire attention de ne pas les arracher en faisant des gestes trop brusques. Ils te le diront de toute façon…là-bas…

Je lui fis un maigre sourire et commençai à marcher tout en restant près du jeune homme. Je le surveillai du coin de l’œil. Juste avant de quitter la rue, j’avais remercié plusieurs fois le marchand qui m’avait prêté sa table pour soigner Fēi. Je me sentais un poil plus léger, mais j’avais tout de même une boule dans l’estomac. Ma nervosité sans aucun doute.

- Dis-moi Fēi, tu n’as jamais peur de rien? Je suis curieux.

Oui bah, soit iel était courageux, soit iel était totalement imprudent. Dans tous les cas, j’étais fasciné par sa façon de vivre et d’expérimenter. Jamais je n’oserais m’approcher du danger comme l’adolescent le faisait. Juste à y penser, j’en frémis des pieds à la tête. Brrr…

Je me sentais un peu gêné par l’adolescent à mes côtés. J’essayais de côtoyer un minimum de gens depuis ma désertion de Bedwyr. Pas que j’étais un être asocial, mais physiquement, c’était difficile pour moi d’être entouré de gens. J’avais continuellement la crainte qu’il me retrouve et qu’il ne m’arrache ma liberté toute récemment acquise. Une personne normale ne devrait jamais craindre pour sa liberté. Moi, je me sentais anormal, différent…et je n’aimais pas cela. Je posai mes orbes bleutés sur l’individu tout près de moi. Je comprenais son énervement de ne pas savoir. Je n’avais jamais réellement eu de talent artistique concret et donc, jamais pu avoir un quelconque avenir dans le domaine. Pas que cela m’attristait, mais mes parents, certainement.

Je lui fis un petit sourire. Les arènes hein? Pourquoi pas. Beaucoup de gens avaient cet engouement dans leur jeunesse. Moi? Pas vraiment pu y penser sérieusement. Je préférais la tranquillité, mais je me disais que maintenant, ma vision du monde et des choses avait quelque peu changée. Si je devais me défendre, je devais aussi apprendre à mes pokémons à le faire. Juste, pas besoin que ce soit délirant…de la self-défense…c’était bien à envisager.

- Je suis désolé, mais si tu es mineur, c’est une obligation de contacter ton père pour lui faire savoir que tu es à l’hôpital.

J’étais l’annonciateur de mauvaises nouvelles pour le coup. Je n’aimais pas donner de faux espoirs aux gens. La vie était trop courte et fragile pour qu’elle soit bercée de mensonges. La mienne l’avait été pendant trop longtemps. Plus jamais. Je me devais d’être honnête même si la réponse désirée n’était pas la réponse reçue. Un médecin qu’il soit affilié à une clientèle ou non se devait de rester impartial.

- Je suis certain que ton père sera plus inquiet pour toi que fâché.

Je n’en savais rien, mais je tentais d’être rassurant. Le jeune homme semblait déjà assez dépité comme cela et il avait morflé quand même contre le pokémon sauvage.

Nous marchâmes quelques mètres alors que je tentais d’en apprendre davantage sur le gamin. Il avait des peurs comme tout le monde, j’étais rassuré. Je n’imaginais pas ses parents s’il prenait tout plein de risques inutiles. Leur inquiétude et leur panique à voir leur enfant couvert de blessures et de sang Je frémis juste à y penser. Mes propres parents auraient eu la peur de leur vie s’ils m’avaient vu avec LUI…ce qu’il m’avait fait subir.

Je secouai la tête pour me sortir cette pensée de la tête. Non, ce n’était pas le moment de ressasser cela.

- Je suis intrigué. Pourquoi ton psy est dépassé par tes peurs? Ce n’est pas parce que tu as peur de diverses choses ou situations que cela fait de toi un cas lourd et casse-tête. Il faut simplement y aller une étape à la fois. Un pas devant l’autre. Comme maintenant.

Parce que oui, nous avancions un pas à la fois. Je ne voulais pas prendre de chance et donc, je veillais au grain. Si Fei venait à chanceler ou à vaciller, j’étais prêt à le rattraper au moindre souci. Il avait perdu pas mal de sang aussi. Le pauvre…J’allais peut-être proposer au médecin urgentiste s’il pouvait lui faire une ou deux prises de sang. Vérifier que tout allait bien et qu’aucune infection n’allait l’embêter.

- Tu es de quel groupe sanguin?

Petite curiosité comme cela. Le mien était O négatif. J’étais un donneur universel. C’était sympa à savoir. Je pouvais donner mon sang à n’importe qui, mais je ne pouvais recevoir que celui d’un autre O négatif. J’étais un peu comme la bonne poire. Donner sans recevoir en retour sauf d’une autre bonne poire.

Je vis l’hôpital au loin. Nous approchions de la destination. J’espérais que Fei ne soit pas trop récalcitrant à entrer à l’intérieur. Je ne voulais pas qu’il lui arrive quoique ce soit de plus. Une bonne blessure comme la sienne, c’était assez.

- L’hôpital est juste devant. On va pouvoir te trouver une chaise et te faire examiner par un urgentiste. Ça ira vite.

Il ne fallait pas rigoler avec les blessures faites par un pokémon. Jamais.

Je tendis la bouteille d’eau qui se trouvait dans mon sac au jeune homme à mes côtés. Je voyais sa détresse et je me sentais concerné. Tant pis pour mon repas du midi et mon breuvage santé. J’allais devoir aller à la cantine, c’est tout. Pas de quoi dramatiser.

Je retins l’adolescent pour ne pas qu’il vacille et ne tombe au sol. Nous étions maintenant dans l’entrée de l’établissement et je m’étais occupé de remplir la paperasse pour lui. Je lui avais emprunté sa carte d’identité pour cela. Ainsi, j’avais eu en mains tous les éléments nécessaires pour compléter l’admission sans problème. Nous attendions son tour, patiemment. La place était pas mal déserte donc, cela devrait prendre une quinzaine de minutes tout ou plus.

Je restais auprès de lui avant de l’installer sur une chaise. Je m’étais assis à ses côtés et je prenais tout le temps dont il avait besoin pour le calmer un peu. Je voulais qu’il prenne de grandes respirations et l’angoisse allait passer. Elle passait toujours après un moment.

- Je suis désolé de t’avoir causé du souci. Je n’aurais pas dû me mêler de ce qui ne me regardait pas. Excuse-moi.

J’avais parlé de groupe sanguin avec lui et de bien d’autres choses. Tout cela m’intéressait, mais peut-être que pour cette personne, ce n’était pas trop le cas. Je ne pouvais pas savoir ce qui causait de mauvais souvenirs à mon patient ni être dans sa tête. Je pouvais cependant être à ses côtés. C’était ce que je voulais accomplir et cela sans que personne ne m’y oblige. Par moi-même tout simplement.

J’étais tout de mal pour le petit. Il avait perdu une partie de sa mémoire. J’aurais aimé oublier, mais non, impossible. Ma mémoire ne me laissait aucun répit et je ressassais mes dernières années comme un cauchemar éternel. L’horreur.

J’étais tout de même content d’en apprendre davantage sur lui. Je n’aurais jamais pu savoir que son père était militaire. Typique de ce genre de personne, la privation et les punitions. La tendance à surprotéger aussi d’ailleurs. Je n’étais pas très appréciateur de la chose. Nope.

- J’ai connu une personne comme ton père. Peut-être même pire que lui. Malheureusement, ce genre de personnes existe…hm…les extrémistes…je veux dire.

Oui bon, tant mieux si son père l’avait sauvé et tout, mais je parlais surtout vis-à-vis de ceux qui utilisaient leur autorité et leur pouvoir pour manipuler et sévir. Je devenais morose et lugubre là…Ce n’était pas bien. Je devais me ressaisir. J’allais l’apeurer si je continuais. Je ne voulais pas être pessimiste non plus.

Je laissai un sourire léger glisser sur mes lèvres et j’hochai de la tête à l’étudiant. J’allais rester avec lui jusqu’à ce qu’il puisse voir un médecin pour sa blessure. Je me sentais plus rassuré moi-même de rester. Je n’allais pas être en retard de toute manière. J’étais un peu comme le patron de mon département…même si en vrai, je n’étais pas le seul biochimiste médical de l’hôpital. Et puis bon…cela n’allait pas durer une éternité non plus. Le petit avait besoin de moi. Et puis, nous étions à deux pas de mon lieu de travail. En deux secondes et j’étais dans mon laboratoire avec mes éprouvettes et mes échantillons.

- Je vais demander à ce qu’on prélève quelques échantillons de sang pour m’assurer que tu n’as pas contracté de bactéries. Une précaution à ne pas omettre.

Je me sentais bien avec lui, l’angoisse et la peur un coup disparues.

Je n’avais pas voulu mettre l’adolescent dans l’embarras et mal à l’aise avec mes propos quoique je les pensais réellement. Ma propre expérience avec un militaire n’avait été qu’une dégringolade vers l’enfer et je ne pouvais en vouloir qu’à moi-même d’avoir été aussi naïf…amoureux… Je tentai de faire un maigre sourire rassurant à Fēi, ne voulant pas qu’il soit peiné pour moi. Nous avions tous nos histoires, nos séquelles et nos secrets. Tous sans exception.

J’avais patiemment attendu que l’angoisse et le stress quitte mon jeune ami, m’attardant à lui tenir compagnie et à lui parler de tout et de rien. Ma simple présence semblait le rassurer un tant soit peu et j’étais content de cela. Je n’étais pas psy ni thérapeute, mais je connaissais quelques trucs pour virer l’angoisse quand elle nous prenait à la gorge. J’allais très certainement devoir consulter, mais pas tout de suite. Je devais me reprendre en mains moi-même avant. Essayer au moins une première fois.

- Tu as de la chance d’avoir un père qui s’inquiète pour toi et qui te donne une certaine liberté. Être parent, c’est tout aussi difficile que d’être un enfant sage. Enfin, je crois…

Mon sourire se fit plus doux, plus naturel et je me relevai du banc pour m’étirer un peu. Il était l’heure que j’aille au laboratoire, mais en passant à l’accueil pour déposer les formulaires de mon patient d’infortune, j’avais demandé à être celui qui ferait les analyses de sang. Pas besoin de refiler le travail à un technicien. J’avais le temps pour une petite batteries de tests sanguins.

- Tu es très gentil, toi aussi, Fēi. N’en doute jamais.

Je levai mon regard océan sur lea jeune adolescente et je lui fis un signe de la main.

- On se revoit plus tard. Je dois aller travailler. Sois gentil avec les infirmières et les médecins. Je reviendrai te voir avant que tu t’en ailles.

Je me détournai et me mis à marcher à grands pas dans les couloirs de l’hôpital. Je pris un ascenseur pour monter de quelques étages, puis me rendis dans les laboratoires d’analyses. Je saluai avec calme et douceur tout le personnel que je rencontrai.

Je m’installai à mon bureau et commençai à examiner des rapports d’analyses sanguines et autres provenances de fluides corporels. La paperasse avant l’exécution. C’était ma petite routine à moi et cela même lorsque j’étais à Bedwyr.

Lorsque je reçus les échantillons de Fēi, je m’attelai à faire tous les tests demandés, imprimai les rapports et vérifiai le tout. Une légère anémie dû à sa blessure, mais rien de grave. J’étais soulagé. J’allai directement sur place pour en faire part à son urgentiste avant de marcher vers mon jeune patient qui semblait chercher quelque chose ou quelqu’un du regard. Je lui fis un léger sourire.

- Ton père n’est toujours pas arrivé? Hm…Je sais que ce n’est pas à moi de te dire ça, mais tu n’as rien qu’une légère anémie. Alors, repose-toi bien et tu devrais te sentir beaucoup mieux après un bon repas et beaucoup d’eau.

Je restais debout, planté devant lui comme un idiot, mais je n’avais pas envie de partir de nouveau et de la laisser toute seule.

- Je suis content…que nous nous soyons croisés.

Je me sentais un peu bête, voire même embarrassé parce que mon jeune patient semblait me regarder bizarrement suite à mes derniers propos. Je me mis à jouer avec un pan de ma blouse de médecin, laissant mes doigts tirer dessus en faisant rouler le tissu entre ceux-ci. Je détournai la tête, ne sachant plus trop où me mettre. Je n’aurais peut-être pas dû lui dire que j’avais apprécié de l’avoir croisé…c’était complètement stupide…oui…

Je voulus me reprendre, mais son père arriva à ce moment-là. Je levai les yeux vers le père et le fils, me remémorant les paroles du plus jeune. C’était vrai, ils ne se ressemblaient pas du tout. C’était donc lui, son père adoptif? Je me mordillai la lèvre inférieure, un peu angoissé de me trouver dans cette situation, ne sachant pas trop quoi faire en fait.

Je finis par sortir de mes pensées quand l’adulte m’interpella. Je clignai des yeux et secouai vivement de la tête en levant les mains devant moi. Je fis un sourire légèrement crispé et laissai un rire nerveux s’échapper de la commissure de mes lèvres.

- Oh, non! Vous savez, Fēi ne m’a causé aucun souci! C’est une personne très intéressante et curieuse, c’est tout.

C’était plutôt moi qui lui avais causé du souci et de l’angoisse. Enfin, plus qu’à moi. J’étais soulagé qu’il soit tombé sur moi et non pas quelqu’un qui n’aurait pas pu l’aider rapidement. Surtout lorsqu’iel était tombé inconscient. Je fis un petit sourire à l’adolescent, plus ou moins rassurant. C’était mieux que rien eh…

- Fēi est quelqu’un de très lucide et qui a la tête sur les épaules. Il faut juste trouver quelles sont ses limites…et travailler là-dessus. Je suis certain que votre fils n’a jamais eu l’envie de vous inquiéter. Hm…il a bien agi en cherchant de l’aide et il a compris de ses actions…

Je ne voulais pas vraiment m’immiscer entre le père et le fils, mais je me disais que je ne pouvais pas laisser cet homme croire que Fēi n’était qu’un gamin inconscient. Somme toute, l’adolescent avait trouvé rapidement de l’aide après sa mésaventure et après la conversation que nous avions eu ensemble, je le comprenais un peu mieux…sur certains points. Pas entièrement non plus hein…je n’étais pas psy…

Je détournai les yeux après mes mots et retournai malmener la manche de ma blousse de laboratoire de mes doigts.

- Enfin…il a une anémie légère dû à la perte de sang, mais cela va se rétablir assez rapidement avec du repos et de bons repas. Si possible, se tenir tranquille aiderait grandement le rétablissement…

Je voulais disparaître et me terrer dans mon labo. Les patients et moi…surtout les figures d’autorités comme les militaires et tout cela…ça m’angoissait trop…!

- Au revoir et prends soin de toi, Fēi.

Je disparus ensuite dans mon laboratoire, les laissant rentrer chez eux ou tout du moins à leur chambre d'hôtel.